Bismillah

Pierre Magne Comandu

En mon nom, je leur écrirai. Je leur écrirai que personne ne mérite de tuer en mon nom, ni au nom du Dieu du Christ, ni au nom du Dieu de personne. Je leur écrirai, si j'étais lui.


En mon nom, je pleurerai. Je pleurerai la mort de vingt êtres vivants, de même que le monde entier a souffert de la mort de dix-sept être vivants. Je les pleurerai, si j'étais lui.


En mon nom, je leur dirai. Je leur dirai qu'un homme qui a tué un homme ne mérite pas le nom d'homme, mais qu'un nom ne devrait jamais empêcher son enfance, sa vie, son corps et sa mémoire d'avoir existé un jour. Je leur dirai, si j'étais lui.


En mon nom, je les prierai de croire. Je les prierai de croire que tout homme né sur cette terre mérite d'être mort dans la même dignité, depuis l'enfant né dans les mosquées blanches sous le soleil brûlant arabe de Médine, jusqu'à la femme morte au vent canadien sur les battures du fleuve Saint-Laurent. Je leur prierai, si j'étais lui.


En mon nom, je leur avouerai. Je leur avouerai que le croisé quand il décapite le sarrasin ne vaut ni plus ni moins que l'islamiste quand il égorge le touriste ; que l'anarchiste qui a tiré sur Jean Jaurès ne vaut ni plus ni moins que le résistant qui poignardera Marine Le Pen ; que le commandant de Płaszów quand il fouette à la mort le déporté ne vaut ni plus ni moins que le déporté quand il attend que son voisin de couchette finisse d'agoniser pour lui voler sa ration de soupe. Je leur avouerai, si j'étais lui.


Mais mon nom ils le saliraient, et ils ne m'écouteraient pas si j'étais lui.

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