Chapitre 1 partie 1

Sergueï Bonal

Ivan

 

Saint Pétersbourg

 de nos jours

  

Ses idées étaient encore confuses, le corps toujours endolori, il se levait péniblement en trainant le pied pour se rendre jusqu'à la cuisine. Son téléphone croulait sous les sms qui restaient en attente. Ivan Krauss n'était pas de ceux qui aimer respecter les règles. Il s'agissait plus d'un électron libre détruisant tout sur son passage. Il se fiait en règle générale plus à son instinct qu'aux protocoles. Cela devait faire plus de quinze ans qu'il travaillait pour la police de Saint-Pétersbourg. Il était connu sous le sinistre surnom : Le faucheur ! Il ne lui fallait pas plus de soixante-douze heures pour tirer sur un suspect et l'abattre en clamant la légitime défense. Même s'il était doté d'un instinct infaillible, il avait cependant un problème avec l'autorité. Malheureusement il l'aura payé en faisant un tour au bloc opératoire afin d'extraire deux balles dont une qui frôla son crâne de justesse. Les premières lueurs du jour coloraient de rose et d'orangé, les arbres sveltes qui se dressaient dans l'immense jardin qui se trouvait derrière la maison. N'ayant pas la main verte et le temps nécessaire pour l'entretenir, il laissait à l'abandon son terrain qui avec de l'énergie pourrait être magnifique. A l'image du jardin, l'intérieur de la maison était sensiblement identique, une vieille tapisserie recouvrait les murs donnant un aspect sinistre et oppressant. Il s'agissait de l'ancienne maison de ses parents  cédé après leur mort en guise d'héritage. Tout était d'origine, un vieux fauteuil, une pâle copie d'un Chesterfield trainait dans un coin de pièce. Avec le temps, une bonne partie du cuir s'arrachait laissant apparaitre la chaire des coussins. Célibataire endurci il pouvait se permettre de laisser des cadavres de bouteille trainer, ainsi que des cartons de pizza pourrir sur le coin d'une table. Il y passait tellement peu de temps qu'il avait autre chose à penser. Sa seule occupation, son seul objectif dans la vie n'était autre que son travail. Il vouait son corps et on esprit à la police, a l'origine par choix, s'en était devenu presque une drogue. Il aimait la sensation qu'apportait d'attraper un criminel, cette étrange et terrible ressentiment qu'il l'animait depuis tant d'année. Quand il lui arrivait d'appuyer sur la détente, il ne ressentait pas de peine ou un profond malaise, mais une certaine fierté d'avoir accompli son devoir. Il n'avait plus que son insigne dans la vie et une vieille perruche en guise de compagnie.

—Salut Jack ! Comment vas-tu ce matin ? demanda-t-il d'une voix pâteuse en lui donnant quelques gaines.

Jack tout comme son maître n'était pas beau à voir, le plumage terni et sal, il était évident qu'Ivan n'en prenait pas grand soin. Il n'arrivait pas à prendre soin de lui, sombrant dans l'alcoolisme, il n'avait personne pour l'aider, hormis quelques collègues soucieux de son bien-être, mais ils se faisaient rares.

Son téléphone sonna à nouveau, un peu plus réveillé, il décrocha d'une main fébrile et engloutissant son reste de café à la vodka.

—Krauss j'écoute !

— Ici Dimitri, bouge-toi, tu es attendu au poste et rafraichis-toi la gueule ! J'en ai marre de voir un cadavre ambulent !

Sans attendre, il s'exécuta, il ne voulait pas faire attendre Dimitri qui ne supportait pas d'être contredit et encore moins pris pour un imbécile. Il aimait que les choses aillent dans son sens, il détestait la contrariété et la frustration. Une fois arrivé au poste, Ivan comme chaque matin prenait une minute pour fixer l'immense place à l'allure de monument au mort. Et pour cause, de haut murs gardaient la place, sur certains, des noms d'agents avec la date de naissance et de mort. Ils servaient de plaque commémorative pour rendre hommage aux collègues disparus en service. Ivan y trouvait un aspect reposant, libérateur. Il s'imaginait souvent voir son nom sur un de ses murs, en pierre grise, pâle et sinistres. Il l'espérait intérieurement pouvoir se retrouver sur un de ces murs, immortalisé, loin de cette souffrance incessante. Alors qu'il fixait un mur en particulier, un homme les mains chargé de cartons s'avança près de lui. Il était en sueur, tremblant, aux yeux d'Ivan il paraissait louche. Il était petit et trapu, une longue veste verte le recouvrait presque totalement, une capuche protégeait le sommet de son crâne dégoulinant de sueur. Ivan trop préoccupé à lire les nom de ses anciens collègue, qu'il le connaissait pas intimement, mais de nom, ne remarqua le pauvre que quand celui-ci laissa échapper un son horrible.

