Chapitre 1 partie 2
Sergueï Bonal
Alors que la ville s'éveillait lentement, le groupe courait dans les rues de Paris évitant les hommes en costume foncé et aux mines patibulaires. Même s'il ne ressentait rien, il pouvait néanmoins admirer la ville, voir ses immenses bâtiments aux architectures uniques et aux couleurs splendides. Il y avait quelque chose de magique dans cette ville, un aspect intemporel, comme si elle avait su garder cette beauté, cette innocence. Comme si le temps n'avait pas d'emprise sur elle, à jamais elle resterait Paris, ville lumière, phare dans ce monde terrible et cruel. Yvan, premier devant la tour Eiffel, prit soin de ne pas se faire repérer par les soldats qui faisaient régulièrement des rondes autour du monument.
— Venez, ils vont nous voir sinon ! Il faut y être rapidement pour voir le soleil se coucher.
— Tu vas trop vite Yvan, lança Paul loin derrière, essoufflé par la couse.
Sans les attendre, Yvan grimpa sans prendre le temps de vérifier si ses amis suivaient le rythme. Agile comme un singe, il n'avait aucune difficulté à se hisser au plus haut de la tour. Et pour cause, il avait l'habitude de grimper à toute sorte d'édifices. Il aimait être seul, en haut d'un bâtiment et fixer l'horizon. Il rêvait secrètement de partir de Paris pour de plus verts pâturages. Il étouffait dans cette ville grouillant de monde et au bruit assourdissant. Même s'il n'éprouvait rien, ni remords, ni peine, il voulait explorer d'autres endroits, découvrir de nouvelles personnes.
— Que faites-vous ? Vous allez tout louper s'exclama-t-il à mi-chemin.
La ville était splendide, on pouvait contempler tout Paris, Montmartre, l'Arche, et Notre Dame. Le spectacle était époustouflant. Le jour baissait a vue d'œil laissant apparaître entre les nuages gris des teintes orangées, rouges, ne rendant la ville que plus belle. En arrivant enfin au sommet, sur une petite plateforme étroite laissant peu de place pour bouger, Yvan était en admiration. Un rai de lumière transperçait les nuages, ça donnait l'impression d'un être divin descendant sur terre. Comme si une force surnaturelle s'emparait de la ville, Paul et Chloé, bouche bée, fixaient l'horizon sans rien dire. Yvan les regardait, sans comprendre pourquoi ils étaient dans un tel état. Le paysage était certes beau, mais pas au point de ne plus bouger. Il se sentit soudain mis à l'écart. Paul et Chloé, en admiration, partageaient le même sentiment, cet émerveillement, cette joie profonde, réelle. Yvan savait qu'il ne pourrait jamais les comprendre, être véritablement avec eux, qu'une partie de lui n'existait pas. Il voulait ressentir cette émotion puissante, mais il ne pouvait que regarder.
Quelque chose vint capter son attention ; il entendait une musique au loin, une amère mélodie qui le força à se retourner. Paul et Chloé fixaient toujours le paysage sans prêter attention à Yvan qui se trouvait de l'autre côté de la plateforme. Cette mélodie lointaine avait quelque chose d'étrange, il avait l'habitude d'écouter de la musique mais celle-ci, il ne l'avait jamais entendue. Était-il entrain de rêver se demanda-t-il ? Pourtant, il était bien éveillé, debout au sommet de la tour Eiffel. Une voix, comme venue de nulle part, l'appelait.
— Yvan, écoute-moi !
Elle venait de sous ses pieds. Comment était-ce possible ? Il entendait des bruits étranges, qui ne lui rappelaient rien. Ce devait être son imagination se dit-il comme pour s'en convaincre. Un hurlement puissant le fit sursauter. Il vit Paul et Chloé descendre aussi vite qu'ils le pouvaient. Sur la terre ferme, un groupe semblait être en conflit. Yvan, curieux, descendit à son tour. Plus il se rapprochait du sol, plus la musique s'éloignait. Ce qui était certain, il ne rêvait pas, il les avait bien entendues, cette voix et cette musique qui l'appelaient. Alors qu'ils tentaient d'échapper aux soldats, il se fit la promesse de retourner au sommet de la tour pour découvrir d'où provenaient cette musique et surtout cette voix qui semblait le connaître.