Bouddha

Jerry Milan


J'étais à l'aéroport de Bangkok avec ma petite Thanitha qui me tenait la main. Nous venions de passer trois semaines ensemble à trainer dans la ville et à travers le pays. Dans les iles merveilleuses et sur le plages de sable blanc lavés par une eau cristalline et chaude. A manger des plats succulents à plein bouche et à faire l'amour comme des forcenés. Than était jolie comme un coeur et de 30 ans ma cadette. Elle aurait pu être ma fille. Elle avait un visage malicieux, des yeux en amande, une joie de vivre sans faille et une bonne paire de nichons pour une Thaï. Mais le rêve était fini et j'allais repartir. Nous allions nous quitter. Elle ne voulait pas et ne me lâchait plus la main.

J'avais acheté deux statues de Bouddha en bronze de bonne taille que j'avais évidé de leur sable de fonderie pour les rendre plus légères. Je voulais les foutre dans mes bagages, mais Than s'y est opposé violemment. D'après elle et sa religion, je n'avais pas le droit de faire ça, surtout qu'une de deux statues venait d'un temple et était chargé par un prêtre attesté par une gravure en lettres thaïs sur son socle. Elle m'a été vendu pour pas grand chose par un moine dans le besoin. Il m'a poursuivi sur cent mètres dans la rue pour me la fourguer en se lamentant qu'elle m'était destiné à moi seul et qu'il fallait absolument que je la lui achète. Il a certifié, que cette statue venait directement d'un temple et tout droit du 17ème siècle et qu'elle allait me protéger jusqu'à la fin de mes jours. Mais bon...

Il fallait donc que je les prenne avec moi dans la cabine. J'ai foutu ces deux statues dans un carton et les ai emballé et bien calé par les pages froissées d'un quotidien quelconque. Than m'a confectionné une poignée avec une corde et du ruban adhésif pour que je puisse porter le carton comme un sac. Inutile de dire que je fouettais, car ce genre de statues était strictement interdit de sortie du territoire. Si on se faisait chopper, c'était au minimum une grosse amende avec la saisi de l'objet ponctué d'une interdiction de séjour, au pire, la prison. Mais je me suis dit que si j'étais accompagné d'un Bouddha ''chargé'' par un prêtre avec moi, voir deux, rien ne pouvais m'arriver.

J'avais fait enregistrer mon sac et nous avions du temps à tuer avant l'embarquement. Nous sommes allé manger un Tom Yum dans un resto de l'aéroport et là, nous étions assis à nous faire des mamours et nous tenir par la main quand tout d'un coup je me suis rendu compte, qu'il était extrême limite d'y aller et je me suis sauvé comme un voleur en laissant la gamine écraser une petite larme. Moi non plus, j'en menais pas large.

J'ai repéré en vitesse la porte sur le tableau d'affichage, passé le contrôle des passeports ''relativement'' vite et me suis mis à entamer le couloir interminable au pas de course, sac dans le dos et mes bouddhas à la main bien calés dans leur carton. Petite halte express pour acheter deux cartouches de clopes et enfin, j'arrive au contrôle. La queue. Je regarde ma montre...elle avance, la queue elle, n'avance pas. Finalement, je dépose tout le toutim, le bouddhas en premier sur le tapis roulant, mon sac à dos vidé do son portable et appareil photo, montre, ceinture, casquette...

Je passe le portique et je sonne. Normal. Depuis le 11septembre et les nouveaux portiques plus sensibles, je sonne tout le temps. J'ai du métal dans ma hanche qui déclenche les cloches à tous les coups. Ou mes bagues, ou le tout. Je jette un coup d'oeil sur le tapis, le carton et le sac à dos sont passé comme une lettre à la poste.

Je finis de passer à mon tour après un contrôle au corps. Ouf...

Je ramasse en vitesse toutes mes affaires et fille vers la porte d'embarquement. Arrivé à destination, pas de destination...mon vol pour Doha s'est transformé en Kuala Lumpur. Merde, c'est quoi ce bordel? Je demande à l'hôtesse qui me confirme bien la destination et gentiment, appelle au talkie pour demander où a disparu ma Doha, puis elle m'achève dans un anglais parfait:'' Votre vol est sur la porte 46 qui se trouve à l'autre bout de l'aéroport''. Putain, dans la précipitation, je me suis trempé de ligne sur le tableau. Me voilà reparti avec mon sac à dos, mon carton avec mes bouddhas et mes couilles qui valsent dans mon short. Re-sprint à travers les couloirs interminables, les tapis roulants, zigzaguant entre les touristes poussant les caddies, trimballant des sacs et des gosses, dégoulinant de sueur. Arrive enfin à la bonne porte. Re-contrôle, re-portillon, re-queue...

On annonce mon nom:'' The last call''

Au moins je suis sûr de ne pas m'être gouré. Derrière le portillon attend un mec avec son talkie: ''Mister....oui c'est bien moi, dites leurs que j'arrive, j'en ai pour une minute !!!''

Mais non...re-cloche au portique, mais le carton est passé. Pas le sac à dos! On me demande de l'ouvrir, fouille dedans, le mec au talkie me speed la tronche, putain, un trousseau de clés...Je ramasse tout, mets pas de ceinture et cours avec le mec. Je perds mon frocq, les bouddhas m'accompagnent. L'hôtesse m'attendait:''Vite, vite, le vol va partir !''

Enfin j'arrive à trouver mon siège (il n'en restais qu'un de vide) et m'affale dedans. Tout le zingue m'applaudit dans un long ''Braaavooo!!''

L'hôtesse mignonne comme tout rangea mes bouddhas dans le compartiment à bagages avec un sourire complice. Moi, j'ai rangé mes couilles croisées de ceinture de sécurité. Je puais la sueur. On pouvait enfin décoller. Dix minutes de retard.

J'ai demandé tout ce qu'il y avait à boire à bord, bière, vin rouge, coca, flacons de sky! J'avais dix heures pour oublier. L'avion n'est pas tombé...

Arrivé chez moi, j'ai choisi une belle place pour mes bouddhas, je les ai décoré d'un collier de fleurs en plastique comme là-bas et j'ai fait une petite prière de remerciements. Ils m'étaient vraiment destinés !

PERSONNELLEMENT !!!

C'est comme ça que je suis devenu bouddhiste...

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