Chapitre 2 Chez Ernest

Sergueï Bonal

Yvan ne dormit pas de toute la nuit, il était bien trop préoccupé par cette voix. Il cherchait dans sa mémoire d'où il avait bien pu l'entendre, et pourquoi s'intéressait-elle à lui.Qu'avait-il de si spécial, méritait-il vraiment autant d'attention ? Il voulait retourner en haut de la tour Eiffel, voir s'il entendait toujours cette musique étrange, et si la voix qui l'appelait était toujours là. En sortant il fit attention de ne pas tomber sur un soldat, mais qu'avait-il à craindre ? S'il ne faisait rien d'illégal, il n'y avait pas de raison d'avoir des problèmes ? Pourtant, en observant, il voyait bien que la population avait peur de ces hommes en uniforme sombre et aux airs sinistres. Il y avait quelque chose d'étrange, de terrible, chez eux. Ils passaient leurs temps à hurler et à embêter des passants en leur faisant peur. Yvan ne comprenait pas pourquoi ils se mettaient dans de tels états en voyant les passants. Ils faisaient de grands gestes en criant, ils violentaient certains individus sans motif valable. Yvan resta en retrait de peur de se voir interpeller lui aussi. Il lui fallait parcourir une certaine distance avant d'arriver aux pieds de la tour Eiffel. Plus les mois passaient, plus les soldats étaient nombreux dans Paris. Il était difficile aux habitants de faire quelques mètres sans les croiser. Par chance, Yvan connaissait les passages peu fréquentés ainsi que les zones à éviter. Il avait généralement l'habitude de passer chez monsieur Ernest, maître pâtissier, qui avait l'habitude, en le voyant, de lui donner quelques viennoiseries. Monsieur Ernest, aux premiers abords, passait pour un golem au visage renfrogné, pourtant, il n'y avait pas plus gentil que lui. Il faisait certes un mètre quatre-vingt et bien cent dix kilos, mais il avait cependant une voix douce et délicate.

— Bonjour p'tit gars, comment vas-tu ? Où vas-tu comme ça ?

— Faire un tour sur la tour Eiffel, regarder le paysage. Répondit Yvan en tendant sa petite main.


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