C'était nous, c'était toi, c'est nous
Al'
Nous deux, c'était bien, tellement bien. Je me souviens de nous deux, petites, riant comme des folles, pour une partie de chatouilles ou de cache-cache. Je me souviens de nos disputes, de nos larmes, puis de nos réconciliations. Des souvenirs en fleur, des souvenirs de douleur, des souvenirs en veux-tu en voilà.
Puis tout s'est obscurci. Puis tout s'est presque éteint. J'étais dans ma bulle, tu avais la tienne. Nous parlions de moins en moins. Je vivais mon adolescence, jeune fille, bourgeon timide et pas très joli qui s'ouvre peu à peu. Quant à toi, plante en effervescence et prête à éclore, tu prenais ton temps, sans impatience. Tu ne voulais pas grandir, disais-tu, tu voulais rester dans l'idéalisation des parents, tu ne voulais pas vieillir, tu voulais pas découvrir la vie, et combien elle peut être jolie, quand elle veut. Tu voulais pas de tout ça, tu voulais te renfermer sur toi-même, dans ton mal-être intérieur, avec la voix dans ta tête qui te disait : "Arrête ! Arrête ! Tu manges trop ! Regarde tes cuisses ! T'as cru que t'allais devenir mannequin avec ça ?".
Puis tu frissonnais et tu mangeais de moins en moins, travaillant plus, toujours plus, t'isolant des autres, le corset dans le dos, le corset à fleur de peau. Et tu devenais château de vent, château de carte, menaçant d'être détruit à tout moment, par des larmes qui venaient brûler, enflammer tes yeux. Tu as fini par ne plus aller au collège, tellement la pression était dure, tellement tu avais l'impression de foncer dans le mur. Tes yeux formaient presque des cristaux de sel, ils n'avaient plus de larmes à te donner, si ce n'est la pluie. Je me souviens qu'il pleuvait souvent, d'une période très sombre... Etait-ce tes larmes que le ciel rejetait ainsi ?
Et moi, et moi, folle de chagrin comme d'amour, je ne voyais rien, dans ma bulle aveugle, dans mon nuage imaginaire. J'étais transportée d'amour, et pas encore redescendue sur terre. Jeune, crédule et insouciante, c'est souvent ce qu'on dit n'est-ce pas ? Eh bien, ça n'a jamais été aussi vrai que pour moi. Je n'ai rien vu, rien entendu, rien du tout ! Tu me disais bien certaines choses, tu sais, mais je ne savais pas, je ne comprenais rien, j'étais ailleurs, tout le temps, intensément, dans mon intérieur.
Puis, tout s'est déclaré, déchaîné, expliqué. Maladie, nutritionniste, psy, médicaments, voyage d'une semaine. Hospitalisation. Mort intérieure. Cet été-là, tout est un peu parti, tout s'est effrité, déchiré, parti en fumée. Tout mon petit monde était chamboulé, j'étais paumée et malheureuse. Tu m'as manquée, tu sais, comme si une partie de moi s'était volatilisée et qu'on devait tous se battre pour la récupérer. Chaque fois que j'entendais des mots qui se rapportaient à toi d'une quelconque façon, je devais tout faire pour me retenir de baisser les armes, de laisser tomber le masque et de pleurer. Disputes, fratrie, sœur, Carmen, famille, manque, désespérée. Sœur. Manque. Pleurs.
On t'a attendue, tout l'été, on t'attendait encore à la rentrée. Tu te battais avec tes démons pour nous revoir, pour sentir notre présence. Puis le lycée a repris pour moi, je n'allais pas bien, je m'inquiétais, j'étais sûre de rien, je voyais tout en noir. La routine a repris pour tout le monde. Chaque seconde du jeudi, j'espérais, nous espérions. Chaque seconde était comme une interminable attente, longue de plusieurs milliers d'années. Le temps passait doucement, il était insoutenable, impérissable, incalculable, à faire pleurer un mur, à frapper tout ce qui bouge pour oublier ces blessures.
J'étais triste ou en colère, à faire trembler la stratosphère. J'valsais dans pleins d'émotions différentes, du matin au soir, dans la nuit, dans le jardin, sous la pluie ou dans le miroir. J'arrivais pas à me concentrer et on aurait dit qu'on avait écrit "MALHEUREUSE" sur ma tête, parce qu'apparemment, ça se voyait que tout allait de traviole. J'étais beaucoup en conflit avec mon frère, on s'engueulait, pour un oui, pour un non. Il nous manquait quelqu'un pour nous calmer tous les deux. Il nous manquait toi, notre équilibre à tous. Il nous manquait toi. Chaque fois que les nouvelles étaient bonnes, chaque fois qu'on se rapprochait du but, j'étais de bonne humeur. Puis chaque fois que tu retombais, c'était à nouveau le tremblement de terre. Je me souviens de ces soirs que je passais à réviser en tremblant de larmes que je ne voulais pas laisser couler, avant d'être dans le noir de la nuit. C'est connu, tout le monde pleure un jour ou l'autre, dans l'ombre de la lune, tout le monde laisse échapper son désespoir d'être en vie, à un moment de solitude. Et je ne faisais sûrement pas exception.
SI tu ne veux pas que la vie t'écrase, profite de ta rage pour te construire. Je dis pas que c'est facile mais par expérience c'est ce que j'ai fait, ou continu de faire.. Ceci en passant, beau texte.
· Il y a presque 11 ans ·P'tit Clem
Tous les jours que je vis sont un défi constant à la vie. C'est dur mais on tient. Courage à toi. Et merci ! :)
· Il y a presque 11 ans ·Al'
*en larmes* tellement triste
· Il y a presque 11 ans ·Cédric Schuld
Pleure pas grand frère... <3
· Il y a presque 11 ans ·Al'
c'est triste ptite soeur <3
· Il y a presque 11 ans ·Cédric Schuld
Oui, mais bon... <3
· Il y a presque 11 ans ·Al'