CES MOTS SONT POUR TOI - CHAPITRE 9
Philippe Esteban
CHAPITRE 9
Je ne sais pas si tu penses comme moi, mais c’est mieux si je conduis sans mettre la radio. Après toutes les conneries qu’on a entendues tout à l’heure, le silence s’impose, non ?
Et puis comme ça, je pourrais rouler vitre baissée, avec le coude sorti, comme un pro.
Je vais juste arriver pour l’ouverture de la mairie, et ça ne devrait pas être trop difficile de trouver une place pour me garer pas loin. A cette heure là, c’est encore jouable. Tu vois comme c’est la vie, Fanou, hier je suis venu exactement au même endroit, je suis passé juste devant l’hôtel de ville avant d’aller à la librairie, et je ne pensais pas avoir à y retourner aujourd’hui… surtout pour ça.
Il fait vraiment bon dehors, et je ne sais pas si j’ai eu une bonne idée de me mettre en noir tout à l’heure. On dirait un croque-mort …
J’ai repris l’enveloppe et le petit dossier que m’a donné le légiste avec moi. Elle me pèse cette saloperie d’enveloppe, enfin, pour être plus exact, son contenu me pèse. Ce qu’il sous-tend aussi.
Il n’y a encore personne pour me renseigner à l’accueil, mais comme les services sont très bien indiqués, j’ai trouvé assez vite le celui de l’état civil.
Dans le bureau, la clim est poussée au maximum. C’est un coup à choper une angine, ça. J’ai déjà croisé cette employée de mairie, je ne savais pas qu’elle travaillait ici. Souvent je la vois chez le buraliste acheter son journal, elle habite sûrement dans mon quartier.
Tu vois Fanou, avec maman, c’est seulement la deuxième personne qui me demande comment je vais depuis ce matin. A mon avis, elle a dû deviner tout de suite que je venais pour déclarer un décès. Les vêtements noirs, la tête d’enterrement, c’est clair que je ne ressemble pas vraiment à un heureux père de famille qui vient faire enregistrer une naissance ou à un futur époux qui publie ses bans.
Elle me tend la main en se levant de son fauteuil de bureau, et j’aime la franchise du sourire qu’elle me lance. Sa voix est posée et chaleureuse. Je lui tends mes documents, je lui parle à peine, car je sais que ma voix trahit encore ma faiblesse et ma vulnérabilité.
- Bien, je vais enregistrer le décès de monsieur Stéphane Guillet… J’ai besoin de consulter l’avis de décès qui vous a été remis…
Elle plisse les yeux d’un air désolé et les rides sur son front deviennent plus prononcées.
- Ça va vous paraître banal ce que je vous dis, mais au bout de plus de 25 ans de service, j’ai toujours autant de mal avec les décès. Et c’est pourtant ce qu’on enregistre le plus… Quand c’est des jeunes, je trouve ça encore plus injuste… Vous avez un lien de parenté direct avec le défunt ?
- Oui, madame. C’est mon petit frère.
Elle sourit maintenant, visiblement émue par le fait que je t’ai présenté comme mon « petit frère », et non pas comme mon frère tout court.
- Vous allez peut être me trouver curieuse, mais sa mort est accidentelle ou causée par une maladie ? Je me permets de vous demander ça car votre frère a sensiblement le même âge que ma fille aînée…
- Stéphane est mort brutalement ce matin… Hémorragie cérébrale.
- En effet, ça, ça ne prévient pas, et puis surtout… ça ne pardonne pas.
Elle ouvre un dossier sur son ordinateur, consulte une sorte de planning avec des cases encore vides pour les futurs enterrements à célébrer.
- Je peux vous proposer vendredi matin pour les funérailles, en fin de matinée, à 11h45. Sinon, dans l’après-midi, à 14 ou 15 heures, s’il y a une cérémonie religieuse avant. Généralement, il faut compter à peu près une heure pour un passage à l’église.
- Vendredi matin ça ira très bien.
Elle me tend un morceau de papier avec une espèce de code qui correspond à l’emplacement de ta tombe au cimetière, et m’informe de certains détails à ne pas négliger. Je note encore des choses à faire sur ta liste. Elle devient de moins en moins exhaustive. Je la salue timidement avant de sortir, j’essaie de lui sourire pour la remercier de sa gentillesse, mais à la place j’ai l’impression de lui faire une vilaine grimace.
