Billy
realmppn
Billy.
« Qui est Billy ? » criait-il le téléphone à la main qu'il agitait sous l'œil de la fille comme preuve de l'existence de Billy. Tétanisée qu'elle était. C'était un fougueux, il était capable de beaucoup de choses. « Qui , est , BILLY ! ?» qu'il répétait. Il ne jouait pas, le sang lui était monté au cerveau. Voilà ce qu'il avait lu : « Tu m'as terriblement surprise. Tes lèvres. ». Il ressentit tout son amour pour elle et ses propres faiblesses lui sautaient aux yeux ; il comprit qu'elle le trompait. Elle était sous le choc, pourtant elle savait qu'une telle passion finit par se voir. Elle avait accepté ce risque. Elle l'aimait ce Billy ! « Paf !», la première gifle la secoua. Il l'avait fait, elle n'en revenait pas. La tension était tombée, le type n'en revenait pas non plus. Leurs deux expressions avaient changé. Quelque chose venait de se briser. Avec ce « paf !», elle ressentait un autre son en elle, un hurlement enfoui que seul son souvenir de Billy su tenir. Il s'excusa, s'excusa et s'excusa.
Pendant trois longs mois, la tension règna. Une boucle, le type s'emportait, cognait, s'excusait, promettait, puis s'impatientait, s'énervait, s'emportait, cognait … Elle se faisait cogner, se sentait coupable, laissait le type s'accrocher, le pardonnait, pensait à Billy, puis encore, discutait avec Billy et se refaisait cogner. Une satanée boucle.
Elle faisait en sorte que Billy ne sache rien. Elle ne savait pas grand chose de lui. Il était frêle, grand, les cheveux bruns, longs pour un homme mais pas assez pour une femme. Il était délicat, parlait avec douceur et raffinement, avait toujours une mine radieuse, un sourire franc et marqué d'une énergie virile. Il avait quelque chose de rassurant, comme si avec lui la vie serait toujours paisible. Au début, loin de la rassurer, Billy était l'objet de sentiments incontrôlables et dangereux. C'était ce danger, ce frisson qui l'incita à poursuivre la relation. Puis, elle comprit que Billy était son idéal, avec toute la panoplie du type idéal : l'humour, le savoir-vivre, la conversation et le mystère. Mais elle ne pouvait se risquer de quitter son homme, perdre sa situation pour l'inconnu.
Ils avaient rendez-vous et cette fois, elle avait une marque visible au visage, sous son œil droit, une poche noire. Elle voulu annuler. Elle s'était persuadée que c'était le mieux à faire. Elle ne le fit pas, elle avait besoin que Billy le sache, pour l'intéresser plus. Billy lui avait posé un lapin. « Désolé, j'avais à faire ». Il cherchait sa perruque. Il n'avait plus que ses très longs véritables cheveux. Elle aurait su la supercherie. Elle insista, « c'est très important. Viens ! ». Billy ne le savait pas. Il ne voulait vraiment pas qu'elle le voit sans sa perruque. « Je ne peux vraiment pas. Navré. ». En larme qu'elle était ! Décidée, elle prit sa voiture dans la nuit sombre, traversa le périphérique et se pointa devant chez Billy. Elle retint son souffle puis sonna, avec un geste bref, hésitant. Billy n'avait pas envisagé cette visite, bien que surpris de l'heure, c'était sans précaution préalable qu'il ouvrit.
Elle vit que Billy était une femme. Une vraie, avec une poitrine moulée dans un t-shirt noir, des cheveux noirs et longs encore humides. Surprise qu'elle était, y a pas à dire. Et Billy alors ? Il l'était bien plus de la voir là ! Elle planquait ses yeux derrières de grosses lunettes noires, elle gardait le masque, le sien était tombé. Après la surprise, elle enlaça Billy et l'embrassa. Billy ne s'y attendait pas non plus. Il était une fille, ça, la fille le savait maintenant, mais elle l'avait embrassé. Encore une fois, puis une dernière fois et elles s'engouffraient dans l'appartement. Un logement délabré et étroit. Les lumières étaient tamisées, Let it bleed des Stones tournait sur le lecteur vinyle, de l'encens parfumait la pièce humide. Billy sortait de sa douche, une serviette était étalée sur le fauteuil.
"Ça va ?" Qu'il s'empressa de demander. La fille ne répondait pas, elle s'installa dans le fauteuil, dégagea la serviette qui tomba au sol, « flop », alluma une cigarette avec son zippo, « chrik », fuma. « Je suis désolée. Je ne pensais pas à mal, voilà, c'est vrai, je suis une fille. ». Le silence, savez, ce genre de silence qui met mal à l'aise. La fille fumait, Billy était debout, savait pas quoi faire, attendait une réponse. Que dalle. Elle fumait, expirait, soupirait. Merde. Enfin elle s'était décidée de parler : « Je t'aime. Je m'en fous que tu sois une fille. Je crois que je m'en fou. J'hésite à retirer mes lunettes c'est tout. Juste que si t'étais un homme, peut être que tu m'aurais protégé de lui. Peut être qu'en voyant mes yeux, tu aurais réagi. Vis à vis de lui, tu aurais fait quelque chose. » Elle lui sourit. « Ça ne te dérange pas que j'ai pas de bite ? Mais rassures toi, le faire sans ça nourrit l'imagination. » disait Billy avec sérieux. « C'est quoi ? De l'humour, merde ! Je te dis que mon mec me bat et c'est tout ce que tu trouves à me dire ? » «Ok. Je préfère quand tu explicites. Ôte moi ces lunettes ! » Elle retira ses binocles, ses yeux apparurent. Le truc barge savez ce n'était pas son hématome, c'était son regard. Ça vous sclérose. Pire que Médusa ! Cette fille, elle en avait bavé. Billy fronça les sourcils et s'assit près d'elle. « Tu n'as rien fait ? En parler à sa famille, associations, assistant social, police ? » questionna-t-il. « Non – elle posa sa tête sur son épaule ; penser à toi me fait tout oublier. » murmura-t-elle. Billy se leva d'un coup et prit les clés de bagnole de la fille. « Qu'est ce que tu fais ? » demanda-t-elle. Billy se retourna, le visage fermé il dit : « on a tous besoin de quelqu'un sur qui compter ». Il sortit, elle le suivit mais une fois dehors elle vit sa voiture disparaître dans la nuit.
Revenue dans l'appartement, elle l'appela mais le portable de Billy retentit dans la pièce. Désarçonnée elle tourna en rond dans les vingt mètres carrés, fumant cigarette sur cigarette. Après une bonne heure, la porte s'ouvrit enfin. Billy était revenue. Son t-shirt noir ensanglanté contrastait avec son visage immaculé. « Qu'est-ce que t'as fait ?! » cria-t-elle. « Tu vois, dans une bagarre, homme ou femme, c'est du côté de la justice que la victoire se range ». Les amants s'enlacèrent. Elle sanglotait, Billy lui susurra calmement qu'il ne lui arrivera plus rien. Après de longues embrassades, elles préparaient des baluchons. Elles sortirent de l'appartement et joignirent la voiture. Les fenêtres ouvertes, les deux fugitives roulaient vers l'horizon les cheveux au vent au soleil levant.