Bud
uris
Ciao Milo,
Je t'écris de l'hôpital. J'y suis depuis 45 jours. Ce matin j'ouvre pour la première fois les yeux. Je me doute que ça ne doit pas bien t'étonner de me savoir à l'hôpital. Moi, je t'avoue que ça m'a bien troué le cul de me réveiller ici. J'ai déconné Milo. Je n'ai pas réussi à m'arrêter. C'était trop dur, trop lourd, trop silencieux. Je voulais sentir l'air sur ma peau, ne plus penser, simplement écouter le vent causer. Je voulais sentir la pluie dans mon cou, me rafraîchir les idées pour pas cher. Je ne me souviens de rien. Si. La honte. Dieu ce que j'ai eu honte quand les pompiers m'ont fait respirer à nouveau. J'aurai voulu que personne ne vienne, qu'on me laisse crever là. Je n'arrivais plus à voir demain Milo. Je me voyais moi, moi et le gâchis qui coule dans mes veines, rien que moi, tous les jours. Face à mes échecs. Le temps qui passe sur mes cernes. Je ne saurai pas te dire si j'étais conscient de ce que je faisais. Mais je peux t'assurer que ça m'a semblé être la meilleure idée que j'ai eue depuis bien longtemps. Alors j'ai continué. Je me suis acharné pendant des heures. Jusqu'au moment où j'ai arrêté de ressentir, comme si c'était ça que je recherchais.
J'ai fini sur le dos, le corps plein, l'esprit vidé. J'avais atrocement mal. Les infirmiers m'ont raconté que je dansais au milieu du carrefour, complétement ivre, à 17h. Personne ne s'est arrêter, jusqu'à ce qu'un bus me percute de plein fouet. Là, il y avait du monde. Un peu trop. Je pensais que tous ces gens avaient disparu. Je voyais flou, en double, puis en triple, et j'ai fini par plus rien y voir. Un interne présent dans le bus m'a fait les premiers secours en attendant les pompiers. J'avais un traumatisme crânien, trois côtes cassées, plus que cinq dents, et affreusement mal aux jambes.
Mais je ne t'écris pas pour pleurnicher. Je t'écris simplement parce que ça me fait du bien de penser à toi. Et comme tu n'es pas là, en t'écrivant j'ai un peu l'impression qu'on discute. Il faut que tu saches que je m'en veux terriblement d'avoir réagi comme je l'ai fait la dernière fois qu'on s'est parlé. J'aurai dû te féliciter, être heureux pour toi, et au lieu de ça j'ai flippé, je me suis senti rabaissé. J'avais peur que tu ne veuilles plus de moi, tu comprends. Je n'aurais pas dû m'énerver. Mais tu sais comment je suis quand j'ai deux trois coups dans l'nez. Je m'excuse Milo. Je veux qu'on redevienne bon copain. Même si tu ne veux pas boire avec moi, je veux qu'on puisse s'asseoir en terrasse tous les deux et partager l'air toute la journée. J'aimerais te dire que moi aussi j'arrêterais de boire. La vérité, c'est que je ne m'en sens pas capable, je ne suis pas aussi solide que toi. En revanche j'ai compris une chose : boire tout seul me fait trop de mal. Je bois mieux quand je suis avec toi. Je sais que tu ne me jugeras pas. L'alcoolisme est une putain de maladie, tu le sais bien toi aussi. Alors, quand tout ça sera fini, que je sortirai de l'hôpital, et que les bars recommenceront à vivre, j'aimerais qu'on s'y retrouve tous les deux, pour discuter, rire et danser. Et puis qui sait, peut-être qu'un jour j'aurai envie de le goûter ton foutu perrier-citron.
Tu me manques Milo, on s'voit en hommes libres, une pinte d'ambrée pour moi – comme toujours.
Uris