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. Café Olé .
Alice C.
" C'est drôle cette sensation d'arrêt quand on se croise dans ce café, mon coeur s'arrête puis bats si fort, comme quand on était corps à corps." PuffyT.
Je me souviens de ce jour-là. Je m'en souviens ce matin dès lors que l'odeur du café bas de gamme vient chatouiller mes sens pendant que je le verse dans ma tasse ébréchée, comme ma vie.
Posté derrière mes rideaux, je glisse un doigt entre les deux voiles crèmes qui me séparent du monde extérieur afin d'observer les passants. Et c'est en tournant ma tête vers ce vieux café fermé que je me souviens.
C'était en été, l'air était humide, cela annonçait une de ces pluies parisiennes qui vous prennent d'un coup. Assis en terrasse car, malgré la future averse, l'ambiance extérieure m'emballait plus que le groupe d'habitués déjà bien animés pour un lundi midi. J'adore le lundi. Tout le monde s'en indigne mais je trouve que l'annonce d'une nouvelle semaine est tellement excitant. Le premier jour de la semaine, laissant alors quatre jours pour prévoir un week-end surprenant ou totalement simple, le premier jour du reste de la semaine.
Mais je m'égare.
J'étais donc dehors, face à un cendrier bien trop remplit pour le peu de temps depuis lequel j'étais installé. La cigarette, mon pêché favori, le sien aussi. Elle était là, frêle, les joues rosées par la montée qui venait de la mener à la table d'à côté.Je n'ai remarqué cela qu'après avoir fini de rouler mon énième démon de fumée.
Ce qui fit tiquer mon oeil fut l'enchaînement de mouvements qu'elle faisait afin de trouver la juste posture pour que ses cuisses, habillées d'une robe fleurie, ne touchent pas les lattes en bois de la chaise chauffée par le peu de soleil restant. J'aime ce balais féminin qui engage et les mains et le corps tout entiers dans une danse furtive pour l'homme, tellement longue pour la femme qui tend à éviter les regards indiscrets.
" Un café s'il vous plaît." Ces cinq mots sortis de sa bouche, fine et pourtant pulpeuse, m'avaient fait quitter cette jeune femme des yeux alors qu'elle venait enfin de s'asseoir.
Mon ouïe fine me permettait d'entendre qu'elle tirait encore de temps en temps sur sa fine robe. Je me rappelle d'avoir esquissé un sourire en coin, m'efforçant de regarder droit devant moi.
Il s'en était suivi une multitude de questions : attendait-elle quelqu'un ? Etait-elle heureuse ? Triste ? Seule ? Provinciale ou capitale ?
Mes pensées avaient été bousculées au fur et à mesure que les bambins de l'école primaire d'à côté sortaient pour rejoindre leurs parents en courant, brandissant des dessins à foison. En tournant la tête j'avais remarqué ce regard que certaines jeunes femmes ont à la vue des enfants, et cette jeune inconnue le portait comme maquillage éphémère. A la vue de ces petits trublions, elle n'avait pu s'empêcher de quitter son livre. un sourire tendre l'illuminait et ses yeux semblaient briller d'envie. Puis elle baissa la tête, remettant une mèche de cheveux derrière son oreille.
Je m'en souviens car c'est là que j'ai compris qu'elle était seule. Seule et désireuse, envieuse, amoureuse de la vie, de la vie à deux, à trois, à quatre, des films à l'eau de rose la laissant perplexe et pensive le soir dans son lit.
Elle fumait lentement, levait parfois les yeux quand un homme passait devant sa table, l'espoir au fond des yeux, mordillait son crayon à papier quand elle ne fumait pas puis elle avait finit par fixer un point droit devant elle, comme perdue dans ses pensées. Je ne pouvais la quitter des yeux, du moins je ne pouvais quitter des yeux la vitrine face à nous qui me permettait de l'observer longuement sans trop me faire remarquer.
J'aimais deviner son nom, j'aimais l'imaginer dans mes bras, je nous voyait nous découvrir le long des quais. Finalement j'étais moi-même entrain de me faire mon propre film à l'eau de rose en observant ses cheveux bruns voletant au rythme des courants d'air, ses lèvres se posant doucement sur le rebord de la tasse tiède, ses mains tenant à la fois le livre et la robe.
Cependant, la pluie était arrivée plus tôt que prévu, la terrasse s'était vidée aussi rapidement qu'elle s'était remplie et, mettant mon tabac dans ma poche afin d'aller payer au plus vite, elle passa devant moi m'ayant dépassé au paiement. Je n'ai jamais voulu payer aussi vite de toute ma vie, mais les clients m'empêchaient d'attendre le comptoir. Mon regard faisait des allers-retours entre le serveur et la jeune femme courant sous la pluie. Je me rappelle avoir fait un signe au serveur qui me connaissait, je lui posais l'argent sur le côté et fis le sprint du siècle.
La pluie déferlante me forçait à baisser la tête, et au bout de huit cent mètres en levant la tête, je compris que cela faisait partie des rencontres que l'on ne fait qu'une fois dans sa vie. Ma course se finissant face à plusieurs ruelles et des dizaines de robes fleuries courant dans tous les sens pour s'abriter.
Depuis, je guette à ma fenêtre la réouverture prochaine de mon petit café fermé, je guette la possibilité de m'asseoir à cette terrasse afin d'oser la prochaine fois, lui demander son nom.
[A suivre..]