Chapitre 2

Anthéa Claux

Quel jour sommes-nous ? Depuis le dernier entretien, je n'ai plus vu la lumière du jour et n'ai pas quitté la cellule dans laquelle on m'a enfermée. Je suis arrivée ce lundi et je dirais que nous sommes samedi à en jugé par les six barres gravées à l'aide d'un couteau volé qui ornent le mur à côté de mon oreiller. Ici, il n'y a pas de caméra... mais je me sens observée. Les Anges sont ici et le test est toujours en cours. Sinon pourquoi me garder enfermée ? Tic, tac, tic, tac, tic, tac.

Quelle heure est-il ? J'ai l'impression que cela fait une éternité que je suis enfermée dans cette cellule allongée sur le matelas à fixer le plafond gris. On m'apporte trois fois par jour des repas et aujourd'hui j'en ai déjà eu deux. Il doit être quatre heure de l'après-midi. Les bras croisés sur mon ventre, le regard dans le vide, je tente désespérément de faire passer le temps. J'imagine différemment motifs au plafond et les dessine mentalement : des arabesques jaunes, des pois bleus, des rayures roses...des taches de sang rouges. Je me sens bien seule. Seule mais observée, comme un animal en cage.

Où est Serena ? Je ne l'ai plus vu depuis l'entretien. Est-elle, elle aussi dans une cellule comme la mienne ? Non. Elle fait partie du test et le Guide ne l'aurait pas laissé dans une cage. Elle doit avoir une belle chambre, avec des fenêtres qui donnent sur un jardin à l'herbe verdoyante, un lit moelleux et des draps qui sentent bons la lessive. Comme je l'envie. Ma cellule ne ressemble pas à celle dans lesquelles on nous enfermé avant les Rédemptions dans la Communauté. Cela m'intrigue d'ailleurs. Si c'est un test de la Communauté, je devrais sûrement être dans l'une de leur cellule non ? Ici tout est gris, le lit grince à chaque fois que je me tourne, la douche est trop petite et il n'y a pas de miroir. Ils ont sûrement peur que l'on décide de le briser et de se servir des bouts de verres pour mettre fin à nos jours. J'ai survécu à la Purification et à ces fanatiques alors je ne suis pas prête à mourir. Pas maintenant. Pas aujourd'hui. Tu as été choisi, tu as survécu à la Purification. Tu fais parti des Élus.

Ai-je réussi le test ? Si c'est le cas, je ne devrais pas tarder à sortir. Cela fait trop longtemps que je suis ici. Si ce n'est pas le cas, ils vont me tuer. Je serais morte mais je retrouverais ma véritable famille et je serais enfin libre; libérée de l'emprise constante qu'a le Guide sur moi. Vous ne pouvez pas fuir. Votre esprit essayera de m'oublier mais votre corps ne m'oubliera jamais. Jamais. J'abaisse le haut de ma robe pour observer la Marque sur ma poitrine, sur mon cœur. Elle me brûle toujours et me gratte. Je la caresse doucement du bout des doigts et sens encore les boursouflures sur ma peau qui peine à cicatriser. Le Guide a raison; mon esprit fera tout pour effacer les souvenirs mais mon corps se souviendra pour toujours de la Communauté. La Marque me rappelle qui je suis; une de ses propriétés.



J'entends des bruits de pas qui se rapprochent de la cellule. Je me lève d'un bond, prête à riposter. Je refuse de rester une seconde de plus dans cette cellule. Si j'ai voulu m'enfuir de la Communauté ce n'est pas pour me retrouver dans une nouvelle prison. Je soulève rapidement mon oreiller et récupère le petit couteau que j'ai volé plus tôt. Je le sers dans mon poing, prête à l'attaque. Les pas se rapprochent. Boum. Boum. Boum. Boum. La personne ouvre la porte :

'' Serena ?! '' m'exclamé-je, surprise de retrouver mon amie face à moi en ce moment même. Je cache rapidement le couteau derrière mon dos.

Je remarque qu'elle a changé de tenue. Elle ne porte plus la robe blanche lugubre de la Communauté. A la place, elle est apprêtée d'un simple jean, d'un vieux t-shirt rouge bien trop grand pour elle et de converses. Tout ce qui est interdit par la communauté à vrai dire. Ses cheveux sont rassemblés en une queue de cheval et son visage est éclairci de maquillage; encore une fois, une chose interdite par le Guide. Elle est belle, pensé-je. De quoi ai-je l'air à côté ? Je porte toujours la robe de la Communauté et mon visage doit être dans un sale état. J'aimerais avoir un miroir.

'' Rose ! Tu...enfin... tu es radieuse ! '' s'exclame t-elle avec un grand sourire. Menteuse. Je n'ai peut-être pas de glace dans laquelle me regarder mais je ne suis pas encore stupide. '' Désolée de ne pas être venue avant mais j'avais quelques problèmes à régler... Enfin, maintenant je suis là et nous pourrons rattraper le temps perdu ! Qu'as-tu fais pendant mon absence ? '' demande t-elle l'air enjoué.

Qu'est ce qu'elle s'imagine ? '' Pas grand chose à vrai dire, la routine '' je réponds vaguement pour ne pas la brusquer. C'est une vérité...mais masquée derrière un petit mensonge. Comme toujours.