Je ressors dans la rue piétonne, les talons de mes chaussures claquent sur les pavés, comme au funérarium. Tu vois Fanou, j’ai besoin de solitude en ce moment, mais une présence silencieuse me ferait le plus grand bien. J’ai l’impression depuis ce matin que tu m’accompagnes et que tu me suis dans tout ce que je fais. Et si c’est vraiment le cas, si t’es vraiment à coté de moi, laisse-moi te dire que c’est très frustrant de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras.
Avec toi, j’ai perdu mon seul ami, mon unique confident ; il n’y a qu’en toi que j’ai trouvé tout ce que je recherchais. Faut être lucide Stéphane, on a vécu comme des jumeaux et pas comme des frères. On s’est crée un monde, toi et moi, et on a éliminé tout ce qui pouvait en perturber l’équilibre. Ce monde… notre monde, n’existe plus, en tout cas, pas sous sa forme originelle. Si je veux continuer à vivre, je vais devoir trouver un nouvel équilibre, et l’aide dont j’ai vraiment besoin. Il faudrait presque que je dresse une liste de personnes susceptibles de me faire oublier ton absence, mais ce serait vulgaire, grossier, calculateur… et surtout inutile.
J’ai bien deux ou trois amis, et de toute façon tu les connais tous… des copains, il en reste peu. Dans la famille… peut-être Kelig ou Jean-Baptiste, mais ce ne serait pas pareil de toute façon. Notre complicité n’aura jamais d’égale, je ne retrouverai que des ersatz, des substituts, sur lesquels je chercherais certainement à calquer ce que nous avons vécu ensemble.
On n’a pas été très prudents toi et moi. A trop nous croire invulnérables, regarde ce qui nous arrive…
Si tu étais encore là, tu me dirais que j’ai encore Benjamin… et là, je te répondrais que ce serait malhonnête d’essayer de lui faire prendre ta place… pour ne pas dire malsain. Je ne sais pas si son amour pour moi va durer longtemps. De mon côté, je n’ai aucun doute sur la profondeur des sentiments que j’éprouve pour lui… S’il doit y avoir danger, il ne viendra pas de moi.
Vendredi matin ce sera la fin Fanou… ou peut-être le début selon le côté où l’on se place. J’ai en main la toute première pièce du puzzle. Je vais rassembler les autres petit à petit.
J’ai décidé de ne pas prendre la voiture pour aller jusqu’aux Pompes Funèbres. De toute façon, c’est quasiment impossible de trouver une place dans le quartier. Et puis ça va me faire du bien de marcher. Je prends mon temps pour remonter la vieille ville. Je m’attarde devant les vitrines des librairies et du magasin de disques. Je m’achète de l’encens indien dans la boutique d’ésotérisme, je regarde les livres sur le Feng Shui… dans quelques jours, ça va être l’anniversaire de Benjamin.
Ce soir en rentrant, si je ne suis pas trop fatigué, je ferais brûler un bâton d’encens et j’irai me fumer une clope sur le balcon avant d’aller me coucher. J’espère que je pourrai compter sur la chaleur du corps de Benjamin cette nuit.
Je suis presque arrivé dans le petit parc qui longe le Palais de Justice. Ta connasse a dû retourner bosser. Je vois sa vilaine Clio garée sur le parking. Dis donc, tu vas avoir de la « chanche »… Nadège pourra venir te voir tous les jours après le boulot. « Oh mon Chtéphane, chi tu chavais comme tu me manques…. »
Je n’avais pas encore réalisé que la fenêtre de ma chambre donnait sur une partie du cimetière. Si ça se trouve, je pourrais te voir moi aussi, et comme ça, je te dirai bonne nuit, comme quand on dormait dans la même chambre, gamins…
Le cimetière est bien situé quand même… Bien exposé au soleil avec vue sur la mer. Tu vas être bien là…
Nouvelle épreuve : les Pompes Funèbres. Je sens que ça ne va pas être du gâteau avec le mec que j’ai devant moi. Je ne suis pas tout à fait sûr, je crois que c’est Gilles Le Dantec. Tu t’en rappelles de lui ? Il était au lycée avec nous. Il avait des boutons plein la gueule et des grosses lèvres bien lippues… Si ce n’est pas lui, en tout cas ce gars lui ressemble beaucoup.
