Chapitre 10 - Vocation

Romain Lbstrd

Archibald Delavigne est un solitaire pétri d'angoisses vivant dans une routine déprimante. Jusqu'au jour où un mystérieux inconnu lui lègue trois pouvoirs sans aucune raison particulière ...

 

 

 

.10.

Vocation

(jeudi 17 mars)

 

 

 

La matinée pluvieuse et grise du jeudi mina le moral d'Arch dès son réveil. Il ne savait pas pourquoi, mais il ne sentait pas cette journée, il n'avait pas envie d'aller travailler. Il éprouvait une sensation étrange dans le ventre, une chaleur qu'il n'avait jamais ressentie avant. Ses gestes étaient pétris d'impatience et de brusquerie, maladroits. Après son café, il ne put lire une ligne, il avait l'esprit ailleurs. Ses habitudes si confortables lui semblaient soudain futiles, son travail n'était qu'une perte de temps et ses expérimentations de la veille avec le BB l'avaient conforté dans l'idée qu'il y avait un potentiel énorme à ses pouvoirs. Même son petit appartement qu'il affectionnait tant lui paraissait étouffant ce matin. Il fallait qu'il sorte.

Lorsqu'il arriva sur le palier de l'immeuble, il hésita quelques secondes puis s'engagea vers la droite. Il n'allait jamais à droite. C'est à peine s'il se souvenait être allé une seule fois dans cette direction, celle opposée à sa boulangerie, son bus et sa routine.

Dehors, un vent fourbe s'infiltrait sous ses vêtements et le crachin incessant les collait à sa peau. Les murs gris des bâtiments suintaient l'humidité et les trottoirs mal entretenus se gorgeaient d'eau, établissant les prémisses des futures flaques qui enchanteraient les enfants. Quelques arbres épars, complètement dénudés en cette période de l'année, courbaient tristement l'échine en attendant que le soleil revienne leur réchauffer l'écorce. Les rares voitures qui passaient encore roulaient dans un bruit étouffé de pneu humide, transperçant le rideau de pluie à la lueur de leurs phares blafards.

Il découvrait littéralement son quartier, du moins cette partie, se rendant compte au fur et à mesure de ses déambulations qu'avec ses œillères d'asocial, il avait totalement occulté un pan entier de son voisinage. Et la seule variable responsable de ces vingt ans de déni résidait dans le fait que la boulangerie et son arrêt de bus se trouvaient sur sa gauche quand il franchissait le seuil de l'immeuble. Il fit le tour de quelques pâtés de maisons avant de se retrouver devant sa porte, trempé.

 

***

 

Après s'être changé, il redescendit les cinq étages et commença sa journée habituelle. Finalement, marcher lui avait fait du bien, même sous cette grisaille déprimante. Il entamait sa journée un peu plus serein et se surprit à siffloter en dévalant les marches. Si le ciel sombre se faisait toujours morose, le vent était retombé et la pluie avait cessé. Il s'engagea sur la gauche cette fois-ci. Sa bonne humeur se figea d'un coup.

Une fourgonnette de police stationnait devant la boulangerie.

Il pressa le pas, soudain inquiet. Il ne lui semblait pas l'avoir vue lors de sa sortie matinale. Mais il avait été préoccupé, il aurait pu l'ignorer sans faire exprès. Maria avait-elle des soucis ? Lui était-il arrivé quelque chose de grave ? Des morceaux de vitre brisée jonchaient le sol. Jetant un coup d'œil à l'intérieur, il vit une Maria gesticuler face à deux hommes visiblement peu impressionnés par la véhémence de leur interlocutrice. Le premier, un gros bonhomme rougeaud, prenait des notes sur son carnet tandis que l'autre, un grand maigre dont les yeux rapprochés trahissaient une intelligence limitée, parcourait la pièce d'un regard désabusé en mâchouillant son chewing-gum avec la grâce d'un bovin. Une grosse brique orange trônait sur le comptoir, pièce à conviction on ne peut plus évidente dans l'enquête qu'ils s'étaient vus attribuer.

« Nous avons bien pris en compte votre plainte, madame, entendit Arch. Nous vous demandons juste de passer au commissariat faire une déposition.

— Vous n'allez pas me laisser comme ça, fulmina Maria. Je ne peux pas fermer mon commerce pendant toute la procédure et je n'ai pas les moyens de remplacer ma vitrine.

