La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 18 : Meurtre aux Ecuries
Lynn Rénier
La jeune commis aux cheveux roux hésite longtemps avant de lui dire. Comme s'il vaut peut-être mieux qu'elle ne sache rien. Mais Anya ne peut pas supporter ce silence d'avantage. Et puis, la curiosité est trop grande. Elle l'empresse de lui répondre, de lui dire ce qui se passe, pourquoi une telle agitation règne sur le domaine de leur richissime voisin…
- Ce matin, on a retrouvé un domestique assassiné dans les écuries de Monsieur De Olstin, lui annonce enfin Béatrice après une trop longue hésitation.
- Vraiment ?
- Oui, et il paraît que ce n'est pas joli à voir…
- Oh, mon Dieu, pourvu que ce ne soit pas Gautier… Pourvu que ce ne soit pas lui, implore la jeune femme pour elle-même. Tu sais de qui il s'agit ? ose-t-elle enfin demander.
- Non, je l'ignore. J'ai juste appris le drame en revenant du marché.
Sans attendre, Anya se précipite dehors. Elle veut savoir, être sûre, certaine. Elle ne peut tout simplement pas rester dans le doute. Pas alors qu'un ami peut être la malheureuse victime. C'est trop dur.
En arrivant à la limite du domaine, elle hésite toutefois. Doit-elle vraiment aller voir ? Le veut-elle vraiment ? Son estomac, qui se tord d'angoisse, finit par la décider. Elle franchit le haut portail d'acier qui est resté ouvert et s'élance sur la propriété voisine. Le domaine du Comte est immense, démesurément immense. Mais elle sait où trouver les écuries. Elle s'y est rendue plusieurs fois pour trouver Gautier. Et la foule de badauds pressée autour du bâtiment l'informe que c'est bien là.
La Brigade du Lynx est déjà arrivée sur place. Dès la découverte du corps. À cela, rien d'étonnant. La moindre affaire suspecte est prise en charge par ces hommes de loi irréprochables, implacables et incorruptibles. Leur chef, l'Inspecteur Frank Hotch, est présent lui aussi. Il interroge la jeune Vicky Sorel. C'est elle qui, la pauvre, a découvert le cadavre. Entre ses hoquets de sanglots, il est difficile pour l'Inspecteur de recueillir son témoignage. Anya se promet d'aller la réconforter un peu plus tard, quand tout ce beau monde trop curieux sera parti.
Sans prêter attention aux agents de l'ordre qui sont là, elle s'avance. On ne la laisse pourtant pas entrer dans la petite bâtisse, lui interdisant formellement le passage. Elle tente en vain de se glisser à l'intérieur, pour finalement maugréer et aller chercher des informations auprès des domestiques restés là. Elle aurait aimé apercevoir Gautier, mais elle ne le voit nulle-part. Sans doute Monsieur De Olstin l'a-t-il, une fois de plus, chargé de basses besognes. Et le jeune homme n'a pu venir faire jeu de sa curiosité comme tous les autres.
À défaut de pouvoir interroger son ami, Anya s'en va trouver Paul Igni, le jardinier du domaine. Il se trouve avec ses camarades, silencieux. Trop silencieux. L'homme de trente-six ans, aux courts cheveux noirs et aux yeux bruns, affiche un air aussi triste que les autres domestiques du Comte. La jeune femme-de-chambre s'inquiète d'autant plus.
Poussée par la curiosité, elle peut discuter un instant avec lui de ce qui s'était passé. Et ce qu'il lui apprend la laisse tétanisée :
- C'est la petite Vicky qui l'a trouvé ce matin, lui explique-t-il troublé. Le Maître lui avait demandé de trouver Gautier. Il avait quelque chose à lui faire faire, comme souvent. On n'a jamais le temps de souffler, de toute façon. Et comme elle ne le trouvait pas, elle a pensé à venir le chercher dans les écuries. C'est là qu'il travaille d'habitude. Mais la gamine a fait une bien triste découverte…
- Et Gautier dans tout ça ?
Grattant machinalement sa barbe de trois jours sur son menton, Paul reste muet.
- Ne me dis pas que…
- Si, laisse-t-il échapper malgré lui.
- Oh, non… C'est impossible…
- Je suis navrée, Anya.
La jeune femme est au bord des larmes.
- Je ne peux pas le croire, ce n'est pas vrai… sanglote-t-elle.
- Je suis vraiment désolée, tente de la consoler Paul. Je sais combien vous étiez amis tous les deux…
- Pourquoi lui ? Il n'a rien fait de mal… C'est injuste…
- Il devait être au mauvais endroit, au mauvais moment…
- Je ne lui connaissais aucun ennemi, alors qui a bien pu en vouloir à sa vie ?
- Je n'en sais rien, Anya. Je suis sincèrement désolé…
Anya finit par éclater en pleurs. Elle ne parvient pas à retenir ces larmes qui glissent sur ses joues. Et l'étreinte, bien que réconfortante du jardinier, ne fait rien pour la calmer…
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© Lynn RÉNIER