Bouddha n’est pas une décoration…… Mais un bon business.

Francisco Varga

Au pays du Bouddha triomphant, le business n'est jamais loin et la religion pas une simple affaire de spirittualité.


« Les trois joyaux du pays sont: le Roi, Le Bouddhisme, la nation » Michelin Thaïlande 2018.

Ici, on ne rigole pas avec le respect du au roi ou à Bouddha. La Thaïlande est une monarchie non laïque et il est difficile de passer à côté vu le nombre de temples qui parsèment le pays. Il doit y en avoir autant que des monuments aux morts chez nous.

Tu seras un moine mon fils

Chaque homme se doit, durant son existence d'endosser l'habit safran au moment où il le souhaite et pour la durée qui lui convient. Généralement, c'est à la sortie de l'adolescence, avant le mariage, après le service militaire (obligatoire) et pour une durée de plusieurs mois à quelques années.

L'ordination s'accompagne alors d'un rasage méticuleux du crâne et des sourcils  et le novice prononce ses vœux de chasteté et frugalité… pour la chasteté, pas besoin de vous faire un dessin…

j'ai dit chasteté, pas question de branlette en douce… Bouddha voit tout et si par hasard il vous perdait de vue un instant, ses auxiliaires (police, police militaire, polices des mœurs etc…) se feront un devoir de vous rappeler à l'ordre.

Pour la frugalité, sachez que mendier sa nourriture, la rapporter au temple et la partager entre moines n'est pas une nécessité mais un sacerdoce. C'est le seul point qui semble rapprocher les moines d'ici de nos SDF. Les moines jouissent d'un immense respect, tout un chacun leur cède sa place dans les transports, s'efface devant eux et surtout se doit de les nourrir et de leur prodiguer diverses donations en cash et en nature (en tous biens tout honneur, chasteté oblige).

Le culte à bouddha est omniprésent. Impossible de faire un pas sans assister à une cérémonie ou un rappel symbolique. Bouddha est considéré comme un dieu et lui manquer de respect (selfie, grimace, etc..) est sévèrement sanctionné. Un séjour dans les geôles thaï n'est pas impossible et vous n'en ressortirez qu'après avoir réglé une amende de plusieurs centaines de milliers de Bahts. Même si la vie n'est pas très chère localement, ça fait quand même tout drôle.

Un Bouddhisme intégriste

Cette idolâtrie est paradoxale à mes yeux. Ici on parle de bouddha comme on dirait jésus. Pourtant Bouddha n'est pas un nom propre mais un état qui signifie « être éveillé ». C'est le but vers lequel doit tendre tout être humain, par sa piété, sa modestie, son détachement du matériel et par la méditation.

Bouddha n'est donc pas un prophète, mais l'état du prince Siddhârta au terme de sa longue méditation où l'essence de l'univers lui a été révélée… Dire « manquer de respect à Bouddha » c'est comme dire « manquer de respect à l'état d'éveil ».

Le bouddhisme thaï est par ailleurs enfermé dans un traditionalisme intégriste qui empêche tout pratiquant de se poser les questions que Siddhârta exigeait de ceux qui suivaient ses enseignements. Le vœu de frugalité ne concerne que les moines. Les nombreux temples et statuaires font tous compétition de paillettes, de feuilles d'or, d'occupation extravagante de surface.

Ce luxe ostentatoire dédié aux idoles qui contraste avec le dépouillement du message originel, la frugalité des moines ainsi que la pauvreté d'une grande partie de la population constitue un véritable atentant à la pudeur. La pratique du bouddhisme en Thaïlande a un petit côté Sarcelles qui ne manque jamais de m'étonner. D'ailleurs ma grand-mère catholique espagnole aurait adoré tout ce fatras.

Partout les affichettes à l'attention des infidèles (les pharangs bouddhiste ou pas) vous rappellent que l'on ne doit pas se selfier devant Bouddha ni un temple ni une représentation royale. Ça devient vite casse-tête de prendre en photo sa chérie, vu qu'il est presque impossible dans le coin d'éviter d'avoir l'un ou l'autre dans son objectif.

 

On ne doit pas non plus se servir de l'image de bouddha en tant que décoration. Oubliez votre idée géniale de faire imprimer des Bahts à l'effigie du roi sur des rouleaux de PQ et sortez-vous de la tête votre projet de faire imprimer des tees shirts « Bouddha est de retour…. et il est pas content ». On ne peut pas faire de fric sur le dos de l'idole. Pourtant, comme chaque religion qui se respecte, le commerce y est largement encouragé et les marchands du temple sont légion.

Les marchands du temple

Le Wat Pho, temple dédié à la représentation du bouddha des derniers instants, celui-ci figurant allongé, exprimant sur son visage une expression de sérénité est un exemple particulièrement éloquent à ce titre.

La petite boutique bien bondée juste à la sortie, dans l'enceinte sacrée vous permettra de faire vos emplettes et d'acheter au choix une multitude de porte-clés bouddhas, de petites statues en plastique doré ou couleur verdâtre émeraude pour poser à coté de votre thermomètre tour Eiffel dans la cuisine.

Vous n'échapperez pas non plus aux diseurs de bonne aventure (Fortune tellers)… et quelques mètres plus loin à la vente de PQ sacré à la feuille (dans les toilettes bien sûr… je ne m'amuserai pas à blasphémer)….

Le bouddhisme est donc un bon business et naïf serait celui qui croirait au total détachement du matériel de ses adeptes. Ici d'ailleurs tout est business, même le sourire…selon Arnaud Dubus, correspondant de rfi à Bangkok:

Le rapprochement entre le bouddhisme et l'argent s'est considérablement accéléré dans les années 1970 et 1980, quand la Thaïlande est entrée de plain-pied dans l'ère du consumérisme.

Ceci dit, les thaï, gens fiers et spirituels seront les premiers à se mettre en quatre pour vous et sans rien exiger en retour. L'accueil dont nous avons bénéficié n'a pas d'équivalent.

 


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