Tu sais que j’ai l’air malin avec ma liste d’instructions ? J’ai l’impression de faire mes courses.
Donc, je résume, tu veux un caveau de deux places – on va dire que la seconde sera pour moi, hein… – car tu ne souhaites pas être enterré à même le sol. Tout le monde sait que tu n’as pas envie que la charogne te bouffe. Tu nous l’as assez dit…
Pour le cercueil, là aussi tes consignes sont très précises : du chêne massif avec un léger vernis et un capiton blanc à l’intérieur. Tu n’as pas indiqué si tu souhaitais de la soie ou du satin… Le monsieur me le demande… Vu le prix du capiton, tu ne m’en voudras pas si je me contente de satin.
Par curiosité, je regarde sur ses catalogues de cercueils (J’hallucine complètement d’ailleurs. Je ne savais même pas que ça pouvait exister des catalogues de cercueils… Tu imagines un magazine qui s’appellerait Cercueil Magazine ? Ou alors, Le Monde du Cercueil ? Le pire c’est que je suis sûr qu’il y aurait un lectorat et des abonnés) pour voir à quoi tu as échappé si ton parrain avait acheté le tien… Ben le plus cher de tous vaut son pesant d’or : tout en bois blanc laqué, avec des dorures sur les poignées et sur le couvercle, plein d’entrelacs partout. Tu aurais adoré je crois.
Autant il faisait frais à la mairie, autant j’ai l’impression d’étouffer ici. Le type en face de moi est engoncé dans une espèce de costume de laine, et je souffre pour lui. Je n’aime pas le ton qu’il prend avec moi : mielleux, obséquieux, avec une pointe de culpabilité à la fin de ses questions…
- Désirez-vous prendre un coussin brodé pour que reposent les mains de votre frère ?
Sous entendu, est-ce que tu es assez rat pour ne pas faire ce cadeau précieux pour ton défunt frangin ?
Quand ce n’est pas un coussin, ce sont des poignées dorées sur le cercueil… Honnêtement pour ce que ça va nous servir, je ne vois pas l’intérêt. Là, il attaque sur les plaques mortuaires… avec ou sans photo ? Marbre blanc ou marbre noir ? Gravures dorées ou classique ?… Franchement je trouve ça pitoyable de profiter de la peine des gens pour se faire du fric. Il te faut ce qu’il y a de mieux pour ton repos éternel… C’est le monsieur qui le dit.
Maintenant, quand il me parle de toi, il utilise ton prénom, comme s’il était devenu un intime, un membre du cercle.
- Je vais être très clair, monsieur. Mon frère, Stéphane comme vous le dites si bien, m’a laissé des instructions très précises sur ce qu’il désirait. On va se contenter de les respecter sans rien rajouter, d’accord. Il a aussi laissé le texte de l’avis de décès et on n’en changera pas une ligne… C’est bon ? Sinon la mairie a fixé la date et l’heure des funérailles, donc à ce niveau là je compte sur vous pour que tout soit prêt pour vendredi 11h45.
Il acquiesce sans rien dire, l’air pincé et vexé quand même, et il me demande si je connais l’emplacement de la concession. Il sort une photocopie du plan du cimetière, et il entoure en rouge l’endroit où se trouvera ta tombe. Le code que m’a donné l’employée de mairie tout à l’heure prend enfin un sens pour moi.
Dis donc, tu vas en avoir de la chance, car tu vas être enterré dans le nouveau carré du cimetière, tout en haut, avec une bonne exposition au soleil et la vue sur la mer. On dirait qu’il essaie de me vendre un appartement sur la côte…
Il sort sa calculette, ajoute la TVA sur la dernière ligne et en même temps qu’il me tend la facture pour tous les frais, il fixe rendez-vous avec le prêtre de l’église Saint Mathieu. C’est un bon choix, car c’est ici qu’on nous a baptisés tous les deux. La boucle sera bouclée…
Je vois le prêtre à 16 heures… Ça me laisse 45 minutes pour aller me balader dans le quartier. Je pourrais remonter chez moi, mais j’avoue ne pas trop en avoir envie. Je préfère profiter du soleil.
