CAMPING

Myriam Salomon Ponzo

CAMPING : Nouvelle génération ou nouveau snobisme

Le camping. Quand on en parle, on revoit les hippies des années 70, avec leurs longs cheveux blonds bouclés, un bout de taf au bord des lèvres et un nuage de marijuana dans leur sillage. Heu, non, ça c'est plutôt Woodstock.

Mais le camping a quand même été plus ou moins inventé par ces jeunes qui se voulaient libres, égaux et proches de la nature. A l'époque, même pas de tente, juste une couverture parterre, un feu de camp, autour duquel on se réchauffait le soir au son d'une guitare, parce qu'il y avait toujours un copain qui en jouait un peu, et les autres qui chantaient autour à moitié saouls ou complètement même et finissaient par flirter les uns avec les autres vu que le Sida n'était pas encore là. Les chanceux !

Petit à petit est né un nouveau tourisme destiné aux jeunes et colonies qui se sont mis à monter des tentes canadiennes (faut au moins être deux pour les monter !) de couleur brune, un peu comme si elles sortaient des surplus de l'armée, à moins que cela n'ait été pour mieux se confondre dans la nature ; bref, elles étaient ou beiges ou marron chocolat.

Des campings ont commencé à ouvrir un peu partout dans la nature au départ, surtout à la campagne. Puis, ils ont envahi le bord de mer, les plages. Et puis, encore un peu plus tard, ils ont fini par s'installer même en ville dans les endroits où il restait un peu d'herbe dans les quartiers calmes en périphérie.

Et puis, et puis, maintenant, il y en a même au milieu de quartiers bien urbanisés, du moment qu'ils ont une petite haie de verdure qui sépare les emplacements de chacun.

Au début, c'était les jeunes surtout les plus adeptes de ce genre de vacances à moindre frais.

Puis, les colonies s'y sont mises, histoire de proposer aux familles des vacances plus bucoliques pour leurs enfants. Et puis, dormir sous des marabouts (grande tente dortoir), ça faisait plus aventure pour les ados, que de roupiller comme les petits dans le local traditionnel de la colo.

Surtout que les colos des années 70, avec leurs grands bâtiments, ressemblaient plus à des vieilles propriétés recyclées et les jeunes de 68 voulaient de la modernité ; ils en avaient un peu marre de se retrouver dans les souvenirs de leurs grand-pères et grand-mères.

Puis vint le temps où les portes-monnaie commencèrent à se vider tout doucement pour une certaine partie de la population. Les gens ne s'inquiétaient pas encore vraiment et se sont adaptés en partant eux aussi en camping.

Là, les constructeurs de tentes ont commencé un peu à se casser un peu le bol pour créer de nouveaux produits car le montage d'une tente canadienne était si rébarbatif que cela en décourageait plus d'un. Et ces dernières manquaient aussi de confort, notamment avec les deux mâts intérieurs qui réduisaient considérablement le manque de place à l'intérieur, l'inconfort et augmentait aussi le démontage intempestif par accident des tentes pour peu qu'on se soit agrippé à un des mâts de l'intérieur !

De plus, ces tentes étaient en toile de coton très épaisse et lors de temps de pluie, devenaient lourdes comme un âne mort comme disait ma grand-mère ! Et surtout, longues à faire sécher même dans le sud de la France.

Les ingénieurs se sont donc mis au travail pour nous créer d'abord les mêmes produits mais dans des matériaux plus légers ce qui était déjà un gros progrès. Mais restaient toujours les deux mâts épouvantables sous lesquels il fallait glisser un bout de plastique approprié au risque de trouer le sol de notre petit abri. En plus, fallait pas être trop épais pour sortir et rentrer car, le mât étant en plein milieu, cela nécessitait une contorsion du corps pas toujours bienvenue.

Enfin, sont arrivées les tentes igloos pratiques à monter en un rien de temps et surtout par tout le monde.

Le secteur du camping a donc considérablement explosé et.....dérapé.

Comment ça dérapé ? Ben oui, car ils se sont transformés en terrain à bungalows sommaires au début puis de plus en plus sophistiqués avec double-vitrage et même certains ont la clim !

Des petites terrasses y ont été ajoutées et certains sont de vraies petites maisons.

Que de mal à cela me direz-vous ? Rien, sauf que ce n'est plus du camping mais autre chose mais les professionnels n'ont pas changé le nom car il était trop porteur de choses naturelles et la nature devenant un produit commercial, l'aubaine était trop tentante.

Moi, j'y vois rien de mal sauf que petit à petit les vrais campings ont quasiment disparus pour ne laisser la place qu'à ces enclos pour urbains. Oui, j'ai bien dit «enclos» car, quand on voit les nombres de mètres – encore que des fois il n'y en a qu'un et on peut mettre cela au singulier ! - qui séparent chaque lot, les campings se sont transformés en véritable HLM de la nature.

Cela me fait de la peine de voir ces gens entassés ainsi et je me dis qu'en plus, ils attendent cela toute l'année...pour payer une fortune le fait d'être comme chez eux finalement ou presque.

