Fruitier des cités-jardins, celui qui trônait malgré son dépouillement dans la splendeur des majestés, royaume de tous les jeux, théâtre des imaginaires enfantins livrés sans peur au réseau de ses racines ; ce cheval immobile des cavalcades glorieuses. Disparu sans doute sous les crocs méprisants des pelleteuses, plus insignifiant encore que les clôtures des jardins délaissés, plus anonyme que les pans de béton jetés dans les remorques, pour quel enfer de gravas inutiles ! Plus tard un autre, quelque prunus à modeste ramure, où des chants égosillés prenaient cependant dans leur envol sur le bord quelconque d’une assemblée de pavillons sans esbrouffe les élans des chevaliers preux affrontant les dragons, repoussant les incendies, pour extraire des gueules myriadontes et des brasiers ardents la jeune fille enamourée, ses bras frais en coupelle pour recevoir le héros. Puis il en vint par centaines, pour composer auprès des salles d’études des cavernes entières, des continents perdus, des pays de promesses, où allonger les corps mouvants au cœur des clairières, au milieu des manèges verts, esprit et âme charmés et convaincus par ces oracles muets, qui ne pouvaient mentir du haut de leur tranquille assurance, si longtemps leur pied tanqué dans ce même sol qu’aucun surgeon n’en devait fleurir qui n’eût pour auspice un clair matin délayé, exempt des tourments. Ainsi, de leurs frères lointains ou proches, toujours ils ont conservé écorces et libers, aubiers et même essarts, comme la garde fidèle d’un trésor à peine souvenu. L’un des leurs, grand chêne ignorant tout de sa prestance essentielle, son vaste feuillage laissant courir sa caresse sur les pelages palpitants des chevreuils, et parfois les paumes contre son tronc ou le front inquiet froncé contre l’écorce, à l’affût de la vibration des sèves. Celui-là ne savait pas la nécessité de son maintien solide sur l’appui du chemin. Un frère platane, enfin, là, de l’autre côté des murs. Sa hauteur. Sa beauté. Tous, recueils de larmes.