Brève réflexion sur les causes et les conséquences de la pandémie de Coronavirus

Dominique Capo

Réflexion sur une crise sans précédent dans l'Histoire humaine...

Aujourd'hui, je souhaiterai un peu approfondir ma réflexion sur la crise actuelle que le monde traverse :  

Il faut tout d'abord se souvenir que ce n'est pas la première fois que l'Humanité est confrontée à une pandémie. Il n'y a pas si longtemps, le SRAS et le H1N1 ont sévit. Il y a un siècle, la "Grippe Espagnole" a fait davantage de morts que la totalité des victimes de la Première Guerre Mondiale. Au milieu du XIVe siècle, la "Peste Noire" a décimée le tiers de la population européenne. A cette époque d'ailleurs, ce fléau avait commencé à se répandre en Asie, puis en Orient, avant d'atteindre l'Occident Chrétien. Et ce sont les échanges commerciaux avec ces autres parties du monde qui l'y ont introduit.  

Ce sont les navires des cités-Etats italienne - Pise, Venise, Florence... - qui étaient alors les principaux intermédiaires entre l'Orient et l'Occident. Ce sont eux qui en ramenaient ses richesses en Italie, en France, en Angleterre... Des fortunes se sont bâties ; mais ils en ont également ramené des savoirs, des idées, des philosophies, des traditions, perdues depuis l'Antiquité. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, il mériterait un texte à lui tout seul.  

Quoi qu'il en soit, d'une certaine manière, cette "Première Globalisation" des échanges a annoncé la Renaissance. Or, en mème temps, elle a engendré le pire fléau que l'Europe ait connu jusqu'en 1918-1920. Car ce sont les rats qui fourmillaient dans les cales des navires vénitiens ou florentins qui ont propagé celui-ci. Dans un premier temps, ils ont contaminé les hommes conduisant ces navires. Puis, une fois revenus en Occident, ces hommes contaminés sont descendu à terre, ont retrouvé leurs familles, leurs proches, leurs amis. Ils les ont contaminé à leur tour. Et ainsi de suite. Il est d'ailleurs à noter, et c'est désormais un fait bien connu des historiens, que c'est à Marseille que ce premier foyer d'infection s'est révélé. Avant de se répandre partout en Europe à une vitesse fulgurante.  

Évidemment, les autorités ont tenté de juguler cette épidémie. En vain. Elles ont essayé tous les moyens qui étaient alors à leur disposition. Elles brulaient les corps des pestiférés dès qu'ils étaient décédés. Elles confinaient ceux et celles qu'elles soupçonnaient être porteurs de la maladie. Elles ont stigmatisé les juifs, parce que leurs professions des marchands et de banquiers.

Car paradoxalement, s'il s'agissait des métiers auxquels ils se consacraient le plus - et encore, tout est relatif -, c'est parce que le reste de la population estimaient ceux-ci indignes d'elles pour des raisons religieuses. Judas ayant vendu Jésus aux Grands Prêtres juifs du Second Temple de Jérusalem pour trente deniers, ce perfide souvenir demeurait profondément ancré dans la mémoire collective chrétienne. Et, de fait, elle ne voulait pas s'adonner ; il leur était même interdit. Et seuls les juifs avaient le droit de l'exercer. En les stigmatisant pour cette raison, qui plus est.  

Bref, tout ceci pour dire que les autorités ont cherché à juguler cette épidémie qui a décimé nombre de personnes à travers toute l'Europe. Or, la science médicale n'existait pratiquement pas à l'époque. Ou alors, ceux qui se prétendaient médecins, au mieux, se référaient aux ouvrages écrits sur ce thème durant l'Antiquité, au pire il s'agissait de charlatans ou de rebouteux usant d'élixirs, de racines, de plantes, etc. qui aggravaient l'état de leur patient le plus souvent. Ou encore, considérant que les maux dont étaient victimes les humains étaient liés aux "humeurs" du corps - elles-mêmes se manifestant en fonction des éléments fondamentaux qu'étaient la Terre, l'Air, l'Eau, et le Feu dont il était constitué -, ils pratiquaient sur eux des saignées.

Ces médecins, en effet, voyaient dans cette méthode la meilleure manière de soigner un individu. Alors qu'en fait, cette perte de sang l'affaiblissait, et il était rare qu'il y survive.   Je constate qu'en tant qu'historien, je m'égare de mon sujet principal. On ne se refait pas. C'est difficile de ne pas entrer dans ce genre d'explication lorsqu'on tente d'examiner ce qui nous arrive, à nous, humains du XXIe siècle confrontés aujourd'hui aux ravages engendrés par l'épidémie de coronavirus.  

