BOUCHES CLOSES.

Tu veux que j'te dise, j'en marre. J'en ai marre du bruit, des vibrations glauques qui finissent par nous rendre fous, des caractères inchangeables et déterminés par un seul but qui ne sera jamais atteint, du couvent dans lequel on nous fou. J'en ai marre d'être le silence, d'incarner le mutisme juste pour une paix. Juste pour une tranquillité, et d'observer un engrenage tout en donnant l'impression que tout est normal, que la peur est indifférente.

Comme s'il était naturel de vivre dans la peur. Comme si nous avions encore besoin de ça. Et si je ne me tais pas, si je délibère ma parole du néant, c'est car je ne crois pas aux règles prétendues. Je me relève de la soumission. Envers et contre tout.

Eh ? T'entends ? T'entends le silence là ? Le trou qui nous a été creusé ? Et tu vois ? Les personnes piégées dedans, ne sont pas à l'abri du vent. Du fond, j'entends crier, je vois que la noirceur devient imposable, je vois qu'on nous lance des gifles sur notre dignité, qu'on frappe aux portes de notre délivrance. Mais qui d'autre le voit ? Qui d'autre à la conscience de ce que l'on nous prend ? 

On se frotte à notre libre arbitre et l'on nous démunis de toute humanité. L'espérance est une garce. Une vraie garce.

La rage. Je la vois qui vit en moi, battant comme un cœur dans mes mains, s'emparant de mes pulsions et voulant s'engager à répondre aux attaques. Mais l'on me jette des mains qui me retiennent les bras, on me fait bouffer des doigts, des mains qui se brusquent sur ma bouche.

Bouches closes. Pas un mot. Pas un geste. Pas une réponse à l'attaque. Personne ne rétorque contre le mal. Tout le monde se tait pour faire le bien. Pour la paix, qui n'est que fausse figure, que masque devant la colère.

Mais peu importe les conséquences, aux risques des coupures sanglantes, au risque de ma perte, je me relève de la soumission. Pour dire que je suis là. Que je suis, humainement fragile.