Ce qu'on dit est vrai

melaaya

« Ce qu'on dit est vrai. Aux portes de la mort nous attend la Vie. Celle que l'on a vécue un jour et que l'on ne vivra plus. Celle que l'on regrettera peut-être, celle que l'on a chérie. Devant le Néant elle patiente. Elle se languit de notre arrivée, mais reste calme et respecte notre quiétude. Elle a déjà préparé les images qu'elle projettera dans notre esprit. Tout est calculé, organisé. La Vie se synthétise elle-même pour ne garder que l'essentiel.

Aux portes de ma mort m'attend donc ma Vie. Celle que j'ai vécu un jour et que je ne vivrai plus. Celle que je regretterai, celle que j'ai chérie.

Celle dont tu fais partie.

Je ne sais plus ou je suis et je ne sais pas où je vais. Des sons parviennent encore à mon oreille valide mais je n'y comprends plus rien. L'odeur de sang m'entoure, elle m'oppresse et m'empêche de respirer. Une fraction de seconde a suffit à ce que je commette une erreur. Je me rends désormais compte qu'il faut si peu de temps pour que la Mort nous ouvre ses bras. Je vois le Néant, il m'appelle. Je commence à me perdre dans ses profondeurs et sa noirceur m'embrume l'esprit. Je suis pourtant si proche du monde qui m'entoure que je peux encore sentir la pluie tomber sur mes joues endolories, sur mes bras et mes jambes presque dévêtus. Si tu savais à quel point la moindre sensation m'importe désormais. Les sons, les bribes d'images et les frissons causés par un simple contact sur ma peau me rattachent à cette nature impitoyable, mais dans laquelle j'avais l'habitude de respirer paisiblement. Je dois me souvenir de cette quiétude. Je dois tenir. Pour ma patrie que je sers.

Mais surtout pour toi.

Je t'aperçois. Oui, je peux toucher ton visage pâle et sentir le parfum de ta pureté. Tu es si radieuse. Nous ne sommes que des soldats miséreux et crasseux, alors que toi tu incarnes la perfection. Ma perfection.

La vie s'échappe de mon corps meurtri. Mon dieu, mes idées ne sont plus claires. Elles ne sont plus qu'un tas de poussière désordonné auquel je tente en vain de m'accrocher. Tout se mélange.

Si ces pensées avaient pu s'écrire d'elles-mêmes sur le papier, elles auraient constitué ma dernière lettre. Celle que je n'aurais jamais l'occasion de t'envoyer. Ne l'attends plus. Ta seule mission est de savoir que...

Oh, tu es encore là. Tu m'embrasses et me chuchotes des « je t'aime » à l'oreille. Il fait beau, nos mains s'entrelacent et tu me souris. Je m'en rappelle. C'était avant que je ne t'abandonne sur le pas de la porte, mon uniforme militaire et mon gros sac sur le dos.
Pourquoi ne t'ai-je pas avoué plutôt que... Qu'est-ce que... Tu... Nous... Je... J'ai peur. Si peur de ne plus sentir tes lèvres contre les miennes, ta main me caressant le visage et...

Je l'ai longtemps fait patienter mais il est temps désormais. Aux portes de ma mort la Vie m'a attendu. Elle avait préparé tout ce qu'elle allait projeter dans mon esprit. Tout était calculé, organisé.

La Vie s'est synthétisée, mon amour. Oui, elle s'est synthétisée pour ne garder que toi. »

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