Un dernier point cependant à souligner : à l'époque de la Peste Noire, l'hygiène, telle que nous la pratiquons, était très sommaire. Contrairement à ce que l'on s'imagine généralement, les gens n'étaient pas aussi sales qu'on le suppose. C'est sous Louis XIV que cette image se répand. Néanmoins, les ablutions quotidiennes étaient loin d'être parfaites. Ce qui a facilité la propagation de la Peste Noire, c'est évident.  

Depuis, les siècles ont passé. La globalisation a pris une autre dimension. Ce qui mettait des semaines ou des mois à se propager à cette époque, ne met plus que quelques jours, quelques heures, quelques minutes parfois. Les échanges sont désormais extrêmement rapides, quasi-instantanés avec les moyens de communications actuels. Les marchandises, les personnes, se déplacent d'un bout à l'autre de la planète en un jour ou deux à peine. Les virus également...  

Pourquoi je rappelle tout cela ? Actuellement, le coronavirus tue malheureusement 2 à 3 % des personnes contaminées par celui-ci. 15 à 20 % de ces mêmes contaminés auront des symptômes assez poussés, avant qu'ils ne parviennent à le surmonter grâce aux médecins les hospitalisant momentanément. Les 80 % restant n'en n'auraient que des symptômes bénins, voire pas de symptômes du tout. Néanmoins, si cette grande majorité de la population infectée par ce virus s'en tire à si bon compte, cela ne veut pas dire que les gens qu'elle côtoie volontairement ou pas, ne peux pas être gravement affectée. Le contact prolongé avec ces porteurs plus ou moins "sains" est susceptible d'avoir des conséquences dramatiques. D'autant plus s'il y a des individus qui prennent ces mesures à la légères. Ces derniers sont de véritables criminels en puissance. Égoïstes, râlant parce que contraints de rester chez eux plusieurs semaines durant afin de limiter sa propagation, ils ne se rendent pas compte - ou s'en moquent plus ou moins ouvertement - des conséquences de leurs actes.  

Le confinement, à l'heure actuelle, est le meilleur moyen de se protéger, et de protéger les autres, de cette pandémie. Et il vaut mieux être chez soi en bonne santé, plutôt que d'être dehors parce qu'on en a assez d'être enfermé, et tomber malade, mourir éventuellement, ou infecter des proches ou des inconnus ; peu importe. D'autant que pour celui ou celle qui a un peu d'imagination, de créativité, de ressources personnelles - pas financières, juste personnelles !!! -, tout un chacun est capable de trouver des occupations. Lire, dessiner, s'informer, partager des instants privilégiés avec ses enfants quand on en a, avec ses proches par le biais du téléphone, de Skype..., faire du bricolage, du jardinage, pour les gens qui apprécient cela, écouter de la musique, faire de la cuisine, ce n'est pas ce qui manque pour celui ou celle qui a envie de trouver.  

Quand on y songe, c'est une opportunité extraordinaire pour revenir aux valeurs essentielles, pour réaliser que le travail n'est pas une fin en soi dans l'existence de quelqu'un. Gagner un salaire, avoir un emploi qui nous enthousiasme, est certes important. Mais il y a d'autres manières de valoriser des aspects de notre personne. Mais il est rare que les gens y songent, ou s'y consacrent. Généralement, ils se disent : "on verra ça plus tard.". Ou, j'y penserai lorsque je serai à la retraite, lorsque je serai vieux.". Et finalement, les années s'écoulant, ils laissent ces opportunités de coté, les oublient. Et, au terme de leur vie, ils le regrettent amèrement.  

Comme une maxime le souligne, le travail, comme l'argent, n'est pas une fin en soi. C'est uniquement un moyen, un moyen de contribuer aux nombreux aspects de notre société.

Pourtant, il ne s'agit que d'un moyen, et qui nous sommes, ce que nous pouvons et voulons faire de notre vie ne s'y limitent pas. Il y a des tas d'autres perspectives, des tas d'autres façons de participer à l'élan collectif ; y compris de chez soi. Il est triste que seules de rares personnes en aient conscience. Il est malheureux de constater que rares sont celles capables ou ayant une volonté assez grande pour mettre en exergue cette réalité. L'immense majorité, par facilité, parce que c'est plus simple, se contente d'être individualiste. De se plaindre parce que leur liberté de mouvement est entravée. De surfer sur les réseaux sociaux parce qu'ils n'ont rien trouvé d'autre à faire de leurs journées ; pour passer des heures qui leur semblent longues d'ennui, alors que tant de possibilités s'offrent à eux.

C'est à ce moment-là que l'on s'aperçoit de la pauvreté de leur quotidien. C'est à ce moment là qu'on discerne aisément le manque de profondeur de ce qu'ils ont en eux.  

