Car tout avait fini par lui paraître absurde.

lucinda-n-whackblight

Emma a trente-sept ans. Elle choisit le poison, l’arsenic est à sa disposition. Elle fait ça chez elle, à la maison.

Elle brûle.
Emma brûle… En enfer, dans les limbes, partout ailleurs…
L’au-delà appartient à la métaphysique, à la théologie ou au monde des quantas. Nous ne jugerons pas son geste qui se « prépare dans le silence du cœur. » La question est ici, comme dirait Camus.
Emma laisse une fille de douze ans, Manon. Nous disons bien « laisse », non pas « abandonne ». Emma est une mère. Elle laisse le soin à ceux qui restent, et en particulier au père de l’enfant, de trouver un sens à la vie, un mobile pour persévérer.
Emma a trente-sept ans. Elle choisit le poison, l’arsenic est à sa disposition. Elle fait ça chez elle, à la maison. L’agonie s’accompagnera de douleurs intestinales atroces et de vomissements violents. Charles, le mari d’Emma, est médecin, il sait ce qu’elle a enduré.
Il sait qu’il ne savait rien d’elle. Le corps qu’il découvre n’exprime rien d’autre que la souffrance, l’abominable souffrance. Il ne savait rien des amants d’Emma. Il ne savait rien des dettes qu’elle aura dû contracter pour mener sa double vie, « contracter » telle une maladie.
Ça, il le reconnut sans peine. Il diagnostiqua le mal dont il était atteint. Considéré comme bénin, le mal vivre. Il n’avait rien voulu savoir de ce mal-être qui le rongeait.
Emma brûlait à petit feu et Charles, lui, restait de glace. Maintenant, seulement maintenant, son cœur souffrait du mal d’Emma.
Il croyait lui avoir donné tout ce dont elle avait besoin. Charles avait oublié seulement ses désirs à elle.
Emma brûle, loin des siens, car tout avait fini par lui paraître absurde.

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