Ce matin, le ciel ressemblait à un tableau de Claude Monet
Jade Dorcier
Ce matin, le ciel ressemblait à un tableau de Claude Monet. L'air était doux et le vent soufflait. Les gens se promenaient et je les regardais passer. Les nuages avaient des contours flous. Ils étaient moutonneux et filaient sur le fond de toile azur. Le temps s'écoulait à son rythme et tout semblait possible.
Je comptais les passants qui défilaient devant mon banc. Je guettais des détails qui pouvaient trahir leur personnalité, qui ils étaient vraiment. Qui sommes-nous quand on regarde au-delà de nos artifices, de nos cicatrices ? J'ai vu des enfants, au visage grave, donner des leçons aux adultes et j'ai vu des adultes, aux tempes grisonnantes, rire comme des enfants. Tout était possible.
L'instant d'après, des hommes en colère sont passés. Ils brandissaient des pancartes et hurlaient dans des micros de mauvaise qualité. Je ne comprenais pas ce qu'ils disaient. J'ai vu des femmes apeurées et des adolescents pleurer. J'ai vu des parents déboussolés et des mains trembler. Le pire pouvait arriver.
J'ai eu peur alors j'ai fermé les yeux. J'ai alors commencé à écouter. Les bruits de la ville se mêlaient à ceux de la vie. Il y a eu des paroles en l'air et des promesses éternelles, des injures remplies de haine et de tendres "je t'aime". Le meilleur rejoignait toujours le pire.
Quand j'ai rouvert les yeux, j'ai vu le regard de ceux que j'aimaient rempli de larmes et leur gorge nouée à force de les ravaler. J'ai vu leur corps hurler leurs blessures dissimulées pendant que leur bouche disait "ça va aller". Je leur ai caressé la main pour leur dire que je comprenais leur chagrin.
De nouveau, j'ai levé les yeux vers le ciel. Les nuages s'étaient dissipés et le soleil brillait. Je ne comprenais pas, en voyant tant de lumière, pourquoi le cœur des gens était autant rempli de noirceur. Je voulais transformer chaque rayon en petit pain et en donner un à chaque être humain pour que chacun puisse enfin avoir le ventre plein. Plein de vie, plein d'espoir, plein de lumière, plein d'amour, plein de foi. Pour que plus personne n'ait peur du noir.
J'ai senti le vent se lever et me pousser vers l'avant, toutes voiles dehors. A mon tour aussi je me suis levée.
Ce matin, le ciel ressemblait à un tableau de Claude Monet. J'ai compris qu'il ne servait à rien d'être triste car, aujourd'hui, tout est possible.