Cette nuit-là, je suis morte

Ma vision du monde, des autres et de moi-même avait changé : elle s'était assombrie. Ma belle après-midi d'été s'était voilée de nuages redoutables que je m'étais jusqu'alors refusés de voir. Une illusion véridique, insensée et menaçante était devenue ma réalité, à laquelle je finirai par adhérer complètement, sans plus la soumettre à quelconque remise en question –ironiquement, moi qui doutais toujours sur tout. Et ceci dura des années.

A vrai dire, cela avait commencé bien avant ce bad trip, mais le travail se faisait en souterrain, à bas bruits, en des proportions de perturbations encore gérables. Des schémas de pensées, des croyances, des dogmes qui me faisaient souffrir rodaient déjà dans le bureau de la conception de ma bible personnelle rigide, et avaient pour vocation de me protéger du mouvement imprévisible de la Création et de ses heurts.

La vie ne pouvait plus être, car la mort s'était montrée. Plus rien n'avait de sens. J'avais pénétré dans un monde indéchiffrable, à première vue, et pourtant lourd de sens. Ma vision était devenue opaque à la réalité, rien ne pouvait la corriger. Tout convergeait pour confirmer ces illusions destructrices et effrayantes.