Ces derniers jours

liviasansleo

Il y a des vacances qui nous remettent d'aplomb, nous reposent, et puis parfois, changent le cours de notre vie...

Samedi 28 juillet 2018, fin des vacances d'été.

Encore une année spéciale : bonnes nouvelles, mauvaises passades, moments heureux, étranges événements... Disons que la roue tournait dans tous les sens.

Mais ce weekend là, fût, vraiment, différent...

Une amie était venue dîner pour profiter de ces derniers jours de congés.

On a discuté de tout et de rien. On a mangé, on a ri, écouté de la musique. Bref, un moment agréable.

Après tout ça, je l'ai raccompagné à sa voiture. 

Puis je suis retournée à mon domicile. J'ai fermé la porte.

Et là, plus rien...

Plus de lumière, plus d'électricité... tout s'était éteint.

Au départ, j'ai pensé à une panne.

C'est fréquent ici, c'est arrivé il y a quelques mois. Ça a duré des heures...

Les lampadaires de la ville n'éclairaient plus, enfin je suppose. Mon appartement ne donne pas sur la rue.

Tout ce que je peux voir, c'est une cour, un muret qui la sépare du jardin d'à côté et les toits des immeubles adjacents.

"J'dois essayer de réparer le compteur électrique."

Je vérifie les différents disjoncteurs, les soulève, les replace. Pas de réaction...

"Lumière de la salle de bain, non. Radiateur du salon, non. Chauffe-eau, non. Toujours rien !"

Désespérée et un peu en panique, je décide de me réfugier à l'étage du duplex, dans mon lit, emmitouflée dans mon plaid...

Mais je ne sais pas  pourquoi, au fond, j'étais prise d'un étrange sentiment.

Comble du malheur, la batterie de mon portable allait s'éteindre. Plus que deux pour cent et je me retrouverais  dans le noir total.

Je ne me sentais pas de rester là, je devais affronter ma peur : "Allez, courage idiote, descends chercher de quoi t'éclairer."

Mais évidemment, je n'ai rien trouvé... Pas de lampe torche, pas de bougie, même pas un petit porte clés lumineux.

Non, absolument rien à part l'ordinateur portable.

Donc, je l'ai allumé. Seulement trente minutes d'utilisation, il ne survivrait pas longtemps...

La chance n'était pas de mon côté : ambiance glauque, silence ambiant.

Le début attendu d'un mauvais film d'horreur mais en direct, seule, dans mon salon, dans l'obscurité complète...

Il n'y avait pas un bruit, pas de voisins, pas de passants, non, aucune activité humaine...

Le seul son qui me parvenait était des coups : secs et répétitifs.

Ils venaient de partout : dans le mur de gauche, dans le mur de droite, dans le toit, dans le hall d'entrée. Incessants, pesants, incompréhensibles.

Peut-être que je fatiguais, peut-être que je divaguais.

J'essayais de me persuader que ce n'était rien : juste le bruit de la tuyauterie ou des parois humides de l'immeuble.

J'aurais aimé trouver le courage d'aller voir dehors, mais, je n'y arrivais pas. Je pense que ma conscience ressentait ce qu'il se passait. Comme si elle me murmurait : "Ne fais pas un pas. Restes là. Rassures-toi."

Alors j'ai éteint l'ordinateur et je me suis couchée. Je me répètais : "Tout ira mieux demain".

La nuit fût agitée : mauvais sommeil, frissons, sursauts... Je crois que je n'ai pas assez dormi.

Puis, vers sept heures du matin, j'ai ouvert les yeux... Je me suis levée, j'ai descendu l'escalier, été au salon.

Encore la même histoire : pas de courant, pas de batterie, pas de bruit dehors... plus de coups secs dans les murs.

Je n'avais même pas de quoi réchauffer un café. Et en prime ? Une douche glacée !

Préparation à toute vitesse.

Je me suis habillée et je suis sortie pour frapper à la porte de mon voisin le plus proche. Pas de réponses ? Bizarre...

"Pourtant il me semble qu'il est de repos le weekend. Je vais au tabac. Il sera ouvert."

Mais non, le rideau métallique était resté baissé. 

"Ou l'épicier, il ne ferme jamais".

Porte close. Personne pour me répondre. Je commence à m'affoler.

