La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 14 : Dangereuse Curiosité

Lynn Rénier

Anya & le Magicien - Tome 1 : La Prophétie du Lion Sorcier

Depuis la tombée du jour, le vent est si fort que les volets claquent en un bruit lugubre. Le déluge est tel que les gouttes, grosses et lourdes, tombent comme des grêlons. Les chevaux sont effrayés et hennissent depuis des heures dans les écuries. Leurs ruades vont finir par faire sauter la poignée de leur box. Le pauvre garçon, au milieu de ce chaos, n'arrive pas à les calmer. Il a beau faire pour les tranquilliser, ils sont si agités qu'ils manquent de le blesser en cabrant et ruant.

Le Maître est en colère. Ce bouquant l'agace et l'empêche de dormir. Mais le palefrenier n'y est pour rien si les animaux s'inquiètent de ce temps d'orage. Peut-être ont-ils une bonne raison d'en avoir peur après tout. Ne sentent-ils pas les choses de la nature, contrairement à l'être humain ?

Un éclair zèbre le ciel avec fracas. Il n'est pas tombé bien loin. Et le jeune homme a les poils qui se dressent sur ses bras à mesure que la peur l'envahie. Il ne devrait pas être là. C'est dangereux. Les chevaux sont assez intelligents pour se mettre à l'abri s'ils se sauvent. Il parviendra à les retrouver s'il le faut.

Mais le Maître l'effraie bien plus que l'orage. Ses coups de bâton surtout. Et il ne tient pas à en faire de nouveau les frais. Il doit parvenir à calmer les chevaux. Sinon, le Maître s'occupera de le punir comme il l'entend. Et le palefrenier en frémit rien qu'à l'idée. Il ne veut pas rentrer au manoir sans avoir obéi à l'ordre du Maître.

Il s'occupe alors de consolider les attaches des licols. Les murs de l'écurie ne s'envoleront pas. Mais il doit s'assurer que les chevaux resteront à l'intérieur. Car s'ils ont disparu, le Maître lui en incombera la faute, c'est certain. De fait, il resserre les nœuds et pose de quoi couvrir les yeux de chacun des chevaux avant de leur glisser du coton dans les oreilles. Ainsi, ils resteront tranquilles.

L'agitation a éparpillé la paille, et maintenant que les animaux se tiennent sages et calmes, le palefrenier regroupe le foin dans l'angle des écuries. Un semblant de propreté et d'ordre vaut toujours mieux qu'un bazar inexplicable quand le Maître viendra s'assurer de son travail. Encore faut-il que son fidèle chien de garde, le majordome du domaine, n'aille pas lui rapporter n'importe quoi…

Il termine de rassembler la paille quand son pied butte sur une planche dépassant du plancher. Intrigué, il en oublie la tempête qui fait rage au dehors. Il dégage patiemment le fourrage pour découvrir une trappe cachée dessous. Une large porte de bois, avec un loquet qu'il s'apprête à tirer pour ouvrir.

Sous la trappe, un tunnel s'étend. Il ignorait son existence. Il n'aurait jamais imaginé qu'un tunnel serpente sous les écuries. L'envie d'aller voir où il mène le ronge. Le Maître ne lui reprochera pas d'avoir traîné à sa tâche. Avec l'orage qui frappe dehors, il ne viendra pas vérifier son travail avant le lendemain. Et puis, après tout, il a terminé. Il peut bien faire ce qu'il veut de son temps libre, puisqu'il a fini.

Le Maître ne sait pas combien de temps cela peut lui prendre de tout remettre en ordre. Il n'aura qu'à lui dire que ça a été plus long que prévu de tranquilliser les animaux avec cette tempête qui se déchaîne. Ainsi, il ne saura rien de sa petite escapade sous les écuries. De fait, poussé par la curiosité, il se laisse glisser dans l'ouverture.

 

Un long couloir s'étend à perte de vue. La luminosité des petites ampoules qui ponctuent le plafond au fil des câbles électriques est faible, mais elle permet tout de même d'arpenter le tunnel sans torche. Il marche un moment, coupé du temps. Et rien ne vient croiser sa route avant longtemps. Il se demande presque si ce couloir n'est pas sans fin. Quelle heure peut-il bien être ? Est-ce que cela fait longtemps qu'il est dans ce passage sous terre ?

Puis, un escalier se présente à sa droite. Sans doute une autre sortie. Il hésite. Le couloir continue devant lui et il choisit finalement de l'emprunter encore un peu, ignorant cette autre voie. Il veut savoir où le tunnel mène.

C'est alors qu'il débouche dans une vaste salle plusieurs mètres plus loin. Une table entourée de chaises en est le seul mobilier. Au fond, une porte en bois, renforcée de barres de métal, lui fait face. De chaque côté, deux lampes aux ampoules grésillant sont la seule lumière. Il n'y a personne, et son esprit ne trouve pas cela étrange. Il devrait se méfier pourtant…

Sa curiosité le rend presque sourd, et il ne fait pas attention aux bruits qui résonnent tout proche. Il s'avance vers la porte, voulant l'ouvrir en espérant trouver une salle au trésor. Une petite ouverture à barreaux à hauteur de vue le pousse à regarder. Ce qu'il découvre alors de l'autre côté le laisse presque sans voix.

- Oh mon Dieu, c'est impossible, souffle-t-il.

Mais il n'a pas le loisir de s'assurer de ce qu'il a vu, ni d'essayer d'ouvrir le porte. Un grognement le fait sursauter. Dans la semi-pénombre du couloir souterrain, le palefrenier distingue alors un chien massif. Un grand rottweiler, grognant et bavant.

Sans réfléchir d'avantage, il prend ses jambes à son cou et s'enfuie vers la sortie. Le molosse se lance aussitôt sur ses traces, aboyant férocement. Le jeune homme passe devant l'escalier sans le voir, remonte l'interminable couloir, gagne enfin la trappe, se glisse pour sortir, et parvient à la refermer juste avant que le chien ne lui saute à la gorge. Un soupir de soulagement lui échappe et il ne se rend pas compte que les chevaux soufflent nerveusement autour de lui.

Un bruit de pas tonne derrière lui, mais il ne l'entend pas, encore sous le choc de ce qu'il vient de découvrir. Soudain, un coup violent asséné dans son dos le fait vaciller. Il a tout juste le temps de se retourner et de voir la fourche entre les mains d'un homme dont il ne distingue pas le visage.

- Qui êtes-vous ? demande-t-il, toujours gêné par sa vue qui le trahie.

Pour toute réponse, l'homme se met à rire. À ses côtés, le palefrenier s'aperçoit qu'un second molosse se tient, semblable à celui qui aboie avec hargne sous la trappe. Puis, d'un simple geste de la main, l'homme fait signe au chien d'entrer en action. Alors, la dernière chose que voit le pauvre garçon est la bête bondissante, les mâchoires prêtes à saisirent sa gorge…


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© Lynn RÉNIER
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