Et encore, ne nous plaignons pas trop de ce confinement, comparé à ce que j'ai décris plus haut sur la Peste Noire. La mort d'une personne est toujours dramatique. Les médecins et les urgentistes mettent toutes leurs forces dans ce combat ; souvent avec des effectifs réduits et des moyens limités, comme nous le voyons chaque jour. Ils méritent toute notre estime et toute notre reconnaissance. Car souvent, ils dépassent leurs propres capacités, ils mettent leur santé en danger, jusqu'à en mourir parfois. Mais la médecine qu'ils pratiquent n'a rien à voir avec la médecine du temps de la Peste Noire. Elle est plus efficace, capable le plus souvent de guérir les cas qu'elle prend en charge.  

Pour autant, il ne faut pas se leurrer. La médecine n'est pas infaillible. Elle ne peut pas l'impossible. Même avec toute la bonne volonté du monde, même avec tous les moyens cliniques à sa disposition, il y a des cas ou elle est impuissante. C'est injuste, c'est terrible, c'est triste. Mais on ne peut tout lui demander ; et encore moins tout tout de suite. Depuis deux mois, partout à travers le monde infectiologues et chercheurs mènent une course contre la montre pour comprendre ce qu'est le coronavirus. Et comment stopper sa diffusion. Trouver des médicaments afin de l'affaiblir, afin de guérir ceux qui en sont gravement atteints. Ils mettent les bouchées doubles afin qu'un vaccin soit établi dans les plus brefs délais.

Malgré tout, ceci ne s'accomplit pas ni en un jour, ni en une semaine, ni en un mois.   Normalement, il faut des années de recherches, de tests, de vérifications quant à ses effets secondaires, pour mettre un vaccin ou un médicament au point. Il n'y a pas si longtemps, on mourrait vite du sida. Aucun médicament n'était capable de freiner la détérioration de l'état de santé de celui ou celle qui en était atteint. Après près de deux décennies de recherches, les infectiologues ont bien avancé. Désormais, il y a des médicaments qui permettent à l'homme ou à la femme victime du sida de vivre à peu près correctement avec. Ce n'est pas parfait, mais c'est déjà un sacré bon en avant. Toutefois, aucun vaccin contre ce dernier est actuellement disponible.

Et il faudra éventuellement encore des années pour en découvrir un.   En ce qui concerne le coronavirus, cela fait à peine trois mois qu'il a commencé à se répandre. Comment peut-on imaginer mettre un terme à ses ravages en si peu de temps ? Comment peut-on croire que des médicaments ou un vaccin peuvent - doivent ? - être trouvés alors que les chercheurs n'en sont qu'au début de leurs recherches ? C'est impossible.  

Je le répète, un mort est toujours un mort de trop. Or, comparé à la Grippe Espagnole d'il y a un siècle, ou à la Peste Noire du milieu du XIVe siècle, les dizaines de milliers de morts engendrés par cette épidémie sont insignifiants par leur nombre. J'en suis triste, j'ai une profonde empathie pour ceux et celles qui ont des proches qui in sont décédés. Ils ont toute mon amitié, toute ma compassion. Mes pensées les plus amicales vont vers eux. Ils ont tout mon soutien. Je suis le premier à en être affligé. D'autant qu'étant moi-même malade et handicapé, je sais ce que reflète tout ce désespoir et toute cette souffrance. C'est indescriptible, et ça laisse des traces indélébiles pour le reste de son existence.  

En même temps, ce nombre de morts et relativement peu élevé comparé aux précédentes pandémies que l'Humanité a connu. Pire encore, il faut ici souligner qu'elle n'est pas la dernière. Avec le réchauffement climatique, la pollution, les bouleversements écologiques à venir, il est plus que probable que d'autres pandémies - et peut-être plus dévastatrices - se révèlent. Comment ne pas songer immédiatement à la dévastation de notre habitat naturel dont nous sommes les fossoyeurs ?

Il est certain que plus les hommes conquièrent d'espace, plus ils détruisent ou bouleversent l'équilibre écologique de notre planète, plus ils sont même d'entrer en contact avec des virus inédits. A force de coloniser des lieux qui semblaient jadis inaccessibles, à force de restreindre les habitats originels d'espèces animales et végétales jusqu'alors préservées, ils ne peuvent qu'être confrontés à des fléaux qui leur étaient jusqu'à présent inconnus ; et qui ne pouvaient pas les atteindre, les décimer.  

