Chacun s'accroît
absolu
Comment libérer quelque chose qui s’accroche aux viscères, qui fait mal si on essaie de l’enlever, qui amenuise au fil du temps votre aptitude à vous adapter. Ou alors c’est le vide. Vous avez beau chercher quelque chose, un repère, un mode d’emploi, non, y a rien. Quand on se réveille, on hésite à se lever, on sommeille, on hésite à se rendormir. On se dit qu’il faut se lever, mais pourquoi faire, et pourquoi est-ce obligatoire, conventionné. Et après.. que je me lève à 10h ou à midi. Ça gênera qui, ça changera quoi. Au bout d’une heure, on se lève, un peu par la force des choses. Parce qu’il faut bien se nourrir. Parce qu’il faut se laver, ne pas se laisser aller, et si jamais quelqu’un venait. Une fois les gestes quotidiens effectués, non sans une certaine difficulté - une douche éprouvante au point de s’asseoir dans la cabine, et laisser l’eau heurter votre nuque d’un rythme régulier, apaisant, consolant, presque aimant ; laisser l’eau glisser ensuite sur le dos, sur le ventre, malgré les jambes repliées.. fermer les yeux, laisser couler l’artificielle cascade - laisser tomber la façade, perdre la face, face à soi-même, ne plus se mentir, ne plus mentir à son corps, en manque de caresses, ne plus mentir à son cœur passionné en détresse, faute de pouvoir se livrer, sur un plateau, se délivrer de son fardeau.
Ma croix n’est pas si lourde, je suis en bonne santé, je peux la porter. Je peux même acheter (enfin pas en ce moment) un vernis, pour la protéger des intempéries. Je peux la poser dans l’entrée, une fois chez moi. Et la reprendre seulement le lendemain. C’est bizarre, quand je ne la porte pas elle me paraît plus imposante. Ce n’est peut-être qu’une illusion, un effet d’optique. C’est sûrement dû à l’espace plus réduit que le reste de la journée.
Elle doit être ainsi tout le jour, mais je ne m’en aperçois qu’au bout d’un certain temps, un certain soir, ou l’obscurité me paraît plus noire, quand je réalise que si beaucoup de gens m’aiment et ont confiance en moi, personne ne me le dit le matin en guise de bonjour. Oh je sais bien que ce ne sont que des mots, mais c’est ce qui me manque à moi, une autre voix que la mienne, que celles de la télé. Un autre regard que celui que je laisse traîner dans le miroir de la salle de bains, le matin, enfin, je ne sais plus bien…