Boomerang

sifoell

à mon boomerang

à qui je pense souvent

et que je me reprends en plein dos

quand je ne m'y attends plus

 

 

                        je pourrais vous parler de ma vie mais il n'y a pas grand chose à dire la même vie que des millions de filles avec les rêves en moins ou en plus faut voir ça dépend du nombre de neurones qui fonctionnent encore à mi-temps ou à plein régime

                        je pourrais vous parler du théâtre mais puisque je suis là vous devez bien vous douter que c'est important pour moi

                        alors je vais vous parler de lui avec autant de larmes qu'une vieille femme vous allez sûrement vous demander si ce texte est autobiographique ou fictif un peu des deux peut-être enfin faut voir moi-même je m'y perds souvent dans le dédale de mes sentiments

                        j'ai eu trois coups de foudre l'Irlande pour le rêve le théâtre pour la vie et lui pour tout

                        une femme formidable m'a dit un jour tu pourrais même pleurer car je jouais un rôle assez désespéré parce que ces rôles m'attirent je suis pas une fille drôle ou quand je le suis c'est souvent involontaire c'est que j'ai atteint un certain état de fatigue et que mon baillon que je noue pourtant bien fort a un peu de jeu au niveau des lèvres alors quand un barrage s'ouvre c'est la déferlante

                        j'ai jamais réussi à pleurer sur scène c'est étrange ni à rire dans la vie je ris souvent des blagues des autres ou quand quelqu'un tombe mais j'ai beaucoup pleuré pour lui et je l'ai fait rire une fois il était saoul et moi à peine moins ivre que lui le barrage a craqué j'ai sorti une connerie et il a ri je le vois si souvent les traits tirés les cernes grisées les joues creuses et le ventre vide que ce rire-là m'est resté et que désormais si je le suis c'est pour le faire rire ou pour étouffer sa colère dans mes bras

                        je suis plus forte que lui je suis craquelée d'un peu partout comme les vieux murs lézardés mais les ruines tiennent debout et je veux être sa poutre je veux le rendre heureux et peut-être même être heureuse à ses côtés

                        il faudra bien qu'un jour assez saoule ou trop inconsciente de ce que je fais je lui dise que je le veux comme les mystiques veulent croire il faudra bien parce que des regrets j'en ai tant et des remords j'en veux plus

                        je l'imagine parfois qu'il cède alors que je suis loin je pense à lui mais c'est insuffisant pour qu'il tienne je pense à lui mais je voudrais être à ses côtés à chaque souffle avant qu'il ne se foute en l'air dans un accès de rage incontrôlée comme il lui prend parfois

                        je sais aussi qu'un jour j'ai réussi à l'apaiser il n'a pas frappé dans le mur il n'a rien brisé chez lui juste une mâchoire ennemie et quelques dents aussi ma foi entouré de mes bras il a posé sa tête sur mon épaule rien qu'une seconde en larmes tous les deux parce que le malheur m'est difficile à supporter mais le sien est au-dessus de mes forces je ne peux pas ne rien faire

                        je ne peux pas ne pas l'aimer et je n'y peux rien

                        et je n'ose pas aller vers lui et je sais qu'il risque de se gâcher et je me dis que je gâche peut-être quelque chose et cela m'effraie et me fout hors de moi moi pourtant si calme si trompeusement calme pleine d'une énergie débordante d'insomniaque à qui on donne trop d'heures à veiller et qui ne sait qu'en faire entre les cours la vie quotidienne le théâtre l'écriture et le rêve tout le temps qui ne reste pas est à lui tout ce temps que j'occupe c'est pour ne pas penser à lui

                        mais j'ai la redoutable capacité de pouvoir faire bien deux choses voire trois à la fois écouter de la musique un oeil sur l'écran de télé l'autre sur une thèse et mes doigts courant sur le clavier recueillant ardemment ces mots venant d'un autre pour tromper mon attention sans cesse tournée vers lui

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