Cacophonie

Bernard Delzons

Délire de basse-cour

Cacophonie:

 

Toute cette histoire est partie d'une petite vidéo montrant une poule et un chien se poursuivant tour à tour. Il fallait trouver un mot pour qualifier la scène . J'avais pensé à « Chienlit » , puis à « Charivari » et enfin à « Cacophonie », sans doute le plus pertinent. 

 

C'était deux jours avant une petite opération. La nuit, suivant cette-opération, j'ai imaginé ce petit texte pour occuper le temps. Je pense que les médicaments m'avaient fait un peu délirer.

Cela aurait pu en rester là, mais je me suis décidé à l'écrire pour l'envoyer à l'équipe soignante pour leur apporter une minute de détente, au moins je l'espère.

 

*****

 

Je m'appelle Marguerite je suis une des poules de la ferme des Ormeaux. J'aurais tellement mieux aimé Margareth c'est plus chic ! La métairie est tenue par un couple. 

 

L'homme s'appelle Marcel, enfin je n'en suis pas sûr, c'est peut-être un surnom, vu qu'il porte ce vêtement tous les jours de l'année et on peut penser qu'il ne le change pas tous les jours quand on en voit la couleur. 

 

La femme s'appelle Micheline, elle démarre au quart de tour, mais il lui faut du carburant,  du bon gros rouge qui tache. C'est sûr, la princesse Margareth ne buvait pas la même chose. « Pauvre femme, Dieu ait son âme ! » 

On ne lui a pas laissé choisir son homme . Tout comme moi, vous avez vu ce gringalet prétentieux, il se pavane, il fait le fier, il croit qu'on attend tous qu'il nous monte dessus. Moi ce serait plutôt l'inverse, je n'aime pas du tout, quand il me plante ses ergots dans les côtes. Il s'appelle Alfred, mais entre nous on l'a surnommé Polcoq.

 

L'autre jour en sortant du poulailler après avoir pondu,  je me suis fait traiter de « cocotte » parce que je me lustrais le plumage. Vous savez ce que représente ce terme pour nous, encore poulet rôti il fait bonne figure, bien bronzé, mais dans une cocotte, on serait délavé, on est plus à l'époque d'Henri IV, tout de même ! Mais la princesse dans la cocotte, ce serait plutôt coq au vin. Je suis méchante,  je l'aimais bien,  j'ai bien pleuré quand elle a rendu l'âme.

 

Oui je suis au courant de l'actualité,  les fermiers allument la Télé le soir et je regarde depuis notre parc, je n'entends pas tout , mais suffisamment, ils sont sourds, alors ils mettent le son à fond. Mais pour être honnête, ils suivent plutôt les feuilletons que les journaux télévisés, ça commence par « La vie nous appartient » sur la « une » à Sète,  puis « Plus belle la vie sur la « Trois » à Marseille et enfin « Un si grand soleil sur la deux » à Montpellier… Heureusement entre deux, ils laissent la télé allumée et c'est là que je vois ce qui se passe dans le monde. Quelle horreur ce « Covid », mais ils ont de la chance, pour nous, avec la grippe aviaire , c'était directement le crématoire, il y a bien deux poids deux mesures !

 

On était toutes et tous dehors quand le jeune chien des maîtres est arrivé. Il n'a pas le droit de venir là, mais le Marcel est allé amener une des vaches au taureau du voisin. Alors la Micheline s'en donnait à cœur joie avec sa copine, j'ai entendu que celle-là disait « tu devrais le changer le Marcel » Je n'ai pas compris s'il s'agissait de l'homme ou du sous vêtement. 

 

C'est un boutonneux, comme ils disent, couvert de long poils noirs. Si les maîtres l'avaient appelé « Noiraud », il n'y aurait pas de problème, mais ils ont choisi « Poilo », alors tous les ados du village s'en donnent à cœur joie : « Poil aux fesses, Poil au zizi… » et j'en passe. Quand il s'est approché, j'ai tout de suite compris qu'il cherchait à jouer, mais les copines se sont précipitées à l'intérieur de poulailler. Polcoq ne s'est pas préoccupé de laisser passer les femmes et les enfants d'abord. Il s'est camouflé aussi vite qu'il a pu. 

 

Moi, je suis restée dehors, on ne va quand même pas me dicter ce que je dois faire. Le chien cherchait à passer sous le grillage, il s'aplatissait autant qu'il pouvait. Il a réussi à passer. Il est venu vers moi et a commencé en me suivre, puis il s'est mis à me poursuivre en jappant de plus en plus fort, j'ai commencé par courir, mais vite fatiguée avec mes dix ans , je me suis arrêtée brusquement et je me suis retournée pour lui faire face, alors j'ai caqueté le plus fort possible. Il a eu peur, le bougre, il en avait la chair de poule ! Il est reparti comme il était venu, enfin pas tout à fait, car maintenant le grillage lui déchirait le museau et il s'est mis à hurler. Alertée, Micheline est sortie, pour voir ce qui se passait, elle l'a fait déguerpir en lui donnant un coup de pieds au passage. Quelle vit de chien, me suis-je dit !

 

Le calme est revenu, les copines sont ressorties, puis après un long moment, Polcoq quand il a été certain que le danger s'était éloigné.

Alors moi, je suis allé dans le poulailler pour pondre mon œuf, je suis une bonne pondeuse, c'est surement la raison pour laquelle la Micheline me garde !

« Cote-cote-que-lette »

 

 

 

  • La cocotte n'est rien d'autre qu'une poule qui fait le trottoir ! Pas de quoi en faire un roman, mais Renart serait apparu que je n'en fus pas surpris :)

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Chainon manquant

    dechainons-nous

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