Casse Noisette
oreline
Ma plus belle émotion aura été ma première soirée à l'opéra. C'était le 30 décembre 2009, à l'Opéra Bastille, comme en témoignent les billets que j'ai précieusement conservés.
Probablement lié à un défaut d'organisation, l'achat des billets a été tardif. Je n'avais donc pu obtenir que deux places de catégorie 8 : peu onéreuses mais situées tout en haut de l'immense salle. Une fois installée dans mon fauteuil, je laissais errer mon regard, impressionnée par l'envergure de l'endroit. Surplombant le public, je penchais légèrement la tête, avec une certaine appréhension due à la hauteur. Ma curiosité était piquée par l'orchestre, qui se préparait. Quelques notes s'échappaient parcimonieusement de la fosse...
De temps à autres, je feuilletais le programme acheté à l'entrée, sur la couverture duquel se détachait distinctement : BALLET DE L'OPERA – CASSE NOISETTE – NOUREEV. Il était parsemé de très belles photos qui donnaient l'eau à la bouche : j'avais hâte que le ballet commence.
Les minutes défilèrent rapidement, tant j'étais partagée entre mon intérêt pour les lieux et le livret que je dévorais.
Enfin, le spectacle commença. Le salon bourgeois des Stahlbaum avec toute la famille réunie pour fêter Noël me remplit d'émerveillement. Que c'était beau ! Mais je ne fus pas au bout de mes surprises ! De ma vie, je n'avais jamais rien vu et entendu de tel. Dans des décors tous plus magnifiques et grandioses les uns que les autres, la musique de Piotr Ilyitch Tchaïkovski semblait vouloir nous emmener dans un monde imaginaire. Les costumes étaient somptueux, et les danseurs… ! Au sommet de leur art ! Ils semblaient légers, aériens, comme si nous n'étions pas du même monde, comme si la gravité n'avait aucun effet sur eux. Ils virevoltaient aux quatre coins de la scène, au rythme de l'enivrante musique. Je vibrais avec eux, tout en admirant leur souplesse et leur force. Ils représentaient à mon sens ce qu'il y avait de plus beau chez l'homme : le courage, la détermination, l'endurance. Si je n'avais pas déjà pratiqué la danse à ce moment-là, je me serais certainement inscris le lendemain du spectacle !
Les tableaux défilaient sous mes yeux émerveillés. Il y avait quelque chose de féerique : en cette période de fêtes, tout rappelait plus ou moins l'esprit de Noël : la musique, l'immense sapin au milieu de la scène et ces flocons de neige, qui tombaient, hypnotisant. La chorégraphie de Rudolph Noureev était un bonheur pour les yeux, notamment lors de la valse des flocons de neige et la valse des fleurs.
La salle étant plongée dans le noir, la distance entre moi et la scène n'existait plus. J'étais au milieu des danseurs, avec le désir immense de bouger mon corps à l'unisson avec eux. A défaut de danser, mes pieds et mes mains battaient la mesure. Il semblait presque que mon cœur cognait au rythme de la musique.
Aux côtés de Clara et du Prince, j'étais transportée dans des pays lointains. Je visitais tour à tour la Chine, l'Espagne, la France du XVIIIème siècle et l'Arabie, sans bouger de mon fauteuil.
Lorsque le spectacle et en quelque sorte ce voyage fantastique prit fin, je ressentis une pointe de regret : déjà ! Le temps qui s'était un instant mit sur pause reprenait son train-train quotidien. Je sortis de la salle, avec des étoiles pleins les yeux et le cœur gonflé de bonheur.
Depuis ce jour, je ne me lasse plus d'écouter l'ensorcelante musique de Tchaïkovski, tout en me remémorant avec plaisir cette soirée mémorable. Mon souhait : reprendre des billets mais, cette fois-ci, en réservant les meilleures places. Et puis, faire découvrir cet énorme coup de cœur à tous ceux que j'aime…