ça se fête

Sonia Taguet

                                              

Un temps radieux. Envie de se détendre, de changer d’énergie, de l’ordinaire.17h00, Louise et Camille s’apprêtent, excitées comme des puces. Petites robes, maquillage léger. Un dernier pschitt de parfum et coup d’œil dans le miroir avant de quitter leur appartement. En partance pour l’aventure avec leurs cartons d’invitations. Prêtent à en découdre avec le ronron du quotidien.

Camille conduit. Louise joue au GPS vintage, la carte dépliée sur les genoux ; elle indique la route à suivre. Au fur et à mesure des kilomètres, la rivière, l’ombre des arbres rafraîchissent. L’odeur de la végétation dense, de la roche humide embaument la voiture. Louise annonce l’arrivée. Camille s'enthousiasme à trouver une place à l’ombre dans le parking approprié. Les sœurs se dirigent vers l’entrée. Les yeux écarquillés par la beauté de l’endroit.

Un joyau, un lieu qui laisse à penser que le paradis existe bel et bien sur terre. Une lumière chaude qui jouent dans les feuillages des pins parasols immenses. Un chemin sur palette de bois à suivre.

Un cadre étonnant à une heure et demie de la ville. Les organisateurs ont su s’approprier le lieu et le mettre en valeur. C’est une association qui a fait ses preuves dans l’événementiel. Si les sœurs n’avaient pas vu le logo de Fiesta Nostra, elles ne seraient pas venues… Elles ne savent ce que l’on fête, ni qui sont les hôtes.

À l’entrée, des hommes en échange du carton d’invitation, tatouent le logo Fiesta Nostra, à l’intérieur du poignet gauche. Des vigiles précisent que, selon les espaces, on peut leur demander de montrer le tatouage comme sésame.

Les filles cherchent du regard, les protagonistes à l’origine des réjouissances. La musique tropicale coule à flots, flots de coupe de champagne, de jus ; flots de corps qui se meuvent, se déhanchent doucettement. Les visages souriants, des groupes sirotent, bavardent.

D’autres passent d’un espace à un autre, vont de découvertes en découvertes : Un coin buvette, un autre lounge, plus loin un grand feu se prépare et après avoir marcher quelques minutes au bord de l’eau, des grandes tentes dont l’une a des grands pots de tournesols à son entrée… Elles sont fermées aiguisant ainsi la curiosité. Chacun y va de son pronostic, des tables, une piste de danse, un dortoir pour les gosses.

Juliette rejoint les filles. Après les embrassades, elle les amènent vers le lieu de détente par excellence ; des chaises longues, des hamacs fixés aux arbres, la rivière rajoute le coté zen, la montagnette en face. Elles ne peuvent s’empêcher de tester et de s’écrier ensemble :

-        c’est trop génial.

Juliette finit par mettre les pieds dans le plat :

-        Dites-moi vous savez ce que l’on fête au juste ? Le carton d’invitation était plutôt vague. Beau mais vague !

Camille s’empresse de lui répondre :

-        Non pas trop… En fait, nous avons des hypothèses avec Louise. Mais, j’avoue que cela a attisé mon envie de venir. Et, au vu du cadre, je ne regrette pas d’être curieuse !

Louise ajoute :

-        Somptueux, c’est le moins que l’on puisse dire mais c’est vrai que lorsque  FIESTA NOSTRA s’occupe de l’organisation, c’est toujours des fêtes incroyables. Vous vous souvenez, il y a deux ans, on avait été dans un haras pour fêter les 40 ans de Sébastien. Quelle fête !

Juliette étonnée :

-        Ah Bon, c’était déjà eux. Je pensais qu’elle existait depuis peu leur association.

Elles furent interrompues par un des organisateurs, Stéphane :

-        Alors les filles vous allez bien ? Ça vous plait ? C’est génial comme endroit, non !

Camille :

-        Il faudrait être difficile ! vous vous êtes mis en quatre…

Stéphane fait la conversation :

-        Cela fait dix jours qu’on est dessus…  Nous avons de la chance, le beau temps est au rendez vous… Hep, Max on est là !

Max, le beau gosse, brun aux yeux bleu clair, gaffeur incontesté devant l’éternel ; bouscule un serveur avec un grand plateau de verres. Heureusement, celui-ci a eu le réflexe de lever son bras et par à ce mouvement, le plateau arrive droit devant les filles. Elles s’amusent de la situation. Stéphane, d’un clin d’œil leur propose de se servir un verre de champagne… Après avoir échanger sur différents domaines, Louise les abandonne pour jouir du plaisir du hamac. Un balancement doux du corps allongé. Elle ferme les yeux ; entend leurs voix. Elle voyage à travers le ciel d’un bleu pur. Les voix s’éloignent.

Camille et Juliette suivent les organisateurs vers le coin cuisine. Elles tentent par tous les moyens de connaître le nom des hôtes. Quand elles aperçoivent au loin des potes de Sébastien et la sœur de Marina. Par leurs regards complices, les filles se montrent leur surprise. 