— Et bien, parlez-en à votre assurance. Nous ne pouvons rien faire de plus, désolé. »

Les deux hommes passèrent devant Arch en sortant sans le regarder. Il passa la tête par la porte et se racla la gorge.

« Ah, c'est toi, dit Maria en le voyant. Entre, vas-y. »

Il vit qu'elle avait tourné la tête et que sa voix tremblotante tentait de masquer un sanglot. Il fit comme si de rien n'était et laissa passer quelques secondes avant d'entamer la conversation.

« Que s'est-il passé ?

— Je ne sais pas trop, répondit-elle, les yeux rougis. En arrivant ce matin, à trois heures comme d'habitude, tout était normal. Je suis repartie vers cinq heures et c'est en revenant pour l'ouverture de sept heures que j'ai trouvé ma devanture explosée, mes étals dévastés, mes murs saccagés. J'ai directement appelé la police, mais ces incompétents ne sont arrivés qu'il y a cinq minutes et ils ne sont pas restés bien longtemps, comme tu as pu le voir.

— Effectivement, constata Arch. Tu sais qui aurait pu faire ça ?

— Non, malheureusement, mais si un jour je mets la main dessus, je te jure sur tous les saints que le gaillard passera un mauvais quart d'heure. »

Sa voix s'était remise à trembler et elle semblait au bord des larmes. Arch ne savait pas quoi faire. Sans trop réfléchir, il s'approcha et lui posa une main sur l'épaule. Elle se rua au creux de ses bras et lâcha la bride à ses sanglots. Décontenancé, il resta quelques secondes figé avant de la serrer contre lui. Un léger parfum d'amande se dégageait de ses cheveux. À ce moment précis, il réalisa que dans une situation normale, il aurait voulu que le temps s'arrête, selon l'expression consacrée, afin de profiter de cet instant à fond. Mais alors qu'il avait réellement la capacité de le faire, il considéra que de le vivre pleinement était mille fois plus intense. Quand le tremblement convulsif de ses épaules cessa, Maria se dégagea de son étreinte, presque avec trop de force.

« Je suis désolée, commença-t-elle. D'habitude, je ne me laisse pas aller…

— Tu n'as pas à l'être, répondit Arch, gêné. Si j'étais dans la même situation, je ne saurais pas comment réagir. Je…

— Non, tu ne comprends pas. Cette boulangerie est tout ce qu'il me reste et je n'ai pas les moyens d'avancer les frais pour la vitrine. Mon mari m'a quitté ! Il est parti avec une pouffiasse bien plus jeune que moi. Ce divorce m'a coûté un bras. »

Sa voix s'était remise à trembler, de colère cette fois. Arch se sentait extrêmement mal à l'aise : il détestait que les gens se confient à lui, il ne savait absolument pas comment gérer ce genre de situation. Il avait surtout peur de donner des réponses dépourvues d'empathie et de passer pour un sociopathe. À force de trop tergiverser sur la meilleure attitude à adopter, il finissait généralement par se taire. Il opta tout de même pour une formule de circonstance, bien qu'il n'ait aucun moyen de tenir cet engagement, du moins pécuniaire :

« S'il y a quoique ce soit que je puisse faire…

— T'embête pas avec ça, répondit-elle, ponctuant sa phrase d'un geste d'agacement. C'est à moi de régler mes soucis, je suis suffisamment grande.

— Non, bien sûr, ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin, je sais que… »

Elle se radoucit instantanément en voyant un Arch cramoisi en train de patauger dans la gêne et se fit la réflexion que c'était injuste qu'elle soit si dure avec lui alors qu'il tentait de l'aider.

« Excuse-moi, je suis un peu sur les nerfs. Tu peux faire quelque chose, oui. Invite-moi à prendre un café et paye-moi une cigarette. Les réparateurs m'ont dit qu'ils passaient entre 8h et 18h pour faire leur devis. Précis, hein ? »

Elle pouffa et son visage retrouva l'air juvénile qui le caractérisait. Arch était conquis. Et aussi extrêmement angoissé. Rester assis autour d'un café avec quelqu'un, c'était au-dessus de ses forces en temps normal. Il n'avait pas pratiqué ce genre d'interaction sociale depuis que ses crises avaient commencé et malgré la possibilité de s'échapper à tout moment grâce à ses nouveaux pouvoirs, il appréhendait.

