Bloody Feather / Chapitre 15: Camisole noire
Caïn Bates
Une fois la porte de chez moi franchie et verrouillée, je me suis assis devant mon bureau et je me suis mis à écrire. Ma main était guidée par une sorte de magie bienveillante, je sentais une main caresser la mienne au fil des mots que je couchais sur les pages entassées.
Il y avait quelque chose d'érotique dans mon écriture ce jour là, non pas dans mes mots mais dans mes sensations. Je ne m'étais jamais senti aussi bien depuis des années, de longues années de solitude à écrire des romans pour des lecteurs qui ignoraient tout de moi mais qui continuaient à me lire. Si ils savaient à quoi s'attendre cette fois, si ils imaginaient seulement où j'étais ces derniers mois, quelle vision auraient-ils de ce cher auteur dont ils ignorent même l'identité?! Cesseraient-ils de me lire et de me soutenir?! Me conspueraient-ils?! En fait, cette fois ci ça m'est égal, je ne sais même pas ce que j'écris vraiment, les mots viennent d'eux même sans que je n'ai à penser.
Finalement, ma main s'arrête et se pose sur un tiroir à ma droite, je reprends mes esprits avant de l'ouvrir. Après tout ce temps, je sais encore ce qu'il contient depuis que je l'ai verrouillé il y a des mois. Cette bouteille, cet élixir qui m'a tant inspiré, cet enfer enfermé dans sa cage de verre. Ma main se met à trembler tout en caressant le métal de la serrure, elle sait où est la clé. Mes yeux se figent en direction de la fenêtre sans que ma tête ne pivote, je ne suis plus maître de mes sens.
Dehors, les cloches sonnent 18h, un corbeau se pose devant ma fenêtre. Il est l'heure de tuer mon esprit mais aujourd'hui, l'infirmière ne viendra pas accompagnée de son aiguille. Personne ne viendra, personne ne me sauvera.
Je suis seul.