—Pitié ! Aidez-moi !

La voix était presque noyée de pleur entremêlé de peur et d'épuisement.

—Que ce passe-t-il, que puis-je pour vous ? interrogea Ivan sans conviction, mais plus par réflexe, tic verbale lié à sa fonction.

—C'est mon fils, il a été retrouvé mort et les conditions sont très étranges.

Ivan le regard mort, épuisé par le manque de sommeil montra la porte d'entrée sans prêter attention au pauvre homme en détresse. Suis l'effet du stress et de la fatigue à chercher des indices sur la mort suspect de son fils, le petit homme laissa &échapper ses cartons.

—Il a été assassiné, sauvagement massacré. Et la police n'a jamais retrouvé le coupable. Et je cherche toujours, pour dormir en paix.

Sa voix était noyée de pleur, tremblante, Ivan était en face d'un homme à bout de force, brisé qui n'avait plus rien hormis que des papiers qui servait de prison pour son esprit torturé. Il vivait depuis toutes ses années dans le passé, dans l'attente hypnotique d'une réponse, mais en vain.

—Monsieur, mes collègues vont vous aider ! Quand a eu lieu le meurtre ? L'affaire est en cours ?

Encore une fois, il avait un ton détaché, presque méprisant. Il restait impassible face à la détresse de cet homme, il fumait paisiblement sa cigarette. Voyant qu'Ivan ne réagissait pas, le père endeuillé attrapa une photo du cadavre de son fils.

—C'est mon Garry chéri, mon fils unique, massacré. L'assassin lui a enlevé la peau. Comment peut-on faire une chose pareille ?

Ivan attrapa la photo et regarda l'année affiché au dos. Il la tendit d'un geste brusque.

—Monsieur, l'affaire est classée depuis ! Trop vieux ! Je ne peux rien faire pour vous. Elle a dû être classé sans suite, pour faute de preuve.

Le visage du père, le teint blafard s'empourpra. Il s'avança vers Ivan qui se montra méfiant, la main sur son arme de service.

—Vous êtes comme les autres, persuadé que je suis fou, mais tout est dans ces cartons. Un assassin, un psychopathe est toujours en liberté et tout le monde s'en fout. Vous n'avez pas d'enfant je suppose !

Il prit un ton plus agressif, Ivan recula d'un pas et sortir son arme.

—Monsieur je vous demanderais de vous calmer et de partir immédiatement.

Celui-ci n'en fit rien, il attrapa un bocal contenant un liquide étrange, mais avant qu'Ivan ne comprenne ce qu'il y avait dedans, l'homme prit feu en projetant le bocal à ses pieds. Les cris résonnaient avec l'effet d'écho du à la hauteur des murs. Ivan immobile fixait la torche humaine courir dans tous les sens jusqu'à s'immobiliser au sol, mort carbonisé. Une dizaine d'agent sortir dans la cour, fixant le corps calciné.

—C'est quoi ce bordel ! vociféra Dimitri. Vous avez foutu quoi Krauss ?

—Absolument rien. Il s'est immolé tout seul ! Il voulait que je traite une affaire, je ne sais quoi et soudainement il a sortir un bocal et c'est mis le feu. Je n'ai pas eu le temps de réagir.

La journée commençait mal, Ivan regrettait déjà de s'être levé. Tous les autres agents le fixaient avec un regard mauvais, soupçonneux. A ses pieds une photo du fils de la victime, la peau arrachée et une inscription gravé sur la chair. Il regroupa tous les papiers et entra dans le poste de police. Même s'il était persuadé qu'il n'allait pas résoudre cette enquête, il y jetterait néanmoins un œil dessus, par respect pour ce pauvre homme gisant dans la cours. 