Pour résumer, à force de s'imaginer qu'il est capable de modeler la Nature à son image, celle-ci lui rappelle inévitablement qu'il en fait partie intégrante. A force de la bouleverser, de l'épuiser, de la polluer, il ne peut qu'en être victime. Comme les animaux et les végétaux qu'il brutalise est victime de ses méfaits.  

Dans ces conditions, à n'en pas douter, ce confinement que nous subissons se renouvellera inévitablement. Au gré des maladies et des virus que nous rencontrerons au fur et à mesure de notre expansion irraisonnée, d'autres surgiront. Plus nous nous approprierons des territoires jusqu'alors hors de notre portée, plus nous serons fragilisés vis-à-vis des pandémies à venir. Plus nous détruirons notre environnement, les animaux et les végétaux qui en font partie, plus nous appauvrirons nos possibilités de les surmonter.

Par ailleurs, l'espèce humaine se "gavant" de médicaments à la moindre petite maladie, son système immunitaire s'en retrouve anémié. Ce qui fait qu'au moindre virus un peu plus virulent que les autres se manifestant, ses capacités physiologiques à y résister diminuent. La conséquence inévitable étant qu'il sera de plus en plus nécessaire de s'isoler, de se "confiner", afin de ne pas l'attraper.  

C'est un avenir bien sombre qui nous attend, dans ces conditions. Aujourd'hui, ce coronavirus n'est qu'un simple avertissement ; un coup de semonce. Cependant, au train où nous allons, sans une prise de conscience totale de ce que je viens de décrire - ainsi que bien d'autres aspects auxquels je n'ai pas pensé ou eu l'occasion de développer -, l'horizon me parait bien noir. Beaucoup plus terrifiant que ces 2 ou 3 % de décès liés à la propagation de cette pandémie.

Songez y : imaginez qu'un jour, dans quinze, trente ans, un nouveau virus apparaisse. Mais, au lieu de ce faible taux de mortalité, ce soit 50 ou 70 % de victimes qu'il engendre. Pensez au temps dont ont besoin les épidémiologistes et les chercheurs pour y trouver une parade. Et imaginez le résultat, alors que les conséquences actuelles sur notre mode de vie, sur notre économie, sur notre société, sont déjà si éprouvantes !!!  

Ce que nous endurons n'est donc rien au regard de ce qui nous attend... si nous ne modifions pas radicalement notre comportement. Progressivement - tout ne peut pas être changé du jour au lendemain -, mais sans sans cesse s'accrocher aux vieux concepts de société qui sont les nôtres. Sans s'accrocher à des valeurs selon lesquelles l'argent est roi, selon lesquelles la croissance est la réponse à tous les maux, alors qu'elle est la mère de tous nos malheurs. Déjà, au XIVe siècle, les échanges commerciaux avec l'Orient étaient à l'origine de la Peste Noire. Alors aujourd'hui !!!  

Si nous n'apprenons pas de nos erreurs passées, si nous ne tirons pas de leçons de nos expériences, de nos échecs, nous sommes condamnés à les revivre. Il en a toujours été ainsi, il en sera toujours ainsi. Or, hier, c'était à l'échelle d'une province, d'un pays, d'un continent. Aujourd'hui, c'est à l'échelle de l'Humanité toute entière. Demain, ce sera à à une échelle encore plus grande, encore plus vaste, encore plus monstrueuse. Et nous en serons les uniques responsables, ainsi que les victimes privilégiées, ne vous y trompez pas.

Si nous ne sortons pas de l'impasse dans laquelle l'Humanité s'est engouffrée depuis les débuts de cette mondialisation doublée d'un capitalisme sans frein, sans regrets ni remords vis-à-vis de son impact sur l'ensemble de l'éco-système, nous nous condamnons nous-même à mort. Un suicide collectif dont le vecteur peut être un petit virus que tout le monde pensait anodin, sans importance, au départ. Et nous disparaitrons, comme d'autres espèces dominantes ont disparu avant nous.  

Certes, la Terre s'en remettra. Certes, la vie ressurgira à l'issue de cette sixième extinction, de cette pollution, de ces bouleversements climatiques dont nous nous rendons coupables. A l'issue de dizaine, de centaines de milliers, de millions d'années, la bio-diversité renaitra à n'en pas douter. Sous d'autres formes, par d'autres biais. Mais nous, humains, nous aurons échoué à franchir une des étapes les plus importantes de notre histoire. Alors que nous en avons affronté tant d'autres auparavant.

A moins que, tout simplement, nous soyons arrivé aux limites de ce que notre espèce est susceptible de construire, de projeter. Et que, dans ce cas, nous soyons contraints de régresser... et de disparaitre. Ça s'est déjà produit avec d'autres civilisations. Alors, pourquoi pas la notre !!!

    Dominique Capo

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