Biographie I - 10

Violette Ruer

1956

 

 

          Grand-mère achetait des billets pour louer des chaises en fer forgé blanc ou noir selon l’endroit où elles se trouvaient. Un homme ou une femme avec une sacoche passait et encaissait les locations pour l’après-midi, surtout autour du bassin au jet d’eau où nous nous trouvions à l’Esplanade.

 

          Nous avions tous les deux un bateau à moteur mécanique. Nous le remontions avec une clé et le mettions sur la surface de l’eau. Mémé Metz veillait à ce qu’un autre enfant ne nous le vole pas car nous étions très peu à posséder ce jouet ! Nous avions même le droit de patauger dans l’eau après avoir enlevé nos chaussures vernies et nos chaussettes blanches ! C’était des agréables moments.

 

          Tous ces souvenirs sont revenus à la surface grâce à un article ‘La place de l’esplanade »  de Laurent et Cathy Fuchs sur leur blog « Le terrier des renards. A quoi tient un petit moment de souvenir !

 

 

          Puis un jour je fus en conflit avec grand-mère et papa décida de me laisser quelques jours chez mes grands-parents maternels pour calmer les choses. Vianney ne voulut pas me suivre.

 

          Je jouais avec une amie habitant le fond l’impasse en face de l’appartement de mes grands-parents quand je vis couler du sang sur ma jambe. Totalement effrayée je voulus rentrer mais la maman de mon amie me dit de ne pas bouger et d’attendre que mémé Montigny arrive. Je n’avais pas mal alors pourquoi tout ce sang ? Grand-mère était perplexe parce que je n’aurais dix ans que trois mois plus tard… C’était trop tôt… Mais… Il fallait se rendre à l’évidence…C’étaient mes premières menstruations !

 

          Quand papa l’apprit il dit tout simplement : Il va falloir la surveiller de près à présent…. Et il le fit des années durant… Mais c’est pour plus tard.

 

      Au fil du temps et par l’intermédiaire de Simone Vidémont, mes parents connurent d’autres habitants du village, comme le maire, monsieur Leiritz.  Ils apprirent que ce dernier avait jeté son dévolu sur notre maison mais le propriétaire, monsieur Scovron, avait préféré la louer à mes parents. Pour quelle raison ? Lui seul le savait ! La famille du maire était composée, outre les parents, de  trois filles et un garçon, Monique et Pierre que je n’ai pas connus ou dont je ne me souviens pas, et mes copines, Marie-Thérèse (Mathé) et Chantal. Elles vivaient face à l’église et du cimetière. Nous avions sensiblement le même âge. Mathé onze ans, Chantal 9 ans et moi entre les deux, 10 ans.

 

          Derrière la baraque de madame Vidémont se trouvait celle de Madeleine W. Je connaissais surtout marguerite (Guiguite) et Jacqueline (Nini). Plus loin, une autre habitation du même genre, celle de la famille D. composée des parents, de Rolande la sœur aînée, de Bernard et du plus jeune  fils, André.

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          Nous avions un jeu de prédilection : « Je déclare la guerre à… ». Nous tracions un cercle sur la route devant la maison, dessinions autant de parties que de joueurs, en principe une égalité de filles et de garçons. Je ne me souviens pas exactement des règles du jeu mais le principe était de choisir un ennemi et il devait courir pour ne pas être attrapé. Dans le cas contraire il avait un gage. Evidemment les gars choisissait une fille et réciproquement. S’étaient rajoutés au groupe, Jean-Baptiste B (Titi) et Léon, le plus âgé. Chaque fois que je choisissais André, les autres gloussaient en disant « André est le bon- ami de Violette… ». Il en fut de même pour Bernard et Mathé. Un de mes gages fut un baiser, tout innocent, sur la joue, mais qui nous fit rougir tous les deux

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          Un autre jeu nous plaisait aussi : celui de la statue. Un élément central faisait tourner une fille et la jetait dans les bras d’un gars, ceci répété pour tous les joueurs. Ensuite pour gagner, il fallait rester immobile le plus longtemps possible dans la position d’arrivée. Etait-il utile de dire où je me retrouvais à chaque jet ? Cela fit le tour du village et même les adultes s’en mêlèrent ! Souvent Simone ou Madeleine me disait Qu’as-tu fait de ton petit copain ? Tu n’es pas avec lui aujourd’hui ?  Ou alors On va finir par vous marier plus tard vous deux !  Papa n’appréciait pas ce genre de rumeur. Il était très content de me ramener à l’école à Metz.