 

Guenadi

 

Saint Pétersbourg

(Saint Pétersbourg),

 

             

Il ne s'était jamais demandé comment il était arrivé dans ce lieu sinistre, ni pourquoi d'ailleurs. Il n'avait connu que les murs sombre et oppressant de l'orphelinat Opatov qui se trouvait dans la banlieue de de Saint Pétersbourg. Il venait d'avoir six ans et comme beaucoup d'enfant de son âge, il commençait à se poser des questions existentielles, comme par exemple qui il était, d'où venait-il et surtout, pourquoi a-t-il écoué ici ? Hélas, il avait beau retourner les questions dans tous les sens dans sa petite tête, il n'en trouvait jamais les réponses Ne connaissait pas les mots abandons, orphelin et amour, il se disait surement que la vie l'avait envoyé ici sans réel motif jusqu'à tel point qu'il ce persuada un jour qu'il n'existait pas. Tout enfant avait fatalement des parents, une famille, mais pas lui et ses camarades, alors il était naturel qu'il n'existait pas qu'il n'était rien, hormis le fruit d'un éventuel dommage collatéral. A ses yeux la vie, sa vie n'avait pas de sens. Alors que la pendule murale annonçait six heures du matin, Guenadi, préposé au ménage longeait les longs couloirs sans fin et sinistre de l'orphelinat pensant qu'un jour il en sortirait avec une famille. Mais plus les jours, les semaines passaient et plus cette idée saugrenue cet infime espoir s'était volatilisé, ne laissant qu'aigreur et désespoir, presque le néant total. Il connaissait que trop bien ce lieu terrible dénué d'amour et de sentiment, il voyait tous les jours ces immenses façades orange, ternis par le temps. Il connaissait le nombre exact de fenêtre, même le nombre de brique qu'il comptait quand il était puni pour aucune raison sauf celle que prétextait Albertovna, l'immonde femme chargé de garder les enfants jusqu'à ce qu'il quitte cet enfer pour un autre, ou pour les plus chanceux, une famille. Il venait d'avoir six ans et malheureusement personne pour le lui souhaiter, sauf sa petite voix intérieure qui lui susurrait du bout des lèvres.

—с днем ​​рождения[1] ! 

N'était pas un être humain, une personne, à quoi bon prendre cette peine ? Comme toute chose dans la vie, l'esprit et le corps d'habitue, Guenadi n'y pensait plus. Pourtant, quand il voyait ses camarades partir les fameux jours de fêtes, un sentiment terrible l'envahissait alors, le plus violent de tous et le plus brutal. Et cette  même question lui revenait en mémoire : pourquoi pas moi ? Les fameux jours de fête, comme Albertovna avait l'habitude de les appeler, n'était autre que le jour des visites des futurs parents. Elle était la seule à le savoir, et jouissait de ce pouvoir, de ce savoir pour torturer ces pauvres âmes perdues. Elle aimait les torturer, les manipuler, que pouvaient-ils bien dire ?

—Si tu ne respectes pas les règles, niet, tu n'iras pas à la fête, tu resteras dans ta chambre.

Mais sans parler de la menace, ne pas être avec ses camarades n'était pas la pire des punitions, le véritable châtiment était plus cruel, jamais il ne serait choisi, jamais il ne pourrait s''extirper de cette prison. Pourtant la réalité était bien différente, noyée sous des procédures administrative, juridique et de long mois de négociation, d'analyse. Pour avoir enfin un nom, des photos et l'autorisation durement gagné pour assister à un face à face. Mais Guenadi et les autres avaient une tout autre perception des choses. Tout en longeant les couloirs aux tapisseries déchirées, il s'était résigné à devoir rester captif de ce monstre qui lui servait de tutrice. Il avait cette certitude et qu'il serait à jamais enfermé entre ses murs. On dit : ce que l'homme ignore ne peut pas lui faire de tore et pourtant, même s'il ne savait pas ce que toute cette cérémonie représentait véritablement, il savait néanmoins qu'elle lui permettrait de s'enfuir. Derrière lui une voix se fit entendre, terrible brutale, dénué de sentiments.

