Bouteille à la mer

sandrafrzn

Un message laissé à la merci de la houle, des vagues, et du vent, dont l’auteure aurait presque souhaité qu’il ne tombe pas dans les mains d’un lecteur.

   Me voilà au volant de ma voiture, les vitres grandes ouvertes, la crinière ébouriffée. C'est le petit jour, vois-tu, c'est le moment que je préfère. Le Soleil s'étire doucement sur la mer, calme et prête. Je vais m'arrêter pour la contempler, je ne veux pas rater cet instant, qui ne dure que trop peu de temps. Le ciel bleu repousse les vagues oranges et violettes qui l'envahissent. J'ai stoppé le moteur de la voiture, le silence est un chant mélodieux que je ne veux pas ruiner. Il est trop précieux.

 

   Les mésanges sifflent la matinée et donnent le bonjour à la nature, qui continue de s'éveiller. Si tu me voyais : je m'émerveille. Mais il me manque toi dans cette carte postale.

   Je me surprends à regarder le siège passager, la vision de ta main trafiquant le bouton du poste radio, et ton sourire satisfait à la manipulation réussie. J'aurais aimé la saisir encore une fois. Je sens encore les aspérités de ta peau, cette main râpeuse, à la douceur d'un bois brut.
Je ne sais toujours pas pourquoi je suis restée aussi souvent là, à t'écouter me rassurer, les yeux tristes remplis d'au revoir. Alors que je ne connaissais que trop bien la fin.

 

   Je ne suis pas retournée en Italie. La Dolce Vita n'est plus sans toi. Je te verrais danser, le claquement de tes chaussures sur les pavés, à faire l'idiot et entendre mon rire ricocher sur le port. J'aimerais ne plus nous voir, nous enlacer, nous embrasser, ne plus sentir ton bras autour de mes épaules, à vouloir me presser toujours plus fort contre toi. Si j'avais pu te repousser tu sais…
Hélas j'ai aimé chaque instant.

 

   Je ne cherche pas à te fustiger, je voudrais simplement guérir de tous les maux d'amour que tu as fait naître en moi.

   Il reste le souvenir terrible de m'être battue pour que tu me voies, que tu restes auprès de moi, de l'Été qui n'attendait que nous. Mais je l'ai vue, la dernière vague, me frapper en pleine face. Elle était sans pitié, dépourvue de toute sympathie pour l'organe qui battait encore fort, gonflé d'espoir. Elle est venue s'échouer sur mes lèvres.
Ce baiser impulsif sans manque de générosité, que tu as brisé sous les coups de paroles maladroites. Et dire que, pour une fois, il n'y avait là que des vérités. J'ai vu mes désirs se consumer, aussi rapidement qu'une flamme dans la tempête.

    La porte grande ouverte, la cigarette au bec, les soucis confinés dans les valises, et en un claquement de doigts te voilà bien loin. Et moi, seule, l'esprit pendu au souvenir de ton regard bienveillant.

   J'y ai pourtant cru, le bras tendu, bravant tout désaccord, criant que nous l'aurions, cette chance. Mes oreilles n'entendaient plus les « à quoi bon ? » des vaillants ignorants, elles préféraient divaguer, se laissant jouer la mélodie du bonheur.
J'aurais dû comprendre que tu étais parti pour de bon cette fois là, le sourire n'étant plus, cette porte qui ne s'ouvrait plus. Moi devant, attendant chaque levé du Soleil pour te voir entrer et m'encorder à toi. Quelle sotte j'ai été.

   Rien ne sert de me blâmer, je t'ai aimé, et peut être même que je continuerais, malgré moi. Mais j'ai besoin que tu partes, pour qu'il ne reste en moi que de vagues réminiscences. Laisse moi, pour de bon cette fois. Épargne mon cœur, mon esprit de ces infâmes douleurs qui poussent en moi comme de grosses fleurs fanées. Je t'en prie, ne reviens plus.

 

Je jette cette bouteille à la mer.

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