Carpe diem

mglow

Je mange la vie, n'est-ce pas?

Ce matin, j'ai pensé à la nourriture. Une nourriture du tonnerre. Le genre de goût qui traverse tout votre corps et qui l'illumine, soudainement... Comme si depuis votre naissance vous n'aviez encore jamais mangé. Comme si vous surviviez tout ce temps pour goûter à ce truc, ne fus qu'une fois. 

Dans ma quête, je me lance dans une course folle avec mon esprit. Je lui impose cette idée nouvelle et je le force à imaginer une forme, une couleur. Je le provoque. Il se doit de faire, sans poser de questions. D'accomplir mes désirs les plus fous lorsque mes yeux se ferment...

Alors un décor s'échappe de cette pensée : je suis assise sur une terrasse, je contemple la vie comme une imbécile et je laisse le soleil se poser sur ma peau. Je me tais. J'ai faim putain. J'ai le souffle coupé. 

Le paysage par contre respire la santé. C'est le printemps. Un printemps qui jongle avec les nuages au-dessus de ma tête. Un oiseau sur une branche m'observe... A quoi pense-t-il? Voit-il à quel point j'ai faim?

Je me lève et je marche. Je me laisse traîner dans les rues, au hasard. Je rencontre les "habitants du dehors" ; ceux qui restent assis ou debout toute la journée, au même endroit et qui demandent... Ils en ont des choses à raconter quand ils s'y mettent. Quand on les écoute.  Chez certains, c'est la détresse qui s'impose et chez d'autres, c'est l'espoir de s'en sortir... Un réel paradoxe. 

 Je discute avec eux mais ils ne me comprennent pas : je bafouille, je divague et je ne tiens presque pas debout. Ils essayent pourtant....

Mais une fois de plus, la faim s'empare de moi, me fige sur place et me fait passer pour une malade. Elle se tient là-bas, au coin de la rue appuyée conte un arbre? Je la reconnais. Enfin, je crois.

Elle est belle dans sa robe. Sa peau n'est ni blanche, ni noire. En fait, c'est un mélange de tout ce qui peut exister. Je reste muette. Seuls mes yeux lui parlent et décident de la suivre.

Sur le marché que nous traversons ensembles, tout s'enchaîne. Les femmes et les hommes se poussent pour des fruits, des légumes, des vêtements. Ils ne font même plus attention à elle, celle que j'attends depuis ce matin. 

Et voilà que Je la perds de vu dans cette foule. Je reste plantée là entre des oranges et des bananes. Je ne sais pas quoi faire. J'ai faim. Je décide alors d'entrer dans le premier restaurant que je croiserai. Peu importe la qualité, je n'en peux plus. J'avalerai la chose qui ressemble le plus à ce que je viens de perdre. Oui, maintenant je peux reconnaître le véritable plaisir (...).


Une serveuse se dirige alors vers moi  : 

-  Que puis-je faire pour vous ?

-  J'ai faim.

-  Je vous apporte la carte madame. Un instant.

Et voilà que je tiens dans mes mains un nombre impressionnant de repas. J'ai le choix. Alors je commence par une lecture appuyée de tous les aliments. J'essaye de voir ce qui me correspond le plus. Je ne veux rien manger d'autres que la vie. Je veux la mordre.

- Votre choix est-il fait ? Me demande-t-elle quelques instants plus tard.

-  Oui. Du poisson. Je veux manger un puissant vivant.

-  Pardon ? un poisson vivant ? Mais, ce n'est pas possible.

-  Je veux mordre la vie madame, à pleine dent.


Quelques instants plus tard, la voilà revenir avec le plus beau poisson. Il était là devant moi. Son regard me suppliait de l'épargner mais ma soif d'être, de vivre, l'emporta sur la raison. Je le tiens dans mes mains et comme s'il comprenait ce qui lui arrivait, essaye de se dégager.

Je sens sur moi des regards se poser. Je sens que les hommes ne me comprennent. Tant pis. Je mange la vie. Carpe diem.

 

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