"Pourquoi il n'y a personne ? Pourquoi il ne se passe rien ? J'ai même pas mon phone pour savoir si tout le monde va bien. Ma mère va s'inquiéter ... Faut que je prenne ma caisse. Faut que j'fasse un tour."

Je suis revenue sur mes pas, j'ai fait demi-tour jusqu'à ma rue, j'ai fouillé dans mon sac, j'ai pris mes clefs de voiture puis je l'ai démarré en me demandant :

"Je passe voir qui en premier ?"

Horrible question. Tu es là, tu es seule, sans nouvelles de ta famille, de tes amis, tu ne sais pas si ils sont encore en vie et tu dois choisir lequel de tes proches tu iras voir en premier...

Sans trop réfléchir, j'ai filé au plus proche. J'ai pris la direction de la maison de mon amie. J'ai roulé assez rapidement. A vrai dire, il n'y avait ni feux de signalisations, ni autres véhicules pour perturber ma course.

Je suis arrivée devant chez elle, j'ai sonné.

Aucune réponse, même ses chats n'erraient pas dans le jardin.

De peur d'être confronté à l'impensable, j'ai repris le volant puis j'ai décidé de rouler... plus vite, plus loin... Peu importe où j'allais, je cherchais à m'enfuir. A savoir si la vie était active ailleurs.

J'ai pris la nationale, j'ai éviter les péages. J'ai foncé droit devant.

Je me suis garée sur un petit parking et j'ai rejoint l'horizon : la plage, la mer, ses vagues.... Avec toujours cette même vision : zone sans baigneurs, sans d'enfants jouant au ballon...

"Alors c'est ça la fin du monde ? Un désert inanimé, un néant absolu ? Comment expliquer ce no man's land soudain ? Suis-je la seule rescapée ?"

Après toutes ces interrogations, je devais trouver un endroit pour me réfugier et me protéger de tous problèmes. Il était bien trop tard pour faire demi-tour.

J'ai laissé ma voiture sur le parking. J'ai quitté la plage à pied. J'ai longé le grand boulevard qui donne accès à la mer.

J'y ai vu des restaurants sans clients, des maisons sans habitants, des résidences de vacances sans voyageurs et puis un hôtel...

Un hôtel typique de la région laissant apparaître de beaux colombages.

Un endroit splendide donnant sur un jardin entretenu et fleuri.

Par chance, la porte principale était entre-ouverte : pas de portier, pas d'hôtesse pour m'accueillir.  J'ai avancé  jusqu'au hall de réception.

Toujours pas de bruit.

Dans la salle de restaurant : pas de maître d'hôtel, pas de barman, ni cuisinier pour me servir...

Par curiosité, j'ai fait le tour du rez-de-chaussée : traditionnel, rustique mais bien décoré, j'y trouverai de quoi me restaurer et me reposer. Du moins quelques heures...

Avant de découvrir ma chambre, je suis partie faire un tour dans la grande cuisine qui se trouvait à l'arrière de la salle du restaurant.

J'ai cherché dans les réfrigérateurs en inox et j'y ai fait mon marché : des crudités, quelques bouts de fromage. Tout ce qui s'y trouvait serait bientôt avarié.

Je me suis installée à une table placée devant le bar en bois. J'ai utilisé les condiments qui se trouvaient dans la console près de moi et j'ai dîner là, à la lumière du soleil couchant, sans êtres vivants pour me tenir compagnie.

J'ai débarrassé mon assiette et j'ai rejoint l'étage.

Le soleil disparaissait, je devais être couché avant que la pénombre arrive.

Je ne me souviens plus du numéro de la chambre dans laquelle je me suis aventurée.

Je me souviens juste de l'odeur de la cire à bois, de l'aquarelle représentant un bateau accrochée au dessus du lit, de la salle de bain qui ne semblait pas avoir été utilisé récemment.

Je me suis allongée, j'ai fermé les yeux et j'ai attendu que l'aurore me serve de réveil.  Et encore une fois, je n'ai pas assez dormi...

J'ai beaucoup bougé, j'ai sursauté aussi et puis j'ai fait un cauchemar : angoissant, profond, perturbant.

