Bref aperçu de l'Enfer

alexandra-basset-9

C'est toujours la même chose avec ces disparitions, qu'elles soient soudaines ou attendues, je ne sais jamais si je pleure la mort en elle-même, l'absence à venir ou bien ma propre détresse dans le cadre d'un apitoiement très déplacé. Quoiqu'il en soit, que la douleur soit égoïste ou altruiste, c'est toujours un mauvais moment à passer où la plupart des gens se confondent en excuses et prennent la mine abattue de ces miséricordieux implorant au ciel le peu de pitié qu'il lui reste. Nul doute que la mort d'autrui nous renvoie à notre propre extinction. Dans ces moments-là, on se fout de tout, on semble enfin comprendre le sens de la vie : on traîne en pyjama et on dort plus que de raison. L'absence de celui qui, partit, ne reviendra jamais, a ouvert des brèches dans mon esprit. J'attends que l 'évadé s'y faufile, désespérément, et s'y installe pour le temps qu'il me reste à vivre. Ainsi, nous serons ensemble jusqu'à notre réunion finale au royaume des diables. Viens, je t'ai réservé un siège au chaud dans le cinéma de mon âme. Prends des pop-corn et installe-toi confortablement. Désormais, tu n'as plus qu'à te marrer devant les activités absurdes organisées par les vivants pour oublier leur sort morbide : chercher l'amour, trouver du travail, commenter les actualités et lire des horoscopes sans y croire. Et je rirai avec toi, d'eux et de moi.

Mais revenons à nos enfers, peut-être pourras-tu me briefer sur les us et coutumes qui y sévissent. Ce n'est pas le genre de destination vers laquelle on se rend sans être un minimum renseigné. Y-a-t-il des vaccins obligatoires ? De quelle couleur sont les visages des trépassés une fois passés de l'autre côté ? Ça fait flipper, j'achèterai bien un fond de teint avant d'y aller. Et les religions, ont-elles survécu à la mort ? Les fidèles prient-ils toujours pour un paradis qu'ils savent désormais être un rêve de capitalistes aspirant à l'immortalité ? En effet, ces derniers trouvent insupportable l'idée d'être séparés de leur fortune, même morts. Et oui, à quoi cela servirait-il d'amasser tant d'argent de leur vivant, s'il ne pouvaient pas en profiter une fois morts ? A tous les coups, les âmes déçues d'avoir gâché leur vie à travailler ont créé des casinos et des droits à la propriété en Enfer. Seulement, un fantôme peut aller partout sans être vu. Alors nul doute que les sans domiciles iront prendre des bains moussants chez Monsieur le notaire et jouer avec sa femme aux machines à sous. Ah ,qu'est-ce qu'on est bien en Enfer.

Signaler ce texte