Cerbere 3 - Première épreuve
mazdak-vafaei-shalmani
Les dernières brumes s’agglutinaient autour du soleil renaissant après une nuit d’agonie, qui a vu notre ami se refuser au repos, pour ouvrir sa boite de pandore. Le ciel était teinté d’une lueur rose que les nuages avaient de la peine à cacher. Martin tenait le manuscrit sur ses genoux avec la paume de sa main gauche, et sous l’effet de la fatigue et du stress, ce manuscrit glissait sur sa paume pour retomber sur le sol, et inlassablement il devait se lever et le ramasser. Lui qui n’était pas des plus travailleurs, avait trouvé dans ce mystère le moyen de donner un sens à ses études. Mais comment un étudiant médiocre qui de redoublement en passage forcée avait réussi à se frayer un chemin jusqu'au doctorat pouvait -il être investi d'une telle mission ? Son directeur de "recherches mystérieuses" était d'ailleurs un homme qui maîtrisait aussi mal notre langue que le langage des signes, puisqu’il ne s’exprimait pas ou plutôt dirons-nous qu’il se faisait comprendre. Il a commencé par étudier les passages concernant le personnage central du manuscrit, un « Cerbère ». Dans la mythologie grecque, un Cerbère était un chien à trois têtes qui gardait la porte des enfers en empêchant les mortels d’y entrer. Dans le manuscrit, le Cerbère n’avait rien d’un animal, et il était encore moins une personnification de l’animal, il s’agissait d’un homme de « chair » et de « sang ». « Issu de deux peuples de marchand que tout opposait », il a fait de « de la fortune » son principal atout, et « a dominé le royaume terrestre » avant de se voir proposer un marché par le Dieu des dieux « Zeus » (qui avait l’air tout aussi débauché que dans la mythologie grecque). Il devait réaliser douze travaux pour pouvoir rejoindre le royaume céleste.
C’est ici qu’il y avait un problème assez sérieux. Cette mission devait revenir au fils de Zeus, Hercule, dont les exploits ont fait l’objet de tant d’adaptations ces dernières années, que même avec sa connaissance de cancre érudit, ils ne pouvaient que constater cette erreur dans le manuscrit sans même pouvoir l’interpréter. Cependant, les travaux proposés « au génie du capitalisme » comme l’avait ironiquement baptisé Martin, ne correspondait pas aux douze travaux d’Hercule. La première mission du Cerbère était de rentrer dans l’Olympe. Notre héros somnola pendant près de trois quart d’heure sur sa copie vide, ce qui lui donna la mauvaise impression d’être dans une salle de classe avec un devoir sur table de physique devant le nez. Puis, il eut une idée qui lui semblait idiote, en étudiant d’autres passages du manuscrit. Qui sont les Dieux réellement ? Est-ce le pouvoir ? La fortune ? Ou un procédé technique que l’auteur a imaginé et qui permettait aux hommes de devenir immortels ?
A ce moment-là, « l’homme à la cigarette » débarqua dans la pièce en ouvrant la porte d’une seule main, et se faufila entre les livres que Martin n’avait jamais lu, et les DVD qu’il avait dû regarder au moins une centaine de fois et lui donna une autre enveloppe. Il repartit dans un fracas terrible en se prenant le pied dans un gâteau que Martin avait mangé la veille et qui avait été posé sur le sol, et en s’écrasant sur la Bible, dont Martin se servait pour retenir son décodeur numérique qui sans elle pendouillait dans les airs. Pendant que l’homme se relevait, Martin ouvrit l’enveloppe qui contenait un flyer d'une grande boite parisienne : « l’étoile ». L’homme lui signifia qu’il devait y entrer. Facile pour la plupart des hommes de son âge d’entrer dans une grande boite de nuit parisienne, pourtant Martin n’avait jamais réussi à passer le cap, même entrer dans une brasserie lui paraissait impossible. Lui son corps frêle, ses mauvaises habitudes, ses cheveux en bataille, et ses faux airs de thésard.