Lorsque j'ai ouvert les yeux, au petit matin, je gardais en mémoire les images de ce triste songe :

"Je suis debout sur le balcon de cette chambre de fortune.Je ressent cette présence derrière moi, je vois son ombre. Elle ne me veut pas de mal, au contraire, elle semble affective. C'est la silhouette d'un homme. Il ne me parle pas mais se tient derrière moi. Je sent sa main toucher mes cheveux, pendant que je regarde l'horizon. Je scrute les champs, les lotissements de maisons qui se trouve au loin. Tout est paisible, tout est calme. Le ciel se teinte de bleu et de rose. La nuit tombe doucement. Je continue à fixer ce paysage .

Petit à petit, le ciel coloré laisse place à du gris, du  noir.  La ligne d'horizon n'apparaît plus. Un incendie ravage tout l'arrière plan. La fumée épaisse s'élève dans tout le ciel. L'homme qui prend soin de moi a disparu. Vision apocalyptique et destructrice. Ici ou dans ce mauvais rêve, je suis isolée du monde et je ne sais pas quoi faire..."

Je me suis réveillée en sueur, les draps trempés. Alors, je suis partie me rafraîchir dans la salle de bain. J'ai ouvert le placard qui se trouvait au dessus du lavabo. La chambre avait du être préparé avant ma venue. On pouvait y trouver : un petit savon dans sa boite en carton, une brosse à dent encore emballée, un dentifrice en format voyage et un gant de toilette brodé au nom de l'hôtel.

J'ai pris mon courage à deux mains et réussi à prendre une douche froide dans la baignoire en angle de cette chambre. Je me suis séchée du mieux que je pouvais, grelottante. J'ai enfilé la tenue que je portais depuis la veille et mis mes baskets ensablées par mon escapade sur la plage. Je suis sortie de la chambre.

J'ai vagué dans le couloir. J'ai essayé d'ouvrir les autres chambres. Certaines étaient verrouillées de l'intérieur, d'autres vides, et, en face de moi se trouvait une suite. J'ai inspecté les lieux mais mise à part le vent soufflant par la fenêtre laissé ouverte, il n'y avait rien...

Le scénario se répétait encore et encore... Je ne devais plus rester ici.

Je suis descendue de nouveau dans les cuisines, j'ai pris une cagette vide qui traînait sur le plan de travail.

J'ai ouvert tous les réfrigérateurs, les congélateurs, la réserve et j'y ai déposé tout ce qui était encore consommable.

Fruits, légumes, bouteilles d'eau, il ne restait plus grand chose à emporter.

J'aurais aimé y trouver des boites de conserves. Cet hôtel avait le mérite de ne servir que du fait maison !

Je peux avouer que j'ai eu un petit pincement au cœur en quittant les lieux.

En temps normal, j'aurais adoré y séjourner.

Le chemin du retour était long, je ne savais pas trop où me rendre, je suis partie à ma voiture, j'ai rangé mes provisions dans le coffre, je me suis installée à l'avant, et, de nouveau, j'ai filé droit devant.

Pour passer le temps, j'ai allumé mon poste de radio. Les fréquences étaient brouillées, inaudible. Le seul son qui en sortait était un bruit blanc. Je n'ai pas insisté. 

En voyant toutes ces routes inanimées, je me demandais à quel endroit j'aimerai me rendre si c'était vraiment la fin de ce monde.

Je ne sais pas pourquoi, j'ai repensé à mon enfance. Tout ce passé me revenait en flash. Je me voyais courir dans le jardin, monter quatre à quatre les escaliers, frapper à la porte de ma mère. Je sentais son odeur, j'entendais le rire de mes sœurs dans le salon. Alors, j'ai pris la route vers sa direction, comme pour dire au revoir à cette demeure qui m'avait vu grandir. Comme pour y revivre une dernière fois un moment d'insouciance. 

Je me suis un peu perdue, je ne me souvenais plus vraiment de son emplacement exact. Mes derniers souvenirs remontaient à mes onze ans.

Je me suis arrêtée près des garages. Ici encore, aucun individu.

La porte de cette maison était fermée à clef.

J'ai frappé tant bien que mal, en vain. J'ai fait le tour de la zone pavillonnaire.

Je voulais essayer d'entrer par le jardin. Le portail n'était plus là, les arbres avaient été coupé, la balançoire disparu.

Je devais voir à l'intérieur, c'était plus fort que moi...

Alors, j'ai escaladé le grillage en m'aidant des buissons des anciens voisins. J'ai atterri sur l'herbe. J'ai marché jusqu'à la porte fenêtre.

