Cadenas : un état sous clef !

Catherine Marie France Lavandier

Un vulgaire cadenas, un frère sans-abri, un sans-dents très commun, acheté bon marché au bazar discount à 2 pas, réfléchit à sa condition ! Son opinion a-t-elle une valeur pour cette nation humaine ?


Modeste camelote, 

achetée dans un bazar de quartier,

mon propriétaire a désormais tout pouvoir

sur ma condition.

Être garant de sa sécurité, 

de son bien-être,

et surtout de la fermer !


Je parle de la porte, 

de cette vieille cave humide, 

au cœur

ce vieux quartier parisien du XVIe !


Je rêvais d'un abri de jardin,

ou d'un vélo dont j'aurai été l'ami fidèle !

Là, je ravale ma rage !

Je suis sans doute soupe au lait

mais devoir garder cette porte,

moisie,

puante aux relents d'égouts,

avec pour seuls compagnons

de gros rats noirs,

faut-il en dire plus sur ce que je pense !


Je fais partie de son personnel de maison,

tel son majordome en livrée,

dans les bas-fonds

que je côtoie  chaque instant de ma précieuse vie,

conservant ce tas de bric et de broc au péril de ma vie.


Quand il tourne son maudit passe

dans ma serrure fragile et délicate,

ma sœur d'esprit et de sang,

violée par ce geste cruel, 

gémit de douleurs

au fil des heures.

Un état sous clef,

voilà ce que je suis devenu !


Une misère qui ne lâchera pas ses mots

la liberté retrouvée !

Gardien de l'ordre,

cela me fait sourire,

voire ricaner,

au vu du bazar des lieux !


L'omniprésence d'une soi-disant autorité

de pacotille

qui devrait révolutionner,

avec quels moyens !

Je suis le chaînon manquant 

de cette arme absolue :

l'imbécillité des hommes

qui s'imaginent tout pouvoir,

en tout lieux, à tout époque,

sans imaginer que ma servitude

se ternira

par ce vieux fer rouillé,

de toute part, 

et enfin la quille !


Un ridicule " Victor Hugo ",

qui réécrit Les Misérables,

avec un air condescendant,

plein de fougues pour les énarques,

de sa promotion,

de la tempérance pour ses émotions,

 sirotant

un petit verre de calvados

pour finir ses nuits

de grisaille.


Sa mine dépitée,

je la revois souvent

alors que mes années de jeunesse

ont passé,

dans cet obscur décor de vermine,

sans connaître la lueur du jour

ou

un frisson d'air de campagne.


Lui, le comte,

cette queue de pie,

un vieil habitué

des états d'urgence

voit dans la crise 

qu'il rencontre

un renouveau,

un changement propice,

à sa politique de bas-étages

car " l'air " dit-il méchamment  "

est dans le discount

et le bas-coût

hormis mes besoins personnels

ou ceux de mon épouse,

cliente  chez Cartier

pour ses remarquables

chaines d'or et de diamants ."


Ma valeur n'est sans nul doute pas comparable

mais mon opinion vaut bien la sienne !


" Prends garde ennemi que je ne jure pas contre toi ma complainte qui te peinera et fera de toi mon esclave car je ne suis qu'un modeste cadenas qui agira selon ma force contre ton pouvoir de monarque et nos rôles alors s'inverseront afin de te perdre sans fin dans dans les eaux saumâtres des bas-fonds de Paris ! "

 





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