« Ça va ? »

Maria le coupa dans ses pensées. Il se dit qu'il devait vraiment passer pour un étrange bonhomme avec ses absences.

« Oui, oui, désolé, répondit-il.

— Tu sais, je comprends que tu ne veuilles pas, lança-t-elle, soudain mal à l'aise. Tu n'as pas à soutenir une vieille femme malheureuse qui va sûrement passer tout son temps à pleurer sur son sort.

— Ne t'inquiète pas pour ça, tu n'auras pas l'occasion de te plaindre. Je n'ai que vingt minutes à t'accorder avant de partir au travail. »

Sa réplique fit mouche. Maria partit d'un grand rire et le prenant par le bras, l'emmena vers le bar de Martin. Arch n'y était pas retourné depuis les adieux d'André et rechignait intérieurement à y aller, néanmoins il se dit qu'au moins à cette heure-ci, il ne risquait pas d'y croiser un Jean-Lo complètement saoul lui demandant des comptes. Lorsqu'ils entrèrent, quelques clients prenaient leur café ou parcouraient les journaux. Sophie, l'épouse de Martin, une petite femme rondelette et joviale, prenait la relève de son mari du matin jusqu'au midi. Elle s'échinait sur le porte filtre à une cadence industrielle, servant des clients pressés ou des habitués venant lire leur journal. Le bar sentait le grain fraîchement moulu et les rayons de soleil matinaux qui avaient remplacé la pluie battante de l'aube faisaient danser paresseusement la poussière à travers les carreaux épais des vieilles fenêtres. Baigné par cette chaude luminosité, le bois des murs se teintait d'or et de vermeil. On n'entendait que le tintement des cuillères sur les tasses et quelques conversations étouffées. Après avoir redécouvert son quartier, Arch redécouvrait son bistrot, émerveillé. Et mieux encore, il constata que son stress s'était volatilisé.

Ce furent les meilleures vingt minutes de toute sa vie.

 

***

 

Arch avait menti. Il n'avait pas disposé de vingt minutes. En réalité, s'il avait dû prendre le bus pour aller à son travail, il aurait fallu qu'il parte avant la fin de leur conversation dans la boulangerie. Mais ses pouvoirs lui avaient permis de gagner un temps précieux qu'il avait mis à disposition d'une femme tout à fait exceptionnelle. Ils avaient fait plus ample connaissance et bien qu'elle ait monopolisé une grande partie de la conversation, il avait presque réussi à parler un peu de lui. Quant à Maria, toujours sous le choc, elle s'était laissé aller à quelques confessions sur son récent divorce. Cela avait été apparemment très difficile et en y ajoutant les événements de la matinée, elle n'avait pas supporté. Arch se fit la réflexion que Maria ne méritait pas ce qui lui arrivait. En la saluant lorsqu'ils se quittèrent, il se fit la promesse d'investiguer sur le responsable de cette débauche de violence gratuite.

Le soir venu, assis au fond du bus, il trépignait d'impatience. Il attendait de rentrer pour pouvoir commencer son enquête. Si seulement il pouvait éviter le bus en se téléportant, il gagnerait un temps précieux. Cependant, l'ayant déjà fait deux matins, il craignait que malgré sa prudence, il commette une erreur qui le compromettrait. Après le trajet qui lui parut interminable, il grimpa les marches à toute vitesse, s'engouffra dans son appartement en jetant écharpe, gants et manteau sur la table basse avant de prendre place dans son canapé. Il ferma les yeux et posa sa première question au BB : qui avait saccagé la boulangerie de Maria ? La réponse ne se fit pas attendre et laissa Arch coi.

Le type de l'angle de la rue.

Sa photo s'affichait en grand, impossible de se tromper. Une vengeance, donc. Cette raclure de la pire espèce n'avait pas osé revenir s'en prendre à lui et avait préféré la méthode lâche, à l'abri des regards. Notant au passage que la personne qu'il avait affublée intérieurement de tous les adjectifs péjoratifs possibles au cours de sa vie s'appelait en réalité Skander Anjou, Arch préparait la contre-attaque. Il fulminait et se sentait coupable de ce qui était arrivé. Sans lui, Maria ne se serait pas retrouvé dans cette panade. Il avait fait preuve de trop d'orgueil et devait au minimum réparer ses erreurs.