 

          Hiver 1956 : mes parents m’avaient offert une grande luge. Emmitouflée dans un anorak, un fuseau à petits carreaux rouge et marine et des bottes, je descendais le champ derrière la maison des Depulle en m’agrippant à André devant moi. Les autres copains et copines en faisaient autant. Puis après plusieurs tours, boum badaboum ! La luge se renversa ! Plus de peur que de mal ! Mais un énorme accroc à mon fuseau tout neuf ! Ce n’était pas la fin du monde sauf que j’avais omis de demander la permission de prendre la luge ! C’était un dimanche et papa était à la maison ! J’étais bonne pour une punition et pour écrire cent fois dans un cahier « Je dois demander la permission de prendre la luge » ou tout autre phrase du même genre ! Il était inutile de discuter quand la punition était donnée !

 

          Quand j’arrivais, penaude, Maman était en colère mais pas contre  moi ! Elle disait à papa : Tu ne trouves pas bizarre que tout à coup mon bracelet réapparaisse  dans l’entrée après le passage de Geneviève ? De plus elle m’agace vraiment quand elle se maquille en vitesse quand elle sait que tu vas arriver ! Je profitais de la dispute pour ranger la luge et changer de pantalon en disant ensuite que je m’étais changée parce que le fuseau était trempé par la neige… Mais je parlais dans le vide, personne ne m’entendait… La discussion dura jusqu’au repas du soir.

 

          Je me souviens également du soir où mes parents recevaient leurs amis Margot et Bubby(Marguerite et Nicolas M.) ainsi que Jeannot(Jeanne B), Bobby(Léon B.) et Mana(Marie S.) qui vivait avec un certain Volpini. Bobby était le parrain de mon jeune frère Reynold. Tout ce petit monde se connaissait depuis des années, certaines étaient aussi des cousines de maman.

Margot et Bubby dans les années 50

 

            Vianney, Reynod et Sylvie dormaient profondément mais moi je n’y arrivais pas alors je  me faufilai dans le couloir, descendis les marches et écoutai, cachée dans un recoin. Ils passaient des disques dont le titre à chaque épisode était nommé « Le plaisir des Dieux ». Je ne sus que plus tard qu’il s’agissait de blagues paillardes.

 

 

          J’ai un vague souvenir de visites chez les parents de Mana à Plantières, rue de Raigecourt. C’était près de l’église. Quant à la maison de Léon et Jeanne B. elle se trouvait à Metz Queuleu, rue des marronniers. Ils avaient deux filles, Hélène et Viviane et un garçon plus jeune. Des images viennent de temps en temps à ma mémoire comme la disposition des pièces sinon, tout le reste s’estompe.

 

          Peu après cette soirée, il y eut une grande dispute entre mes parents. Papa semblait reprocher à maman d’être trop proche de Léon et maman d’accuser papa de faire les yeux doux à Jeanne et à Mana ! Les cris faisaient trembler les murs ! Je laissai Vianney, Sylvie et Reynold  dans la salle de jeu et je descendis les escaliers en courant. Papa avait ouvert l’argentier et jetait certains bibelots contre le mur dont un éléphant blanc que m’avait offert Boby. Lorsque je criai, papa me dit qu’il m’en achèterait un autre…Je n’avais jamais connu les tenants et les aboutissants de cette histoire. Nous ne vîmes plus jamais ni Jeanne, ni son mari, ni Mana avec même l’interdiction de prononcer leurs noms ! Quand papa prenait une décision, c’était radical, sans appel.

 

          Les jeux vidéo n’existaient pas. Les espoirs se tournaient vers les trains électriques, les voitures à pédales, les poupées, les dinettes ou les théâtres de marionnettes.

          Les enfants rêvaient, les parents faisaient ce qu’ils pouvaient pour concrétiser leurs rêves.

          Le train électrique avec ses mètres de rails à assembler, sa gare de triage, ses tunnels,  ses signaux et sa mécanique captivante, était le jouet favori des petits et des grands.

          J’ai eu un train électrique tout comme mes frères et ma sœur. Nous avions chacun une gare à notre nom tout cela sur une immense planche 3 X 3 m .

          Nous étions quatre donc chacun son côté avec son système de démarrage. Papa avait même fait un village pour chacun de nous avec des réverbères qui s’allumaient tout comme la gare et l’intérieur des maisons.

          Un travail phénoménal durant lequel nous avions l’interdiction formelle de nous rendre dans la salle de jeu avant Noël. C’était en 1956. Mon frère Reynold et ma sœur Sylvie étant respectivement âgés de 3 et quatre ans, n’avaient le droit de faire fonctionner leur train que si papa ou maman étaient présents.

          Pour la décoration des arbres et de la pelouse, c’était l’œuvre de maman.

          Aujourd’hui qu’ils ne sont plus là, je continue à les remercier de tout ce qu’ils ont fait pour leurs enfants. C’étaient des parents merveilleux.

A suivre

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