Elle, elle était entrebâillée. Je l'ai poussé lentement en demandant si quelqu'un était là. Non, malheureusement, à part l'écho de ma voix, pas de réponse...

J'ai avancé dans le salon. Je ne reconnaissais rien. La peinture avait changé, le sol aussi. La décoration était moderne. Tout semblait minimaliste, impersonnelle.

J'ai regardé autour de moi. Je me sentais mélancolique, presque déçue de ne pas retrouver l'âme de cette maison. 

Vers l'escalier, j'entendais un gémissement. 

ll était faible mais il était présent. Un tout petit cri plaintif. Cela ressemblait aux pleurs d'un animal. Ça semblait venir du premier étage.

J'ai pas hésité, j'ai couru le plus vite possible en sautant des marches.

Le son venait de mon ancienne chambre de petite fille. Le papier peint n'y était plus, maintenant c'était une chambre parentale meublée d'un lit king size et d'une commode.

Et à mes pieds, ils était là : deux petites bêtes. 

Un chat se tenait assit en miaulant de désespoir. Pour le rassurer je me mis à genoux et le caressa, il était affamé. 

A ses côtés, un chien était allongé sur le sol. Il semblait éreinté, prêt à fermer les yeux à jamais.

J'ai dévalé les escaliers pour leur trouver de quoi se nourrir et s'hydrater.  Le chien n'a rien avalé.

J'ai appelé à l'aide, j'ai claqué toutes les portes de l'étage pour savoir si leurs maîtres étaient encore présents.

Je ne me faisais plus d'illusion. Cet animal allait mourir sous mes yeux et j'étais incapable de le sauver.

Un peu désespérée, je suis allée au dernière étage, dans les combles emménagés. Maintenant, c'était une chambre d'amis avec sa salle d'eau privatif et une salle de jeux pour enfants.

Il y faisait terriblement chaud. Je suffoquais. J'ai grimpé sur le lit, j'ai ouvert le velux et j'ai mis ma tête à l'extérieur pour me rafraîchir. 

A part les toits, il n'y avait pas vraiment de vue, mais l'air était respirable.

Enfin, plus pour longtemps...

Impression de déjà vu, la sensation de revivre mon cauchemar.

Alors que le ciel était dégagé, de gros nuages prirent le relais rapidement.

L'orage éclata violemment, la foudre arriva à son tour. Pourtant, il ne pleuvait pas. Non, juste le grondement du tonnerre et la lumière vive des éclairs. Tout était magnétique, électrique... flippant.

J'aurais pu refermer ce velux mais intérieurement j'entendais une voix me parler.

Celle d'un homme... Je ne pouvais le percevoir mais je l'entendais, clairement. Il me guidait, il me rassurait aussi. Il me disait de ne pas avoir peur et de garder la foi. Il me disait que tout allait s'arranger et que je devais suivre mon instinct. 

J'étais tétanisée intérieurement. Je ne savais plus reconnaître le vrai du faux, si tout cela venaient de mes rêves. Je ne savais même plus pourquoi j'étais venue dans cette maison !

C'était flou, c'était fou, ce n'était pas possible... et pourtant...

J'ai voulu descendre de ce lit et partir, mais, il insistait :

"Tu peux le faire. Tu ne t'estimes pas assez mais tu en es capable. Tu as une force en toi. Souviens toi. Tu dois creuser plus loin. Tu ne dois pas t'arrêter à ce que tu connais déjà. Fais-le..."

Je suis restée à cette fenêtre. Je me suis accrochée à la bordure du velux et j'ai eu un drôle de reflex. J'ai crié. Non, pire, j'ai hurlé. J'étais en colère, j'étais terrorisée et j'ai hurlé en direction du ciel. Sous cet infernal festival de foudre, de bruit sourd et de lumière. J'ai demandé :

"Où sont-ils ? Qu'en avez-vous fait ? Et pourquoi moi ? Prenez-moi, laissez-les ! Je n'ai aucune force, je n'ai rien !"

La voix de l'homme que je ne pouvais pas voir s'éleva :

"Cherches en toi, puises dans tes ressources. Ne regardes pas en arrière, cherches dans ce que tu n'as jamais exploré. Vas plus loin."