C'est sûr que s'ils vivent dans un immeuble ou en ville, ils doivent être bien mais qu'on arrête de leur faire croire que c'est du camping alors qu'ils ne connaîtront jamais ce que c'est vraiment que d'être au bord d'une rivière, de pêcher une truite, de l'enfiler sur un bâton pour la griller au-dessus du feu de camp.

Cro-magnon ou Kho-Lanta me diront certains, non, je répondrai vrai camping sauvage. Mais il est vrai que de nos jours camper en sauvage devient difficile et sans aller jusque-là, si cela vous effraie, vous pouvez toujours trouver un bon camping où vous dormirez sous une tente et mangerez sur une table à moitié bancale voire même parterre mais aujourd'hui, cela se nomme une aire naturelle de camping. Flûte, ils nous ont piqué notre nom et nous, on a dû en prendre un autre au nom du commerce à outrance !

Ce qui m'énerve en plus, c'est que ces pauvres gens paient très cher ces locations dans la «nature» mais en fait, je me suis aperçue que c'est ce qu'ils recherchaient et que pour certains, c'est même devenu un snobisme que de dire «Nous partons en camping cet été, m'oui......»

Je me marre ! A peine arrivés, ils déroulent vite une bâche à je sais pas combien, des transats à je sais pas combien, sortent le frigo, le micro-ondes, le sèche-linge, l'ordinateur (parce que certains sont vraiment névrosés d'internet et dans quelques années la Santé Mondiale va nous chier un rapport sur les conséquences de cette addiction !). Ils n'ont même pas un pied dans l'herbe et je ne vous parle pas d'aller se baigner dans les rivières, ils préfèrent la piscine chlorée où ils pourront arborer leur super maillot de bain dernier cri et mieux surveiller leurs bambins, encore que là encore, pour certains, des services de garde d'enfants commencent à voir le jour. Faut pas déconner, on va pas encore s'occuper d'eux même en vacances ! Bon, je reviendrai dans un autre article là-dessus plus tard....

Certains dorment même dans leur camping-car la porte fermée toute la nuit, des fois qu'une araignée venait à rentrer pendant leur sommeil...

Bon, tant mieux pour nous finalement car les endroits où l'on va sont ainsi déserts comme on les aime. Non, je ne suis pas sauvage, j'aime la nature c'est tout que je préfère de beaucoup aux endroits artificiels que créent les professionnels du tourisme pour répondre, certes à une demande, mais qui dénaturent totalement l'esprit du camping. C'est cela que je leur reproche, d'avoir galvauder ce type de vacances pour en faire un tourisme de luxe. Ils auraient pu se casser le cul à trouver un autre nom. Encore que maintenant on voit apparaître les termes «vacances bio», forcément, le mot est à la mode et tant qu'à le mettre à toutes les sauces, allons-y aussi pour le camping !

Hier encore, nous nous sommes baignés en rivière. Bon, des jeunes gens étaient là, je me dis, tiens c'est bien des jeunes qui font vraiment des choses comme avant dans la nature. Et là, une pauvre fille se met à pleurer tétanisée dans les bras d'une amie. Elle avait peur car il y a de la vase au fond et cela l'épouvantait. Non mais où va-t-on ? La fille devait avoir 13 ans et avait peur de quelque chose de naturel ! Y a urgence, sortaient vos enfants très tôt tant qu'ils sont petits, vous êtes en train d'en faire des gnoques !

Encore, cet hiver, nous sommes allés au parc Phoenix de Nice (que je vous recommande au passage). A l'approche du bassin des loutres, un groupe scolaire avec des enfants entre 4 et 8 ans étaient là. Les gamins se sont mis à hurler à la vie des loutres comme des dingues ! Ils n'en avaient jamais vues même pas à la télé vraisemblablement ! Y a du boulot pour certains, mama mia ! Ma fille est restée interloquée à la vue de leur réaction si décalée.

Je me demande ce qu'ils auraient fait quand hier soir, en revenant de notre baignade, nous avons vu un renard et deux petits chevreuils. Les parents au volant auraient sûrement eu un accident !

Alors voilà où nous en sommes encore, le nouveau camping des nouveaux snobs. Les kékés du film de Franck Dubosc fleurissent comme du chiendent et nous regardent de haut quand nous arrivons lors de nos raids à vélos et la pauvre femme de l'accueil nous demande trois fois si on veut un emplacement voiture et l'électricité, et comme nous répondons «non», elle est si déroutée, qu'elle met dix minutes à nous trouver un emplacement. Car, en effet, maintenant dans ces campings, il n'y a presque plus de place pour les fous comme nous. Je vous rassure, on y va seulement quand on n'a pas le choix car en raid vélo, on peut pas toujours faire un détour, les kilomètres sont dans nos jambes et pas dans le moteur de notre voiture. Alors, on se résigne à y camper dans ces cas-là et on se console en faisant une étude de la société et ce n'est pas triste !

Et puis, il y a toujours les curieux qui viennent nous voir pour nous poser des questions comme si on était des bêtes bizarres. Cest sûr qu'avec nos vélos et notre remorque, on fait office d'attraction !

Au moins, on rigole bien et l'humour est encore ce qu'il y a de mieux pour relativiser.

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