Chaloupe, mon amour
Eric Rktn
Dans le silence d'une pièce insonorisée qui étouffait les cris extérieurs, Anna mis en branle son vieux gramophone.
"Du jazz mon amour, chaloupe et déhanche de gauche à droite, comme ça. Ne te presse pas, laisse ce balancier humain se mouvoir sur les ondes synthétiques, et dépose à l'entrée cet air de drama porté en bandoulière qui pèse sur tes épaules, laisse. Hoche, vacille et roule ton regard dans le vide de tes yeux fermés, voilà. Cette saturation c'est l'overdrive à l'extérieur grinçant, hystérique, et doucement, insidieusement, il longe le sillon de tes oreilles, à rebours du temps, par à-coups anti-cardiaques pour mieux surprendre, et dans la micro seconde de silence, un instant se suspendre. Ton souffle retenu comme plongé sous l'eau, sans l'oppression de la gravité ça y est, tu ronronnes et fixes tes pupilles sur l'horizon lointain, transperçant les couches de chairs lasses et obstacles de noirs matériels dressés entre toi et l'Univers, tu vois ? Les vertiges visionnaires et la mue immobile brillent troubles, oublie les voix qui virevoltent autour. Là, cherche l'abri où te lover, au creux d'un ventilateur pourquoi pas. Sens la fraicheur de l'air transporté se mêlant à la moiteur de tes expirations ralenties et ses atomes qui s'entrecroisent, se lient et s'enlacent en une longueur d'onde unique, on ne badine plus sur ce dancing des sens exacerbés. La nuit obscure assombrit nos jours et toi tu restes douce sous les caresses, c'est ça.
Gentil le chat, gentil et sage.