—Toi, avec moi, tu vas commencer dans la grande salle.

Albertovna, grande et élancée paraissait aux yeux de Guenadi pour une géante et pour cause anormalement petit tout lui semblait démesuré. Elle avait un visage fripé et austère, même une vieille religieuse ne saurait exprimer autant de froideur et d'indifférence qu'elle. Qui plus est, son regard sombre n'aidait pas, elle semblait pénétrer la personne qu'elle voyait. Elle avait une mâchoire atypique, pointue et fine. Elle avait les joues creusés, non pas par la vieillesse, mais par la haine, son mépris cette rigidité à tout épreuve. Sans rien ajouter, elle poussa d'un geste brusque le petit garçon aux boucles brunes tremblant de peur. Il en venait après tout ce temps à se demander si tous les enfants étaient traités ainsi.


 

Igor

 

Aurillac

(Aurillac)

 

 

 

Ce matin-là, un vent terrible soufflait sur la capitale du parapluie. Pour ponctuer ce paysage morne et déprimant d'Automne, un brouillard à couper au couteau s'abattait sur la ville. Par chance, les élèves étaient tous enfermés dans leur salle de classe respective. Certains curieux observaient le phénomène d'un œil inquiet, il arrivait régulièrement qu'un épais brouillard s'abatte sur Aurillac, mais jamais comme ce jour-là. La circulation s'en voyait grandement ralenti, toute la ville était paralysée sous l'effet de ce monstre difforme. Par moment on pouvait entrevoir les fin rayons du soleil tentant de poignarder cet ombre vaporeuse. Igor Moindreau, jeune professeur d'histoire se laissait par moment distraire par cet étrange spectacle qui lui rappelait étrangement un livre de Stephen King, The Mist. Il venait tout juste d'avoir trente ans âge décisif dans la vie d'un homme. Il redoutait pardessus tout de vieillir, plus le temps passait, plus il voyait les années défiler à vive allure. Les jours où il était particulièrement déprimé, il disait qu'il était le spectateur de sa propre vie. Le témoin invisible et silencieux de son existence. Marié depuis presque dix ans avec une certaine Floriane il envisageait depuis quelques temps de partir en voyage pour fêter ces quelques années de mariage. A celui qui croiserait leur chemin, ils formaient un couple des plus originaux. En effet, Igor du haut de ses un mètres soixante-huit, passait pour un enfant aux cotés des un mètres quatre-vingt-deux de Floriane. Pourtant, en les regardants biens, il y avait une certaine harmonie, un équilibre parfait. Profondément romantique et sensible, il aimait organiser de petites escapades dans des lieux reculé, sauvage. Cela faisait maintenant quelques mois qu'il organisait un petit voyage, mais il restait encore à définir la destination. Passionné par la culture asiatique et en particulier le japon, il voulait découvrir le pays des Samouraï, ces valeureux guerriers à la droiture sans failles. Il en était fascine depuis son plus jeune âge. Il y retrouvait une certaine tranquillité, un calme profond chez ses gens qui l'impressionnait. Mais Floriane s'était entichée pour les pays de l'Est et tout particulièrement Saint-Pétersbourg. Elle était littéralement tombée amoureuse de la culture slave, de leur mode de vie, leur coutume cette constante mélancolie qu'elle n'arrivait pas à comprendre. Pourtant elle avait de quoi analyser, Igor, et comme son prénom l'indiquait, venait de Russie et plus précisément de Saint-Pétersbourg. Même s'il n'avait plus aucun souvenir de son enfance, elle voulait son histoire. Floriane était psychologue, elle travaillait dans un cabinet spécialisé pour les entreprises. Elle estimait et à juste titre que les travailleurs manquait de suivi. Avec le temps et certains poste, il était important de maintenir un suivi régulier, afin d'éviter des actes terribles et inconsidérés. Son principal patient n'était autre que son mari, elle aimait décortiquer son esprit afin de l'apaiser. Mais Igor ne le  voyait pas du même œil.