Ca fait longtemps que je ne suis pas rentré dans ce cimetière. Et pourtant, nos grands-parents sont enterrés là, mais je ne vais presque jamais les voir. J’ai un peu honte quand même de me recueillir aujourd’hui sur leur tombe. C’est limite opportuniste. Pourtant je pense souvent à eux, mais je préfère me souvenir de leur présence, plutôt que de me recueillir devant une stèle de marbre et de pierre. Je m’arrête maintenant devant ce qui sera dans quelques jours ce que l’on appelle pudiquement ta « dernière demeure ». C’est vrai qu’il n’avait pas tort le mec des pompes funèbres, l’emplacement est joli, pas très loin du columbarium, avec des cyprès tout autour, et une bonne exposition à l’ouest. Tu verras le soleil se coucher tous les soirs maintenant… Ça te manquait tellement depuis que tu avais déménagé. Je me retourne pour regarder en direction de mes fenêtres. J’avais raison, je verrai ta tombe de ma chambre. Comme ça je pourrai te faire « coucou » matin et soir.
J’entre dans l’église. Il fait sombre, il fait froid et ça pue le moisi et l’encaustique. Je ne sais pas pourquoi toutes les églises sentent pareil. Je remonte jusqu’à l’autel de marbre blanc, avec un pupitre à côté. Je me place derrière pour avoir une vue d’ensemble sur toute l’église. Il faut que je m’y habitue, car c’est sûrement de là que je vais lire le texte que tu m’as demandé de t’écrire. Le prêtre m’attend sur le pas le la porte qui mène à la crypte. Il a une bonne tête de prêtre avec ses cheveux gris et sa raie sur le côté, et les traditionnelles lunettes avec la monture Sécurité Sociale. Sa voix est basse, presque grave malgré un vibrato très agaçant à chaque fin de phrase. On dirait qu’il bêle.
Je me sens sur mes gardes, car je n’ai pas trop confiance en la religion. Ça m’est très difficile de parler de toi à un étranger, et plus particulièrement quand ce même étranger va raconter ta vie pendant son homélie. Il prend des notes, me pose des questions, consulte un registre pour vérifier la date de ton baptême.
J’ai du mal à croire que tu aies choisi une cérémonie religieuse. J’aurais pensé que tu aurais opté pour quelque chose de plus œcuménique. Je ne te juge pas, je n’en ai pas le droit ; mais connaissant tes convictions, je me permets quand même d’être surpris par cette concession que tu as faite à la famille. Je n’aurais pas une telle déférence le jour de ma mort.
Le prêtre semble surpris que je sois venu seul sans papa et maman, sans ton « conjoint ». Forcément quand je commence à lui parler de toi et de ta liste, il comprend mieux.
Je lui montre le papier sur lequel tu as planifié la cérémonie religieuse… enfin elle n’aura de « religieuse » que le nom et l’endroit où elle va se dérouler, tant tu as éliminé les références à Dieu.
Pas de messe, pas de communion, une seule concession au « Notre Père » pour ne vexer personne et c’est tout.
Trois textes dont un que je devrai écrire, les deux autres étant réservés à Jean-Baptiste et Arnaud. Une cérémonie par thème : l’amitié, la famille et la fraternité.
Interdiction de parler de la mort.
Y a pas à dire, tu pouvais être très chieur quand tu voulais.
En plus, si seulement je savais que tu profites de cette cérémonie… mais je n’en suis même pas sûr.
Le choix musical risque de faire grincer certaines dents, surtout la dernière chanson…
Bien entendu, pour les éventuelles plaintes, j’imagine que c’est vers moi qu’on va se retourner. Tu aurais dû me signer une décharge…
Plus je regarde les listes que tu avais faites, plus je me dis que tu sentais que tu allais partir. J’ai été vraiment aveugle et naïf pour ne pas le voir.