J'ai fait un bond en arrière et je suis tombée sur le matelas. Je crois que j'en avais assez maintenant. Je n'étais même pas sûre d'entendre cette voix, de la comprendre. De savoir si elle me guidait réellement vers la vérité. Je me demandais si la voix que j'entendais était celle de l' homme de mon mauvais rêve. Et si ce n'était pas lui dès le début qui avait provoqué tout ça...

Mais il ne s'arrêtait plus de parler :

"Tu n'as pas à croire en moi. Tu n'as pas à te demander si c'est de ta faute ou de la mienne. Ce que tu dois faire, c'est sauver ta vie. Tu dois savoir ce que tu as au fond de toi. Je ne te dirais pas quoi faire. Je veux juste que tu cherches au plus profond de toi mais pour cela tu vas devoir te souvenir..."

Je pense que je suis restée figé quelques minutes. Je crois que je suis restée béat. Je ne savais plus quoi comprendre, j'étais peut-être simplement morte. Mais je me sentais tellement fatiguée...

Il a continué :

"Penses à tous ces derniers jours. Souviens-toi de tout ce que je t'ai dit."

Je me suis relevée sur le lit, les jambes flageolantes. J'ai levé les mains vers la fenêtre, j'ai fermé mes yeux. Je ne maîtrisais plus mon corps. Mon esprit était parti. Je sentais juste une chaleur dans mon ventre. J'étais entre le sommeil et l'éveil. J'étais peut-être en transe. J'ai senti mes pieds quitté le matelas. Je lévitais. Et j'ai réfléchit rapidement à tous ces derniers jours. J'ai revu toute l'histoire mais à l'envers. Je me revois dans cette maison, l'hôtel, à mon appartement dans la pénombre...

Mais pas seulement, je crois que mon esprit a voulu remonté plus loin dans l'histoire.

Il s'est revu le vendredi 27 juillet, le soir de l'éclipse lunaire, de la lune rousse. Mais aussi l'après-midi, lors des terribles pluies et orages. Et le matin même, où je m'étais levée en sueur après un drôle de songe... Déjà un...

"Mais oui, ce rêve, ce rêve... Ce matin là, quand je me suis réveillée j'avais l'impression de le vivre encore... oui, il faut que je m'en souvienne... Pourquoi est-il si trouble..."

Mon cœur devait battre des records de pulsations à ce moment là, tout mon corps était pris de convulsion, comme possédé par ce besoin de savoir, et j'ai eu tous ces flashs. Toutes les séquences de ce rêve sont revenues soudainement :

"Je suis dans mon salon. Je me vois à la première personne. Je ne vois que mes bras, mes mains, mes pieds. Je suis debout devant le canapé. J'essaye de faire voler un objet mais je ne suis pas sûre d'avoir cette force mentale. Il y a quelqu'un auprès de moi. Il est immatériel. Il me parle. Il me dit que le secret est lié à l'énergie. A la force magnétique. A la concentration. Il me dit que ce don, tout le monde peut l'avoir mais que l'homme n'utilise pas assez toutes les ressources de son cerveau. Il me dit que je n'y arriverait peut-être pas du premier coup. Qu'il me faudra de la patiente. De l'apprentissage. Il me dit qu'il sent que je suis apte à le faire. Et je le fais. Je met mes mains face à l'objet que je convoite. Je le regarde, me concentre et je le vois venir vers moi. J'y arrive. Je pratique la télékinésie. Mais je suis fatiguée et très vite l'objet tombe au sol tandis que moi je quitte ce rêve..."

C'est vrai que ce vendredi matin là, je suis sortie de mon lit complètement exténué, en gardant l'impression que toute mon énergie avait été prise par cette vision nocturne.

Et là, au dessus de ce lit, dans la chambre d'ami de mon ancienne maison, je le suis aussi, de tout mon être. Je souhaite m'effondrer et dormir. En repensant à ce songe, je me suis vidée complètement de mon énergie...

J'ai peut-être lévité trop longtemps, j'ai peut-être tremblé trop violemment, j'ai peut-être levé les bras trop haut, j'ai peut-être senti trop ardemment cette chaleur en moi, fait travaillé ma mémoire trop intensément... ou, peut-être que... Que je l'avais fait...

Je suis tombée sur le lit de tout mon poids. Déboussolée... Il faisait de nouveau chaud dans cette pièce. J'ai regardé vers le velux en restant assise. Le ciel était maintenant bleu. L'orage dissipé.

J'ai cru entendre un chien aboyé, le rire d'un enfant. J'ai entendu des pas à l'étage du dessous et une femme parler.

