Casa s'ennuie

Près d'une rivière agitée, à la campagne, une petite fille prénommée Casa s'ennuyait. Elle n'avait ni frère ni sœur, ni même un voisin avec qui jouer. Ce jour-là, pour s'occuper, elle lança dans les eaux  un premier déchet, trouvé là entre deux pousses d'herbe.

PLOUF !

Avec un soupir, elle balança ensuite une petite bouteille d'eau. Enfin,  ce qu'il en restait après des semaines passées dans la nature.

-Aïe, aïe, aïe, lalala ! entendit-elle, quelques secondes plus tard.

Surprise, Casa se redressa et observa autour d'elle, se demandant à qui pouvait bien appartenir cette voix chevrotante, chantante.

Quand elle regarda de nouveau vers la rivière, Casa se pétrifia. Elle était sèche ; plus aucune goutte d'eau, plus aucun poisson. Seulement des ordures et encore des ordures. Au milieu de ce fourbi de déchets, quelque chose se mit à remuer. Casa s'approcha, les yeux exorbités.

-J'ai froid, chanta la chose qui se redressait péniblement.

-Qui es-tu ?

-Je suis Louti, le marteau-piqueur qui chante.

Asséchée, vue du ciel, la rivière devait ressembler à un labyrinthe mystérieux. Où menait ses virages et ses méandres ? pensa Casa, désireuse d'un peu d'aventure.

-Pourquoi lances-tu toutes ces vilaines choses dans la rivière? reprit l'engin.

- Je m'ennuie.

-Tu ne dois pas faire ça, lalala ! rabroua le marteau-piqueur en poussant la chansonnette.

-Mais je ne sais pas quoi faire ! Je n'ai personne avec qui m'amuser, murmura Casa, triste.

Enfin libéré d'un vieux pneu et de ce qui semblait être un vieux pull, Louti se redressa et put à son aise examiner la fillette, seule sur la berge. Touché en plein moteur par son regard si malheureux, il comprit qu'il devait l'aider.

-As-tu déjà rencontré le petit apprenti magicien ?

-Non. Qui est-ce ?

-C'est un garçon de ton âge qui vit dans les alentours. Tu sais, j'ai pu à loisir écouter les conversations des poissons ici. Il semblerait qu'il aurait le pouvoir d'exaucer le rêve de celui qui lui apporterait la preuve qu'il respecte la nature.

-Oh ! Comment le trouver ? questionna Casa, soudain attentive.

La fillette, qui rêvait tant d'un ami, se promit de tenter sa chance auprès de l'apprenti magicien.

-On dit qu'il apparaît aux yeux de celui qui respecte la rivière.  

Ce fut à cet instant que la maman de Casa se matérialisa, entre deux chênes dégarnis.

-T'approche pas trop près de l'eau, ma chérie. C'est dangereux !

-Ce qui est dangereux, c'est de la salir, maman ! Il faut l'admirer et non l'embêter, la rivière !

-On dîne bientôt, ne traîne pas.

Casa sourit à sa mère puis se retourna vers Louti. Mais l'eau était revenue et  Louti avait disparu. Le pauvre s'abîmait, pourrissait dans les abysses de la rivière. Quelle triste fin !

De nouveau seule, Casa fit quelques pas aux abords de la rivière. Elle trébucha sur une vieille canette de soda ternie par les intempéries. Mécontente, elle la ramassa puis alla la jeter à la poubelle.

À l'instant où la canette disparût de ses mains, un premier bruissement de feuilles  accapara son attention, puis un deuxième. Elle contourna la poubelle et tenta de trouver l'origine de ce bruit. Elle se pencha puis ôta un tas de feuilles automnales. Le visage de Casa s'illumina comme jamais.

Un petit chat au pelage gris se contorsionnait dans les frondaisons.

-Bonjour, minou.

Casa ne rencontra jamais l'apprenti magicien mais trouva un ami. Le chat se pelotonna entre ses bras et ronronna de bonheur.

La nature sait être généreuse quand on l'est avec elle…

2014 © Floriane Aubin