Il demanda plusieurs précisions au BB, qui répondit sans faillir. Où se trouvait-il ? Chez sa mère. Était-il seul ? Oui. Ni une, ni deux, Arch se prépara à se téléporter. Cependant, un détail l'arrêta. Si ce Skander (décidément, les surnoms lui allaient mieux) voyait son visage, il était fort probable que le cercle vicieux de violence ne s'arrête jamais. Il n'allait pas non plus le tuer. Il se rua vers l'unique placard de l'appartement et en sortit son vieux pardessus noir tout élimé. Rabattant le col vers le haut, il cachait une partie de son visage, mais ce n'était pas suffisant. Fouillant dans le bric-à-brac des vieilles affaires d'un carton unique qu'il avait ramené de chez ses parents et qui constituait les seuls souvenirs d'enfance dont il disposait, il tomba sur les lunettes d'aviateur de son grand-père. Le cuir de la lanière craquelé et le cerclage de métal quelque peu rouillé rendaient l'objet un poil délabré, mais les verres teintés dissimulaient son regard. Avec une pointe de nostalgie amusée, il les enfila. Parfait. Il attrapa un vieux t-shirt noir et en découpa une grande bande de tissu pour se constituer un foulard qui masquerait sa bouche. Avant de partir, il se regarda dans le miroir et ne put retenir un sourire. Quel style ! Désuni, certes, mais avec une pointe de charme vintage qui n'aurait laissé aucun bobo indifférent. Un super-héros de bande dessinée n'aurait pas fait mieux au niveau du costume.

 

***

 

Il attendit que la nuit tombe entièrement. Plus pour l'effet de style qu'autre chose. Il stoppa le temps et se téléporta dans la chambre de l'infect bonhomme. Il était là, avachi au fond d'un canapé, sa main immobile s'apprêtant à porter à sa bouche une cigarette dont la fumée bleue statique décrivait d'élégantes courbes. Son regard bovin fixait un écran de télévision figé. Arch se pencha à quelques centimètres de son visage. Encore plus moche de près, cet immonde pou. Il jeta un regard circulaire à la pièce. La chambre était spacieuse et plutôt douillette. Au fond, un bureau dont l'énergumène devait rarement se servir accueillait une montagne de vêtements chiffonnés. Des chaussures de marque s'entassaient devant la porte, l'écran plat prenait une partie considérable du mur et surplombait plusieurs consoles de jeux vidéo et un home cinéma tape-à-l'œil. Arch se demanda pourquoi une personne qui semblait ne manquer de rien avait pris la peine d'alpaguer les passants tous les jours pendant plusieurs années.

Il se dirigea vers l'interrupteur et l'actionna. Aussitôt, le BB s'afficha, lui demandant de confirmer la décision de ramener ce qu'il touchait dans son espace temporel. Arch hésita, ne comprenant pas entièrement ce que cela induisait, puis valida. La lumière s'éteignit. Intéressant. Apparemment, il pouvait ou non choisir d'ôter le gel du temps d'un simple contact sur un élément précis. Et s'il ne faisait pas exprès de toucher quelque chose, le BB se chargeait de toute façon de lui laisser le choix. Il prit note mentalement de sa découverte pour la retranscrire plus tard sur papier et tester tout cela de façon rigoureuse. Il débrancha aussi le câble de la télévision avant d'aller se placer dans un coin de la pièce. Puis, il relança la machine à secondes.

L'autre niquedouille sursauta et ne termina pas son geste jusqu'alors suspendu.

« Maman ! hurla-t-il. Putain, Maman, les plombs ont sauté, va voir ! Rah, c'est vrai, elle est pas là ce soir cette conne, je vais devoir y aller.

— Salut Skander », souffla Arch, presque en murmurant.

Cette fois-ci, le benêt effectua un bond gigantesque accompagné d'un cri plus aigu que ce qu'il aurait sûrement voulu. Paniqué, il chercha une présence à travers l'obscurité de la pièce, sans succès.

« Qui est là ? Montre-toi, bâtard ! »

Arch sortit de la pénombre, juste assez pour que son ombre se découpe dans l'obscurité, provoquant chez son interlocuteur un frisson incontrôlable. Il se délecta de l'expression effarée mêlée d'effroi et de stupeur de l'immonde enflure. Ce dernier se décomposa en constatant que quelqu'un se trouvait bel et bien dans sa chambre.

