Bran. (Partie 2)

ju1139

Suite de "Bran". Autre temps, autre lieu, même jeune fille. Fortement inspiré par la lecture de "The great Gatsby". La musique est d'ailleurs issue du film de Baz Lhurmann.

Autour de moi, le ciel se couchait et les gens s'agitaient. Le bruit et les gens imbibés d'alcool volaient à la nuit ce qui lui appartenait. Tout le monde était là, amis, famille et connaissances. Quoiqu'il y avait des gens que je ne connaissais. Tous étaient là à se la jouer puritain mondain qui s'éprend d'amitié pour tout un chacun. Mais c'était faux, un leurre, un espoir. Chacun était là, juste en train de faire une parenthèse dans leur vie, d'oublier leurs ennuis et de se réinventer l'espace d'une nuit. Et moi j'étais là, debout sur le grand escalier, à les regarder rire et sourire bêtement. Mais le rythme de leurs danses endiablées, les éclats de leurs rires et le bruit de leurs discussions avaient, il faut l'avouer, quelque chose d'entraînant. En bas, l'herbe était verte, mais le coucher de soleil venait la couvrir d'un voile orangé. Sous mes pieds, les escaliers étaient d'un gris repoussant et déprimant. Mais je n'arrivais pas à bouger, comme si, à l'exception de mes yeux, j'étais figée comme une statue de marbre. C'était comme si le bonheur, même éphémère, se refusait à mon présent, comme si mon corps repoussait les avances de toute vie un tant soit peu heureuse. J'étais figée, incapable de bouger, incapable de rien, juste destinée à regarder ce monde vivre.
‘'- Mademoiselle ?''. C'était une voix masculine, douce et rassurante qui venait de résonner dans mes oreilles. Il était derrière moi mais je ne ressentais pas le besoin de me retourner.
‘'-Oui ?'', répondis-je.
‘'- Quel est votre nom ?''. A ces mots, je me suis figée à nouveau. J'étais incapable de dire mon nom. Il était trop précieux, réservé à la mémoire de Bran, mon frère. Devant mon silence, l'homme ne se démonta pas.
‘'- Vous m'accordez une danse ?'', demanda-t-il en me tendant la main. Je ne voulais pas parler, cela me semblait inutile. Pour seule réponse, je pris sa main. A notre contact s'est produit une alchimie étrange et bouleversante. Mon cœur battait de plus en plus fort et mes jambes bougeaient, j'arrivais à descendre ces escaliers, comme si la statue présente depuis des milliers d'années venait de prendre vie en un instant. Je m'approchais de l'herbe verte, ou c'est elle qui se rapprochait, je ne sais pas. Tout ce que je sais, en revanche, c'est que cette herbe, malgré que la nuit prenait ses droits, était flamboyante. Elle était comme un soleil vert, une aurore boréale qui illuminait mes yeux. Je retrouvais l'herbe si verte de mes années passées. C'était magique. L'homme me tenait toujours la main dans cette alchimie enivrante. Nous étions au milieu de cet immense jardin et une musique douce et entraînante nous parvenait. Il prit possession de moi, et je devais le suivre. J'étais, il faut l'avouer, une piètre danseuse. Mais au creux de ses mains on aurait dit que je dansais depuis mille ans. Nous tournions et retournions au rythme de la musique. Tout autour était flou, rien n'existait à part ce moment de grâce et d'alchimie entre deux êtres pourtant inconnus.
Puis la musique s'est arrêtée, et tout autour de nous reprenait vie peu à peu. Le bruit revenait, les mots se mêlaient aux verres qui s'entrechoquaient. C'était comme si cette danse n'était qu'une parenthèse heureuse et conservatrice au milieu de cette réunion de toute la déchéance humaine.
‘'- Vous êtes une superbe danseuse.'', me dit-il avec un sourire angélique.
‘'- Non. Mais merci quand même.''
‘'- Ne seriez-vous pas…''. Il se coupa net dans sa phrase. Je sentais une gêne s'installer. C'était étrange. Mais je comprenais. Personne n'osait parler de ça, de cette tragédie, de cette famille déchirée.

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