Camille chuchote à l’oreille de son amie:

-        Sébastien et Marina ! Incroyable ! Cela pourrait être eux qui sont à l’initiative de tout ça ?! Je suis soufflée… Qu’est ce qu’ils nous réservent comme surprise ?

Camille pétille. Elle veut rejoindre Louise pour lui raconter ce qu’elle vient de découvrir. Pour discuter sur ce pourquoi elle pense qu’ils sont tous réunis dans ce cadre quasi idyllique. Le chemin s’avère plus difficile que ce qu’elle imaginait. Il faut attendre pour passer à certains endroits, passer par les bonjours les embrassades. Elle s’arrête quelques instants à droite à gauche. Elle réalise qu’elle connaît au final beaucoup de monde. Pourtant elle ne travaille ni dans l’événementiel, ni dans le tourisme ! Les apprécie – t-elle tous ? La majorité oui. Pour ceux avec lesquels elle a le moins d’affinités ce sont des ex ou des amis de ses amis. Elle réalise que beaucoup ont un lien entre Sébastien ou Marina ou les deux . Elle en est maintenant quasi certaine, les hôtes ce sont eux !

Louise, elle, est plus sauvage, moins bisous bisous ; certainement plus intransigeante ou plus intolérante diront certains. Elle s’en fout de ce que disent les gens. Elle aime surtout être peinard, qu’on ne vienne pas lui prendre la tête ou lui expliquer la vie. Elle a tendance à dire qu’elle fuit les cons et leurs capacités à l’énerver.

Juliette pense que les sœurs sont complémentaires. Elle rit autant avec les deux, même si ce n’est sur les mêmes terrains. L’une plus je-m'en-foutiste l’autre plus charismatique. Louise est l’astre. Camille, le satellite qui tourne autour. De prime abord, c’est ce que l’on pourrait penser…

Elle arrive enfin près des hamacs. Elle s’aperçoit alors que sa sœur n’y est plus. Sa déception, son trouble se lit sur son visage.

Juliette l’a suivie et lui donne un petit cou de coude, lui sourit avant de dire :

-        Regarde. Louise danse avec Mario

Camille lui rend son sourire

-        À ce compte là, ce n’est plus danser c’est se lambiner. Laissons là profiter, on lui dira plus tard. Tiens ! regarde, il y a les parents de Seb et Marina qui dansent. Je me demande bien ce qu’ils nous réservent. Pour que les parents soient là…

-        Ça doit être The surprise !

Tout en discutant, elles se laissent bercer par la musique. Leurs corps commencent à vaciller. Elles lâchent prise peu à peu ; sans contrôle se laissent porter. Les paroles futiles s’envolent, la danse prend possession de leurs corps, leurs esprits.

Louise les rejoint après plusieurs chansons. Elles avaient oublié le sujet de leur conversation, oublié le quotidien. Oublier même ce qu’elles voulaient tant raconter à Louise, leur fameuse trouvaille. Juste elles apprécient de danser ensemble, l’instant présent ; jouent de leur complicité.

Elles se mettent à l’écart pour reprendre leur souffle et se rafraîchir. Elles essayent de se frayer un chemin pour accéder à la buvette.

-        De l’eau ! 3 grands verres d’eau s’il vous plait.  Non, Non, pas de champagne plus tard peut être…

Juliette lâche avec joie :

-        j’ai vraiment l’impression d’être en vacances, pas vous les filles ?

Camille renchérit, s’éventant avec son éventail en bois de rose :

-        T’as raison, on se sent totalement dépaysée ! C’est apaisant la rivière…

Éventant sa sœur comme pour attirer son attention, pour la taquiner :

-        T’en penses quoi, Louise ? Ça sent le chabada love

Louise dans un ailleurs. L’œil qui pétille; le regard charmeur, charmé :

-        C’est vrai. Tous les ingrédients y sont… Enfin, tu vois ce que je veux dire…

Juliette ne peut s’empêcher de blaguer :

-        Ou plutôt, on voit de qui tu veux parler !

Elles rient de la situation. Autour d’elles, le succès de la buvette commence à se faire sentir, avec sa guirlande de lumières multicolores, cela lui donne un côté subtropicale.. Les filles s’éloignent du monde, du brouhaha.

20h00, l’heure de l’apéro vient de sonner la distribution de verres et tapas... Elles attrapent au vol des amuse-bouches surprenantes acidulées, fruitées. Camille et Juliette racontent à Louise, Juliette commence :

-        Ma chérie, nous savons qui sont les hôtes. Pendant que tu étais en mode séduction, nous, on était sur le terrain à jouer les détectives en herbe !

Camille excitée :

-        Regarde bien, les gens… Y’a rien qui te saute aux yeux !

Sébastien et Marina se montrent enfin. Embrasser, s’enlacer. Avoir un mot, une douceur. Rire, s’arrêter un peu plus longuement avec la famille. Une attention pour chacun.

Joie et légèreté sont embuées par l’émotion palpable. Ils remercient tous ceux qui ont eu la curiosité de venir. Ils sont heureux de voir que leur entourage est toujours joueur et fêtard.

