Porto
-cassiopee-
Porto tu n'es pas très belle. Tes toits orangés ne sont qu'un maquillage criard qui cache tes rides, tes ruelles vieillies par les ans et le soleil, et tes maisons en ruines. C'est quand on s'enfonce entre tes bâtiments désertés que tu dévoiles ta vétusté.
Mais Porto tu as réveillé tous mes sens. Tu as fait couler sur ma langue des vins aux couleurs étonnantes gorgés de sucre qui ont enivré mes pensées, tu as mis sur ma peau pâlie tout le soleil du monde, tu as chauffé mon corps et apaisé mon esprit. Tu m'as offert tes vagues, ta lumière, ton vent, tu m'as réappris à ralentir. Porto, j'ai tout senti comme si je n'avais jamais senti auparavant. Je devais être vierge et tu m'as touchée pour la première fois. Tu as effacé l'heure de ma montre et tu t'es moqué de l'hiver. Porto tu es un autre monde.
Sur la plage, les embruns ont fait gonfler les cheveux et l'air les poumons. Je me sens grandir. Je redeviens enfant. Je cours devant les flots qui s'agitent, je m'offre au soleil, je caresse ton sable, je goûte ton parfum. Porto tu nous as baptisés dans l'eau, le vent et la lumière. Et tandis que je tenais sa main chaude dans la mienne si froide, tu as rougi comme si tu savais les choses avant nous. Nous regardions innocemment ton soleil tomber, alors que tu fermais les yeux pour nous donner la nuit.
Sur le mur de la chambre s'étend cette question aux mille secrets : "Te souviens-tu de Cassiopée ?". Le voile est tombé et de l'insouciance a surgi mille surprises. Dans la clarté qui peine à percer l'obscurité, trois corps voyagent. Je ne sais plus à qui sont ces mains sur moi. Porto, merci pour cette beauté. Dans ta constellation, nous avons appris qu'aimer avait un autre sens.
Dans l'herbe, je sens ta fraîcheur qui me rappelle que l'hiver n'est pas fini et que nous sommes bénis. Tu me fais frissonner et en fermant les yeux devant ta grandeur et sous l'immensité de ton ciel, je te sais en moi. Quelque chose du bonheur naît avec la chaleur de leurs corps près de moi, leurs mains dans les miennes, l'arbre qui s'élève dans le ciel, les oiseaux qui rient, la musique qui nous porte et que j'ai l'impression d'écouter pour la première fois. L'énergie circule.
Porto tu es sensuelle. Tu es sens et tu donnes sens. Ce n'est pas moi qui t'ai visitée, c'est toi qui m'as visitée. Tu es entrée en moi et tu as remué à l'intérieur tous les nerfs et tous les vaisseaux que tu as pu rencontrer. Je suis arrivée quand tu te parais de rouge au coucher du soleil comme si tu mettais pour moi ta plus belle parure, et nous repartons lorsque, blanchie par l'aube, tu sembles plus vraie que jamais. Porto, tu nous as purifiés.
Il nous a fallu te quitter dans le noir, silencieusement. Si tu avais été réveillée Porto, peut-être ne nous aurais-tu pas laissés partir. Ce n'est que lorsque nous sommes devenus inatteignables, loin au-dessus de ton sol, que nous avons regardé le soleil sortir de tes entrailles et nous sommes nés avec lui.
Février 2019