J'ai entendu le bruit des voitures dehors, j'ai entendu un chat miauler...

J'ai quitté cette pièce, je suis descendue sur la pointe des pieds.

J'ai été pris d'un sursaut. Une petite fille jouait dans le couloir. Son chien aboyait en lui courant après.

Ce chien, le même qui était allongé tout à l'heure...

La petite fille en me voyant, apeurée, appela sa mère qui sortit rapidement de sa chambre.  Interloqué, elle me fixa des yeux en fronçant les sourcils. Je suis partie très rapidement de cette maison. J'ai rejoint ma voiture. Un homme assez vieux que je n'avais jamais vu me fit comprendre que j'étais mal garée.

J'ai démarré, j'ai pris la direction la plus rapide pour rejoindre mon appartement. J'ai mis du temps. A cause d'un accident de la circulation, je suis restée bloqué plus d'une heure dans les bouchons...

Je suis arrivée devant chez moi, j'ai dû tourner plusieurs fois dans le quartier pour trouver une place. Je pris mes clefs dans mon sac. Je suis entrée dans le couloir de mon hall et j'ai salué un voisin.

J'ai ouvert la porte de mon appartement, je me suis débarrassée rapidement de mes baskets et je me suis effondrée dans mon canapé.

Et j'ai dormi, oui, enfin, j'ai dormi : profondément, paisiblement, longuement... j'ai dormi.

J'ai passé plus de dix heures à récupérer mes nuits d'avant, à reprendre des forces, à me ressourcer. Quand j'ai ouvert les paupières, il faisait déjà jour.

Je me suis levée et je suis partie vers la cuisine pour me faire couler un café. J'ai allumé la lumière parce qu'il fait sombre chez moi, même en plein jour.

Après avoir émergé de mon sommeil, je suis montée pour me laver. J'ai pris du temps pour choisir ma tenue et j'ai filé à la douche. Elle était chaude et j'étais bien.

J'ai enfilé le jean et le top que je venais de choisir et je suis descendue pour prendre mon sac. J'ai enfilé une paire de sandales et j'ai eu envie de passer au tabac.

Il était ouvert. J'ai acheté le quotidien qui était exposé sur le présentoir et je me suis installée à une table devant le bar.

J'ai intercepté la jeune femme qui essuyait les verres et lui ai demandé un café. Elle posa l'expresso devant moi.

Tout en touillant le sucre que j'avais versé dans la tasse, j'ai commencé à déchiffrer la une du journal.

Je regardais les gros titres des articles et faits divers qui allaient m'être proposé, mais il n'y avait pas grand chose à lire apparemment.

Mes yeux bloquèrent sur la date inscrite en haut de la page. J'étais choquée... Je posa alors une question au barman :

"Votre journal, c'est celui du jour ?"

Cette question sembla amuser l'homme qui nettoyait le comptoir :

"Oui Madame, il a été livré ce matin !"

Il rigola et continua son activité. 

Donc si je résume nous sommes dimanche 29 juillet 2018.

J'ai rejoint le comptoir et payé ma consommation. Je suis ressortie, j'ai traversé la route sans prendre le passage piéton, je suis retournée à mon appartement.

J'ai posé le journal que je venais de feuilleter sur le plan de travail de ma cuisine. Je suis partie vers l'évier pour me passer de l'eau froide dans la nuque et sur le visage. J'ai soufflé. Plusieurs fois. Et puis j'ai réfléchit encore une fois.

"Je suis devenue folle. J'ai pas vécu tout ça. C'est impossible : j'ai vu ces animaux, j'ai vu ces paysages, j'ai même entendu le bruit des vagues..."

Alors j'ai avancé doucement vers l'entrée de mon salon, je me suis approchée de mon meuble à chaussures. Je me suis baissée... Mes baskets ! Elles étaient mal rangées !

J'en ai pris une dans mes mains. Je l'ai secoué, lentement. A mes oreilles:  le bruit fin du sable sur mes semelles. Devant mes yeux, ces grains clairs qui tombait sur le carrelage de mon salon...

En baissant la tête pour observer cette preuve, j'ai entendu une voix grave me murmurer :

"Cette fois, tu ne rêves pas..."

- LiviasansleO -

"La réalité est erronée, les rêves sont pour vrais" Tupac Shakur









 















 








 

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