Cette fois il n'y avait pas de fumée

Cette fois il n'y avait pas de fumée

Je suis venue vous raconter l'histoire d'une fille qui ne cesse de rêvasser à chaque fois quand elle sort de sa maison. Mais c'est en noir et blanc ces scénarios, jamais en couleurs. On ne voit jamais les plis d'un visage en implorant un sourire, seulement en coulant des larmes, ou en laissant passer un cri. Vous ne comprenez toujours pas? Alors je vous donne quelques exemples: 

Un - Elle est allée au cinéma avec sa mère, elles sont entrées dans la salle, très bien installées, il reste dix minutes avant le commencement du film. Alors elle décide d'aller apporter du popcorn. Elle sort de la salle et là, commence le premier scénario: elle demande au marchand de lui vendre un petit paquet de popcorn, mais tout s'arrête lorsqu'elle entend un bruit très fort, elle voit de la fumée, elle entend des cris, des pleurs, et quelques personnes courent vers le téléphone…Elle se précipite vers la salle mais on l'attrape, on la pousse loin… "J'espère que le film vous plaira, mademoiselle". L'homme lui donne le popcorn en lui souriant, elle le prend, se retourne vers la salle et s'en va… 

Deux- "Notre groupe de musique préféré viendra à notre ville cette fin de semaine, tu viens?". Tout s'arrête…elle va à la fête, bien habillée, un maquillage parfait qui montre les traits les plus beaux de son visage. Elle rentre avec ses amis, le groupe arrive sur scène et ça commence, tout le monde danse et chante toutes les paroles connues par cœur, mais une minute après tout est arrêté, il n'y a que la fumée, la même fumée, les mêmes cris, les mêmes… "Alors, tu viens? Allo!" – Non, je ne crois pas que j'aurai le temps, j'ai des trucs à faire…" 

Trois – Elle marche avec son copain qui la tient par la main gauche alors qu'elle tient la fleur qu'il lui a donnée dans la main droite. Tout s'arrête…Mais cette fois-ci pas de bruit, pas de cri, pas de fumée, seulement son copain qui s'arrête en s'appuyant très fort sur sa main, elle le regarde sans comprendre ce qui se passe. Il touche sa chemise en ayant des yeux perdus, elle regarde, elle commence à avoir des larmes, elle met sa main sur le cœur de son copain, elle pousse très fort, mais c'est inutile, le sang continue à couler, cette fois ci, c'est elle qui pousse ce cri plein de chagrin, mais il n'y a pas de fumée cette fois ci…elle attend que ça revienne, qu'elle se réveille, qu'elle se rende compte que c'était un scénario comme les autres, mais son copain est déjà par terre. Un homme appelle les secours.  Sa main est toujours dans un combat contre le sang qui coule malgré tout. L'ambulance arrive… 

Ce ne sont pas des scénarios, c'est la peur que ça lui arrive comme c'est arrivé aux autres, parce que ce n'est plus impossible, ce n'est plus dans les films…On regarde les nouvelles, on a pitié des pays ciblés par le terrorisme, mais on ne sait jamais comment est la vie dans ces pays, comment on vit, comment on respire chaque jour, comment…
Elle est à l'hôpital maintenant, elle a du sang partout, mais elle garde toujours la fleur dans sa main.
Elle attend, elle essaye de s'imaginer un scénario, mais cette fois-ci en couleur, dans lequel son copain sort avec un sourire et non pas un cri… Elle attend, elle se force à imaginer, elle attend, elle attend… 

Nancy - 24/03/2014