Ils les invitent à se rendre à la grande tente aux tournesols. Chacun trouvera sa place selon les goûts culinaires. Des tables poisson, des tables viande, des tables légume et des mixtes. Ils espèrent que tous apprécieront ce repas, la fête qui ne fait que commencer.. Ils trinquent " À la Vie". Les invités les suivent… " À la Vie ".

 

Sentant l’incompréhension gagnée les tables, Sébastien tenant la main de Marina, tente de rassurer tout le monde. Au pousse café, ils diront tout, ils se mettront une deuxième fois à table ! Et annonceront les autres surprises pour continuer la fête jusqu’à l’aurore.

Des flambeaux marquent le chemin de la grande tente à tournesols. Stéphane et Max aident les invités à s’installer. Juliette et Camille connaissent une partie du menu Les brochettes. Elles les ont vues en préparation dans le coin cuisine avec les organisateurs. L’appétit et les saveurs sont au rendez-vous. L’heure du pousse café arrive à grand pas.

Pendant le café gourmand, servi en guise de dessert, Marina et Sébastien se nouent un ruban rouge autour de leur poignet. Le poignet gauche de Marina étant lié au droit de Sébastien. Cela a son importance quand on sait que Sébastien est gaucher.

Comme promis, le couple se lève, leurs corps sont collés l’un à l’autre, Marina commence à prendre la parole en fixant l’auditoire. Elle demande calme et attention avant de rentrer dans le vif du sujet :

-        S’il vous plait ! Un peu de silence. Nous aimerions vous dire combien ce jour est important pour nous. Vous dire que l’on sait que certains ne comprendront pas notre démarche.

Toute l’assemblée boit ses paroles. Sébastien et Marina lèvent leur bras ensemble, elle continue :

-        Comme vous pouvez le constater nous sommes très liés. Pendant ces 12 dernières années, nous avons été heureux d’être attaché l’un à l’autre, très heureux

Sébastien prend la parole :

-        Mais toutes les bonnes choses ont une fin... Nos vies respectives se projettent différemment. Nous ne voulons pas sacrifier les chances qui nous sont offertes. Nous avons trop travaillé pour les refuser. Des milliers de kilomètres vont nous séparer et nous savons très bien que notre couple ne résistera pas ;  pas par manque d’amour, non par le manque de notre séduction constante qui va s’évaporer, par l’absence de l’autre. Par le fait que, l’on s’aime mais que nous ne sommes plus amoureux donc sujet à toutes les tentations. Nous avons décider de nous quitter heureux et sereins. Nous fêtons avec vous aujourd’hui notre divorce. Ce matin, nous avons signé les papiers officiels

Ils se regardent droit dans les yeux. Il lui demande :

-        Camille, avec tout l’amour que nous avons l’un pour l’autre, acceptes-tu que je dénoue ce lien qui nous uni afin que nous reprenions chacun notre liberté ?

-        Oui, je le veux

De sa main gauche, il défait le nœud du ruban et saisit celui-ci en guise de trophée. Ils s’embrassent sur la bouche. Les tablées sont estomaquées. Seuls quelques-uns applaudissent, les trouvant incroyables.

Camille reprend quelques minutes la parole :

-        Nous voulions vous réunir car nous ne savons pas si une telle fête sera possible. Vous dire que l’on vous aime. Merci de continuer la fête car Sébastien et moi voulons vraiment passer encore de très bons moments avec vous tous.

-        Comme on vous connaît, on a décidé de faire des endroits avec des ambiances différentes. Nous sommes sûrs que chacun trouvera à s’amuser. Pour être un peu dans l'air du temps, pas trop vieillot, on a aménagé des tentes de lovers. Certaines dans l'ambiance danse collé-serré, d’autres plus coquines. Nous sommes certains que vous trouverez facilement de quoi vous amuser. Par contre, s’il vous plait pas de baignade dans la rivière en pleine nuit, on n’est pas là pour jouer Alerte à Malibu !

Le couple debout, côte à côte, complices :

-        Trinquons à la Vie, à l’Amour et à la Liberté

L’assemblée ne peut que les suivre et trinquer. Juliette et les sœurs sont soufflées.

Camille :

-        Alors, ça ! On était loin de s’en douter. Chapeaux ! Faut être sacrément culottés pour fêter leur divorce ensemble et nous offrir cette fête

Louise se lève et annonce aux filles :

-        Sur ce, je vais voir quelle tente Mario me propose, celles des slows langoureux ou la coquine ! Peut être les deux !! À plus tard les filles

Juliette badine :

-        Comme quoi dans la vie, un couple se sépare, un autre s’unie…

Camille impatiente se lève :

-        Allez lève-toi, allons nous amuser, danser peut être que nous aussi, on aura droit à la tente coquine !

Trois minutes pour savourer le ciel étoilé et la pleine lune, elles prennent une grande respiration, suivent les flambeaux et en avant pour la Fiesta…

Et, on entend au loin " Ça se fête ! "

                                                                                      Sonia Taguet

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