C'est ça qu'est triste.

Christophe Hulé

Elle ne savait que faire de son trop plein d'énergie, ce trop plein d'amour pour la vie.

A 22 ans, il faut croire que rien ne l'avait contrariée.

Évidemment, ça ne pouvait qu'agacer ses amies, qui n'étaient pour elle que des copines accessoires.


- Écoute Caroline, tu finiras vieille fille.

- Tu charries un peu, j'ai le temps de voir venir.

- Oui mais les garçons ne sont pas patients, bientôt tu t'en mordras les doigts.

- Les mêmes garçons qui font que vous n'arrêtez pas de geindre à leur sujet, d'ailleurs combien en avez-vous connus, et pour combien de temps, allez les filles qui d'entre vous est vraiment tombée amoureuse ?

- Tu te crois sans doute meilleure que nous ?

- Je n'ai jamais pensé un truc pareil. Je me sens très bien c'est tout, je vis pleinement ma vie.

- C'est bien ce que je disais, et nous on la vit à moitié, peut-être moins que ça à tes yeux.

- Bon, je crois que je vais rentrer plus tôt ce soir, à la prochaine peut-être.


- Allô ma chérie ?

- Salut Maman.

- Tu es où là ?

- Ben je rentre à l'appartement.

- Et tu es toute seule, à cette heure-ci ?

- Écoute Maman, il n'est que 23h.

- Tu sais que ton père et moi, on ne veut que ton bonheur, si tu as des soucis …

- Maman, tu me répètes la même chose à chaque fois, je vais très bien, je suis heureuse, mais j'ai l'impression d'être un alien.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Aïe, ma batterie est en train de lâcher, on se rappelle, dis bonsoir à papa.


- N'est-il pas un peu tard pour une jeune femme comme vous …

- Un peu tard pourquoi ?

- Pour arpenter les trottoirs.

- Je n'« arpente » rien du tout, je rentre chez moi c'est tout, est-ce interdit ?

- Faut voir, moi en tous cas j'ai rien contre, qu'une sale pute de bourgeoise croise mon chemin, putain d'chance !


- Mademoiselle, Mademoiselle, pourriez-vous décrire votre agresseur ?

- Mais vous êtes qui, et je suis où ?

- Vous êtes à l'hôpital, je suis le Médecin Chef de ce service, ces Messieurs sont de la Police.

- Vous permettez …

- Non, cette jeune femme a besoin de repos et de certains, euh, examens, dois-je vous faire un dessin ? Cette victime a peut-être, enfin sans doute été …

- La victime « présumée ».

- Bien entendu, elle s'est fendu les lèvres et infligé des bleus sur tout le corps, bonne chance à vous pour trouver le mobile !

Allez Messieurs, je ne vous raccompagne pas, d'ailleurs inutile de l'interroger, elle ne se souvient de rien.


- Ma chérie, tu ne viens plus nous voir et c'est toujours moi qui appelle.

Tes amies, qu'au passage tu ne voies plus, me disent que tu as abandonné tes études, et qu'est-ce que tu vas devenir ?

- Maman s'il te plaît, ne m'appelle plus, désolé mais …

- Tu as un problème de batterie, je sais ma fille.

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