CA PASSE MAIS JE T’AIME
Su Kil Nam
- (Milieu d'après-midi, un couple âgé fond leur promenade quotidienne. Tout au long de leur balade, ils se vannent, ironisent, font preuve de cynisme l'un envers l'autre)
- (ils s'appellent André et Josette. A l'arrêt devant le rouge, une grosse cylindrée passe à toute allure devant le couple).
- André : T'as vu Josette ?
- Josette : Quoi ?
- André : La voiture qui vient de passer ?
- Josette : enfin André, tu sais bien que je vois mal … en plus elle est passée trop vite.
- André : oui, comme d'habitude, tu vois ce que tu as bien envie de voir.
- Josette : peut-être … mais toi tu entends ce que tu veux bien envie d'entendre.
- (Un jeune couple arrive à leur hauteur et s'échange un sourire en ayant entendu ce qu'avait dit le couple âgé, quand le IPhone de l'homme sonne)
- Homme : Bonjour, Matthias Saliagos à l'appareil.
- Josette : (Josette, en sourdine, dit à l'oreille d'André) Saliagos … tu crois qu'il en a une (André lui coupe la parole).
- André : oh Josette ! Non, Saliagos ça rime avec sale gosse … hihihi (et tous deux se mettent à rire discrètement)
- (l'homme ayant entendu, fronce les sourcils et répond au téléphone)
- Homme :ah, bonjour Mr Lourdeau, comment allez-vous ?
- (André et Josette pouffe en entendant le nom, le feu passe au vert et les deux couples traversent)
- Homme : Non, je ne vous ai pas oublié. Le contrat est scellé et ma secrétaire vous l'a envoyé par courrier express. Oui, vous l'aurez demain matin.
- (son correspondant n'ayant pas bien entendu, demande à Saliagos de répéter. Josette dit à André)
- Josette : t'as vu, t'as entendu Dédé ?
- André : quoi ?
- Josette : faut pas être vieux pour être sourd … (elle pouffe).
- André : ça y est, Josette est montée sur sa trottinette.
- (la femme de Saliagos dit à son mari)Alors le contrat Lourdeau, c'est fait ?
- Homme : c'est dans la poche … Josette (avec un sourire narquois)
- Femme : vaut mieux dans la poche que dans le CANIVEAU (en jetant un petit regard à Josette et à André. Le feu passe au vert et les deux couples traversent, le couple continue leur route et Josette et André rentrent dans le parc).
- Josette : (fredonne « les feuilles mortes se ramassent à la pelle ».
- André :Vlà que tu fredonnes maintenant … bon ok j'ai compris.
- Josette : quoi ?
- André : chaque fois que tu chantes cette chanson … (Josette lui coupe la parole)
- Josette : oui mon Amour ?
- André : c'est pour que je passe l'aspirateur en rentrant.
- Josette : oh mon Dédé, que ferais-je sans toi ?
- André : tu passerais l'aspirateur…
- (André et Josette, s'assoient sur un banc, en face, une jeune fille à son nez dans son IPhone, après un moment, Josette sourit et regarde André et lui dit) HI, HI, HI, André arrête.
- André : qu'est-ce que j'ai encore fait ?
- Josette : allez André, arrête … on est au parc.
- André : oui et alors ?
- Josette : arrête, ça me réveille et tu me chatouille.
- André : Mais … mais mains sont là (montrant ces mains à Josette).
- Josette : ça cloche ?
- André : lève-toi ?
- Josette : pourquoi ?
- André : lève-toi, je te dis !
- Josette : oh, c'est mon Gsm qui était sur vibreur, j'étais assis dessus et en plus j'ai raté l'appel.
- André : tu vois, je n'ai pas besoin de voir que quand tu ris et que tu souris, c'est que ton Gsm n'est jamais très loin. Je n'entends peut-être pas bien mais je te connais bien et … j'entends bien.
- (Josette et André se regardent affectueusement se prennent les mains se sourient et rigolent. Josette se rassoit auprès d'André et regardent la jeune fille assis en face d'eux. Elle a son nez dans son IPhone, elle regarde sa page Facebook quand une amie l'a voit, s'arrête devant elle et lui fait de l'ombre. Hélène lève la tête, reconnait Kim, Kim l'embrasse et lui demande).
- Kim : qu'est-ce que tu fais ? Tu prends le soleil à l'ombre ? Ah non, je vois quetu es sur ta page Facebook.
- Hélène : oui et tu sais quoi ?
- Kim : non.
- Hélène : j'ai 1246 amis sur ma page… ça t'épate hein … patatas.
- Kim : c'est presque un bottin téléphonique que tu as là.
- Hélène : oui et tout ça dans 5mm d'épaisseur. Allez dis-moi que ça te dépasses, hein ?
- Kim : oui… de 5mm … (Hélène lève les yeux au ciel) mais dis-moi, le jour où tu déménageras, tu feras passer le message sur ta page ?
- Hélène : oui, pour que tous mes amis le sachent.
- Kim : eh bien, si tu déménages un jour férié, je suis curieuse de voir combien de tes amis seront là avec leurs cartons pour t'aider.
- Hélène : bonne question, de toute façon si personne ne vient je déménagerais virtuellement… (elles rient ensemble et Kim s'assoit et discute avec Hélène. André et Josette n'ayant rien perdu de la scène, parlent entre eux)
- Josette : t'as vu André ?
- André : oui mais j'ai pas bien entendu.
- Josette : je crois qu'elle a le même appareil qu'Henri.
- André : ah, son IPhone ?
- Josette : oui.
- André : tu veux que je te dise Josette ?
- Josette : quoi ?
- André : au 21°siècle, plus les appareils sont intelligents et plus les jeunes deviennent cons.
- Josette : je me demande si avec toutes leurs applications ils arrivent à téléphoner ?
- André : n'importe quoi…tu ne changeras plus et c'est pour ça que je t'aime.
- (Josette et André se lèvent et repartent).
- André : tu sais Josette, on a passé le siècle et tout a changé.
- Josette : oui mais y qu'une seule chose qui n'a pas changé.
- André : quoi ma Josette ?
- Josette : l'amour que l'on se porte et l'éducation réussit de nos enfants.
- André : c'est vrai et je suis fière qu'on leur ait appris à être heureux en connaissant la valeur de ce qu'ils ont et non le prix de ce qu'ils possèdent.
- (Josette regarde tendrement André et lui dit) : je t'aime mon Dédé d'amour.
FIN
Sympa ces deux vieux et subtils : « Au 21°siècle, plus les appareils sont intelligents et plus les jeunes deviennent cons. » Maintenant, il y a un truc qui me chiffonne. Les voitures passent au rouge et les piétons au vert. Merde, j’ai toujours fait le contraire et même pas un accident ! On peut dire que j’ai eu de la chance et grâce à toi, à partir d’aujourd’hui, je traverserai au vert et roulerai au rouge, tout comme il faut bien.
· Ago about 7 years ·Hervé Lénervé