Bonheur

J'étais dans la forêt avec ma soeur, on regardait le houx parmi les arbres dépouillés et les sapins, c'était l'hiver, on s'était couvertes comme des poussins sortis de leur nid. Il faisait un froid sec, j'aime me promener par ce temps-là, ma soeur moins, c'était pour ça que je n'ai pas pu prendre de houx, toute pressée qu'elle était de retourner à la voiture. Avant de rentrer on est allé prendre un chocolat et une brioche, belles récompenses que ceux-ci! On a parlé de Noël qui approchait, des cadeaux qu'on allait faire, la famille proche n'était pas bien grande, on pouvait gâter les enfants. Au bout d'un long moment bien agréable, on a dû rentrer, le soir allait nous happer dans son obscurité qui tombait doucement. Je voulais retarder le retour à la maison et rouler toute la nuit. Quand on roule la nuit autour de Noël, j'aime voir les lumières blafardes des églises et des maisons, je m'imagine dans un blanc manteau épais coiffée d'une shapka comme en Russie et dans un traîneau qui glisse sur la steppe. J'ai rêvé pendant tout le chemin du retour, me laissant bercer par la voiture qui roulait bien. Nous quittions la forêt de sapins et de fayards pour retrouver une autre forêt plus dense, d'immenses immeubles aux fenêtres éclairées, ils formaient comme des faisceaux rassurants dans la nuit profonde. Notre fenêtre au quatrième étage était éclairée également, de la fumée sortait du balcon, Maman y avait déposé la cocote minute qui contenait la soupe du soir. Une journée s'était déroulée, on retournerait dans la forêt la semaine d'après avec un sécateur pour le houx, et des branches de sapin. J'aimais imaginer l'appartement décoré aux couleurs de Noël, ma mère à ses fourneaux avec ses joues rouges et son tablier plein de tâches qui ne partaient jamais.