- Mon Père, je ne sais pas comment vous demander ça, et j’espère que je ne serai pas trop maladroit. Quand vous ferez votre homélie, j’aimerais que vous ne disiez pas que c’est Dieu qui a choisi de rappeler mon frère à lui. Stéphane ne l’a peut être pas mentionné dans ses volontés, mais un jour, lors des funérailles d’une amie, il avait été choqué par ce qu’avait dit le prêtre. Notre amie avait trois enfants en bas âge, et votre confrère, a cru bon de préciser que le Seigneur avait décidé de la rappeler auprès de lui, car elle serait plus utile à ses côtes. Je peux vous dire qu’il y a eu un murmure dans l’assistance et que le mari de notre amie n’a pas du tout apprécié ce commentaire. Alors, même si vous le pensez, même si c’est vrai que Dieu a besoin de Stéphane près de lui, je vous prie de ne pas le dire. Et si jamais c’est la vérité, si jamais Dieu m’a enlevé mon frère pour son plaisir égoïste, alors je ferai une demande officielle d’apostasie.
Le prêtre ne répond rien. J’ai l’impression qu’il comprend ma colère. Tous les jours, il doit voir défiler des gens comme moi, qui doivent le saouler avec leurs philippiques et leur colère envers Dieu. Je suis même persuadé qu’il doit parfois aussi douter du bien-fondé de la décision divine. Franchement, il faut avoir une foi inébranlable pour croire au sacré quand on perd un enfant ou un proche de mort violente et brutale. Dans ces cas-là, c’est ma foi en l’homme qui s’ébranle.
Je prends congé du prêtre en lui promettant de repasser au plus vite avec la copie des textes et l’enregistrement des musiques pour la cérémonie. Désolé p’tit frère, mais j’ai dû accepter qu’il choisisse la musique d’entrée dans l’église. Ce sera un morceau de Bach. Après tout ce que tu lui as imposé à ce pauvre prêtre, il fallait bien faire quelques concessions.
L’après-midi est presque terminée déjà et pourtant, j’ai encore pas mal de choses à faire, de personnes à voir. Je ne sais pas si je vais tout pouvoir caser aujourd’hui. Je refais le trajet inverse pour revenir à la voiture. Je m’assois quand même quelques minutes sur un banc dans le parc pour souffler un peu. Ca fait du bien un peu d’air frais. J’appelle à la maison et maman me répond.
- Maman ? C’est Raphaël. J’appelle juste deux minutes car il faut que j’aille récupérer les affaires de Fanou à son bureau. Je suis déjà passé à la mairie, aux pompes funèbres et à l’église. La cérémonie religieuse aura lieu vendredi matin à 10h30 à l’église Saint Mathieu, et à 11h45 au cimetière pour l’enterrement. Je vous en dirai plus ce soir. Sinon, tout se passe bien à la maison? Y a du monde qui est venu vous voir ?
- Ton oncle et ta tante sont toujours là et les vautours sont déjà arrivés.
- Les vautours ? C'est-à-dire ?
- Toujours les mêmes… La famille qui ne sort de chez elle que lorsqu’il y a des morts. Essaie de faire vite quand même. Ton père est aux abonnés absents, et c’est moi qui dois assurer la conversation avec ses cousins…
- Ok, je vais faire de mon mieux maman. Tiens bon jusqu’à mon retour. A tout à l’heure. Je vous embrasse tous les deux.
- Nous aussi on t’embrasse Raphaël. Sois prudent sur la route…
Je passe devant la boulangerie où maman nous achetait notre goûter quand on revenait de l’école. Tu te rends compte, ce sont toujours les mêmes propriétaires ! Je m’achète un croissant et un pain au chocolat. Je n’ai rien dans le ventre depuis ce matin.
J’espère ne pas tomber sur la sortie des bureaux, sinon je vais mettre une plombe pour rentrer chez moi. Je vais poser tous les papiers qu’on m’a donnés et après je repartirai pour chercher tes affaires. Il fait vraiment beau aujourd’hui. Le soleil tape bien. Je ne te dis pas combien il doit faire à l’intérieur de la voiture… Cette fois, même si je ne le voulais pas, je vais bien être obligé de rouler quelques instants avec les vitres baissées.