« Mais… Mais t'es qui ? »

Arch n'avait pas réellement préparé de réponse à cette question aussi joua-t-il sur l'effet de surprise et garda le silence. Il avança d'un pas supplémentaire, ce qui fit reculer l'autre de deux. Il était désormais acculé au mur et fut pris d'une peur panique lorsqu'il sentit son dos s'y cogner.

« Approche pas, beugla-t-il. Qu'est-ce que tu veux ?

— Pas grand-chose, à vrai dire, répondit Arch tout bas. Qu'est-ce que tu penses que j'attends de toi ?

— Je sais pas, merde ! De la thune ?

— Non, pas moi, merci ça ira. Je pense que d'autres en ont besoin après ce que tu leur as fait. Par contre, des excuses seraient sûrement plus appropriées. Et un comportement civilisé ne serait pas de trop.

— De quoi tu me causes, toi ? »

Son ton s'était raffermi et sa posture avait changé. Arch sentait qu'il négociait très mal ce début de conversation. Il aurait dû anticiper tout ça au lieu de se pointer comme une fleur pour venir faire peur à un type qui n'en valait sûrement pas la peine. Il répondit néanmoins, sentant la colère monter, autant envers lui que contre la détestable assurance de l'autre.

« Je te cause de ton comportement de petit merdeux. Tu agresses les gens, tu leur fais peur. Tu ne sers à rien d'autre que de pourrir le quotidien de personnes honnêtes. Tu casses des vitrines... »

L'irrévérencieux personnage resta quelques secondes ébahi de surprise avant de partir d'un rire impertinent. Arch se maudit intérieurement. Question discrétion, c'était raté. Même un abruti comme lui avait deviné qui se cachait derrière ce costume. Finalement, à quoi s'attendait-il ? Personne n'aurait pris la cause Maria autant à cœur et comme par hasard, le « vengeur » venait le soir même de l'acte de vandalisme. Il n'avait plus le choix, il fallait menacer suffisamment fort pour qu'il n'y ait pas de représailles.

« Je te déconseille de te foutre de moi. Rappelle-toi ce qu'il s'est passé lundi matin.

— J'étais pas frais. Je vais t'exploser, vieux croûton. Tu vas regretter d'être venu.

— Et tu ne te demandes pas comment je suis entré, justement ?

— Bah… Par la porte, je suppose », répondit l'autre, dont le visage trahissait soudain un certain doute.

Arch profita de cet instant pour se téléporter juste à côté de lui et susurra à son oreille :

« Absolument pas. »

L'effet fut immédiat. L'infâme benêt sursauta si fort qu'il s'emmêla les pieds et s'affala de tout son long sur la moquette. Arch se téléporta encore une fois à côté de son visage.

« Il faut bien que tu comprennes que tu n'as aucun moyen de gagner contre moi, Skander. »

Ce dernier se redressa brusquement et fila plus ou moins à tâtons vers la porte de sa chambre. Mais il tomba nez à nez avec son adversaire qui se trouvait déjà face à lui. Dans un effort désespéré pour s'en sortir, il tenta d'asséner un coup de poing violent en direction d'Arch, qui ayant déjà anticipé cette réaction, avait ralenti le temps. Il ne vit en effet qu'une main fermée avancer vers lui lentement. D'un mouvement souple de la tête, il esquiva et laissa le poing s'écraser contre la porte. Son opposant gémit de douleur sur le coup, mais bien moins que lorsque Arch lui administra une gifle monumentale à la sauce énergie démultipliée. Skander s'effondra en tournant sur lui-même, un long filet de bave mêlé de sang le suivant dans sa chute. Arch s'approcha de lui et le saisit par les cheveux. Parlant tout bas mais d'une voix parfaitement audible, il prononça la sentence.

« Dès demain, Skander, tu iras te dénoncer auprès de Maria et tu lui paieras les réparations de sa boulangerie. Je ne veux plus jamais te voir à l'angle de la rue. À aucun angle d'aucune rue, d'ailleurs. Fais quelque chose de ta vie et adopte un comportement mature. À partir de maintenant, je te surveille. Je suivrai tes moindres faits et gestes. Ne t'avise surtout pas de penser que ce n'est pas vrai, car je te le jure, tu le regretterais amèrement. Sur ce, bonne nuit. »

À peine ses derniers mots furent prononcés qu'Arch ne se trouvait déjà plus dans la chambre, laissant au sol le résultat gisant de son premier redressement de torts.

Signaler ce texte