Il lui restait encore quelques heures avant les vacances, l'agitation était palpable. Les élèves obnubilés par la fin des cours pensaient plus à ce qu'ils allaient faire durant leur semaine de repos qu'aux cours sur la seconde guerre mondiale, thème préféré d'Igor. Afin de s'éviter une perte de temps inutile, Igor leur passait généralement un film en lien avec son cours pour capter leur attention. Il savait qu'il était inutile de faire cours la dernière heure avant les vacances. Il pourrait, mais il serait contraint de recommencer à la rentrée. Et il ne pouvait se permettre de perdre du temps. Il avait beau être jeune et nouveau dans l'enseignement, comparé à certains de ses collègues, il avait certains principes auquel il ne dérogeait jamais. Quand il disait aux parents d'élèves que leurs enfants auraient leur bac d'histoire, il faisait tout pour respecter sa promesse. Et par chance, il les tenait toujours. Fils d'un père militaire et d'une mère prof, il était habitué à l'ordre et aux règles. Pour lui l'homme se devait de suivre des principes moraux afin de ne pas tomber dans le chaos. Même s'il avait été titularisé trois ans auparavant, cela ne l'empêchait pas de s'être fait une réputation auprès des élèves. Craint de tout le monde, il était inflexible et impartial, alors que pourtant en privé, il était bien différent. En clin à un doute permanant et une anxiété quasi dévorante, il se dominait tant bien quel mal. Par chance,  Floriane l'aidait à se contrôler et aller au-delà de ce mal grandissant. L'horloge murale indiquait qu'il restait plus que dix minutes de cours, enfin pour Igor, de visionnage. Comme à chaque fois, Floriane lui envoyait des messages de soutien.

Reviens-moi vite mon amour, tu me manque.

Par souci de professionnalisme Igor n'y répondait jamais, ou très rarement. Il imposait à ses élèves de garder le téléphone dans leur sac, par respect il se devait de montrer l'exemple.

Une fois que l'alarme retentit, les élèves sans même prendre la peine de saluer Igor foncèrent dans la cours pour expulser leur énergie contenu durant des heures. Un de ses collègues et ami entra timidement.

—Raymond comment vas-tu ? demanda Igor d'une voix calme et enjouée.

—Ma foi, en vacance depuis une heure, je terminais un truc pour la rentrée. Ma femme et moi partons pour Londres voir notre fille Clara elle vient d'accoucher d'une petite fille. Donc je préférais anticiper, nous pensons rentrer juste avant la reprise des cours.

—Tu as raison, moi aussi je pars, avec Floriane nous allons fêter nos quelques années de mariage. Ca va faire depuis le lycée que nous sommes ensemble, alors nous voulions marquer le coup. Mais nous sommes en désaccord sur la destination et nous devons partir bientôt. Je voudrais le Japon, et elle la Russie.

Raymond passa sa main velue et massive dans sa barbe hirsute. Ses petits yeux marron se plissèrent derrière ses lunettes en demi-cercle. Il portait un vieux costume qui devait dater des années soixante-dix, une veste à gros carreaux et un pantalon en tweed. Raymond était prof de philo et de lettre, marié depuis ses vingt et un ans, il aimait donner des conseils à ses plus jeunes collègues et Igor en faisait partit.

—De nos jours, les voyages sont plus accessibles qu'auparavant et pour un bas prix. Vous devriez vous en sortir rapidement dans le choix de la destination.

—Oh ! Oui, toujours. Je vais choisir Saint-Pétersbourg, c'est comme si je découvrais la ville pour la première fois. Je n'ai aucun souvenir de las bas, ça tombe bien, il n'avait pas l'air confiant en le disant.

 Il y avait une pointe de nervosité en pensant à l'idée de devoir y retourner. Comme si quelque chose lui faisait peur. Jamais au grand jamais ses parents ne parlait de son passé, de son enfance, avec le temps il en avait pris l'habitude. Qui plus est, toute sa vie était dans le cantal, à Aurillac, se n'avait plus d'attache en Russie. Pourtant, quand il voyait de reportages, des informations sur Saint-Pétersbourg, il sentait quelque chose au fond de lui, comme un malaise, une douleur qui refaisait surface.


[1] Bon anniversaireÈ

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