Bloody feather / Chapitre 13: Le majordome volubile

Caïn Bates

        Dodgson est terriblement affaibli, voilà des semaines qu'il n'a pas quitté le lit. C'est trois fois par semaine que je lui rendais visite: le lundi juste avant son déjeuner, le jeudi après midi qui était notre rendez vous littéraire depuis maintenant des années et le dimanche midi après l'office. Ces derniers temps, il fut pris d'hallucinations et affirmait qu'une jeune femme ressemblant à Alice lui rendait visite plusieurs fois dans la journée. J'avais beau lui assurer qu'elle était partie avec sa famille depuis 22 ans, qu'elle ne devait plus rien à voir avec la petite fille de 11 ans que nous avions vu s'éloigner. Il était cependant catégorique, la jeune femme avait ses yeux. Il venait d'achever son troisième ouvrage sur elle quand il lui adressa une lettre, lui demandant son accord pour faire publier officiellement son ouvrage nommé pour l'occasion: Alice au pays des Merveilles sous son nom d'auteur, Lewis Caroll. 
         De mon côté, je traversais une ère de prospérité auprès des librairies brittaniques. Mon récit, La montre à gousset, avait dépassé mes attentes et est resté l'ouvrage le plus vendu pendant presque trois années pleines. En plus de m'apporter une modeste part de célébrité, cet ouvrage m'avait rapprocher d'une dame aux moeurs étranges. Madame Hargreaves, de son ancien nom Pleasance Liddell, avait ce je ne sais quoi qui vous met à l'aise tout en vous mettant sur vos gardes.
        C'est lors d'une réception de la reine qu'elle s'est approchée de moi, me félicitant de mon soudain succès avant de me proposer un marché. Il s'avère que cette dame avait par le passé fricoté avec le prince Léopold, ce qui était tombé dans l'oreille de cette chère Victoria. C'est ainsi qu'elle se retrouva embarquée dans des histoires de politiques et de crimes, elle était devenue limière de la Reine. En quoi cela me regarde?! Elle voulait s'associer à moi. C'est ainsi que d'auteur scribouillard, je suis devenu tantôt un poète engagé, tantôt corbeau de propagande. Mon rêve d'un Londres plus beau commençait à se tisser d'une toîle brodée avec de la soie de qualité, du genre de celle qui compose le cocon d'une chenille pour le faire renaître en papillon. C'était ma chance de participer à un tout plus grandiose.
         Ma première convocation dans le bureau de sa Majesté était le coup à l'estomac qui vous emporte dans le monde des illusions avant de vous ramener à une vérité dure à encaisser. Les ténèbres qui arpentaient nos rues craignaient cet endroit autant qu'ils l'enviaient. Alice se tenait à ma gauche, vétue d'une robe grise et noire ne dévoilant que son tour de cou et retombant jusqu'à ses poignets. Avec nous, il y avait un deuxième duo de limiers qui faisait fâce à la reine, un gamin borgne de 12 ans et son majordome à la carrure élancée et au sourire charmeur bien que malsain. Le jeune Phantomhive était devenu limier suite à la mort de ses parents qui a était causée, selon les rumeurs, par Victoria elle même, son père ayant tenté de la trahir. C'est dans l'incendie de la demeure que l'enfant aurait perdu son oeil. L'affaire qui nous a été donnée se résumait à enquéter sur une affaire d'opium rongeant les docks. Nos deux approches avaient vite eues raison de ce contrat.
             
           C'est en cet été 1888 qu'Alice et moi allons montrer toute l'étendue de notre efficacité, la Couronne nous a demandé de nous occupé de WhiteChapel et, plus précisément, des bas instincts qui y règnent. Après avoir commis d'innombrables assassinats sur des bourreaux d'enfants, c'est au tour des meneuses d'hommes d'avoir à faire à la justice divine. Alice a étudié la presse européenne et sait comment donner de l'ampleur à un scandale, nous userons de mes capacités à l'écrit pour mener Scotland Yard à la baguette. Désormais, et jusqu'à ordre contraire de la Reine, le monde nous nommera Jack the Ripper.   

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