'' Bien, bien '' souffle t-elle. Nous restons silencieuses pendant de longues minutes. Moi, debout dans la cellule, une main derrière le dos pour cacher mon couteau et elle, de l'autre côté de la porte, droite comme un piquet. '' Il y a quelque chose dont l'inspecteur voudrait te parler, tu sais... à propos de ton entretien. '' Elle semble mal à l'aise.

Je fais semblant d'être ravie d'aider et lui réponds tout en souriant '' Oui bien sûr j'arrive. '' Je glisse mon couteau dans ma manche et tient la pointe de la lame en refermant mon poing. Une fois l'arme cachée, je retire mon bras de derrière mon dos et marche dans la direction de Serena. '' Je suis prête, je te suis '' m'exprimé-je toute souriante.

Serena me sourit en retour et ensemble nous traversons une multitude de couloirs tout aussi sombres les uns que les autres. J'essaye de prendre mes repères au cas où je devrais m'enfuir. Mais tout se ressemble, tous les couloirs sont les mêmes et les murs aussi. Il n'y a aucune fenêtres mais toujours cet insupportable grésillement de néons.

'' Tu sais, je te trouve plus souriante Rose, plus heureuse. Tu as enfin compris où tu es et ce que tu vas faire '' dit Serena tout en continuant à avancer d'un pas assuré.

Je reste en retrait loin derrière elle et analyse chaque intersections que nous prenons. C'est un vrai labyrinthe. Je retiens le chemin que nous empruntons ou du moins j'essaye : droite, droite puis deux fois à gauche, tout droit...

'' Rose ?! Tu m'écoutes ? '' répète t-elle en se retournant vers moi. Je m'arrête et la regarde en silence. Elle souffle et me rejoint '' Qu'est ce qu'il se passe ? Qu'est ce qu'il t'arrive ? '' Elle attends de ma part mais à la place je déglutis et joue avec la lame de mon couteau. Serena baisse les yeux sur mon poing et le voyant fermé, elle me questionne '' Qu'est ce que tu as dans ta main ? ''

Je hausse bêtement les épaules et ris '' Rien du tout ! Pourquoi voudrais-tu que j'ai quelque chose ? ''

Serena me lance un regard noir. Elle ne me croit pas. '' Si tu ne me dis rien, je serais forcée de prendre cet objet contre ton gré ! ''

Je ne bouge pas et ne dis rien. Dans un élan précipité, Serena se jette sur moi et tente de m'arracher le couteau des mains. Je me débats comme je peux mais elle parvient de justesse à me prendre mon arme et constatant qu'il s'agit d'un couteau, elle me fait de gros yeux et agite l'arme dans la main. '' Rose, un couteau ?! Depuis tout ce temps tu avais ce couteau dans ta main ?! '' s'exclame t-elle. Elle attend que je réponde mais je ne sais pas quoi lui dire. Je baisse les yeux, honteuse. Elle s'emporte '' Et que comptais-tu faire avec ça ?! Nous tuer ? Me tuer ? '' Jamais. Jamais je n'aurais tuer Serena. Elle est tout ce qui me reste. '' Tu vas me répondre oui ou non ?! ''

Je relève la tête et ose enfin affronter son regard. '' Je suis désolée Serena. Mais... tout est si étrange ici. Je veux dire, comment être sûre qu'on est en sécurité ici ? '' murmuré-je d'une faible voix comme si, on pouvait nous entendre.

Serena souffle désespérément et tout en secouant la tête de droite à gauche, me répond '' Comment dois-je te faire comprendre que nous sommes en sécurité ici !? '' Elle marque une pause, coince le couteau dans sa ceinture, se rapproche encore plus près de moi et me prends les mains pour les serrer dans les siennes '' Tu te souviens de notre promesse ? ''

Je hoche la tête de haut en bas '' Ensemble et pas de mensonge. '' réponds-je en la regardant dans les yeux.

'' Et quoi d'autre ? '' ajoute t-elle en haussant un sourcil et affichant un sourire en coin.

'' Avoir confiance l'une en l'autre. ''

Elle sourit et acquiesce. '' Alors crois-moi Rose ! Nous avons réussi à échapper à la Communauté. Mais le Guide voudra sûrement nous récupérer, Il n'aime pas quand ses brebis s'égarent du droit chemin. Mais on peut l'arrêter ! Tu peux l'arrêter. Tu en sais beaucoup plus sur lui que moi et j'ai déjà témoigné pendant que tu étais enfermée dans ta cellule. Les hommes qui sont ici sont des agents fédéraux et ils vont enfermer le Guide derrière les barreaux. Mais pour cela, on a besoin de ton aide. Il faut que tu leur raconte tout ce que tu sais sur la Communauté : son fonctionnement, ses membres importants, comment elle est arrivée dans le comté... C'est ce que tu veux non ? Que ce taré dégage d'ici. ''

Fuyez moi et je saurai où vous trouver. Trahissez moi, et je vous retrouverai. Je n'aime pas les traîtres... et vous savez tous ce que je leur fait moi, aux traîtres.... '' Tu oublies les Anges, et les caméras. Ils nous écoutent, nous observent. '' Je lève les yeux au plafond et tourne la tête dans tous les sens à la recherche de caméra ou d'un quelque conque objet électronique qui pourrait servir à espionner des personnes. '' C'est un test Serena. Je pensais que tu en faisais partie mais tu sembles aussi perdue que moi... Écoute moi, il suffit que l'on mente, que l'on fasse croire à ce sois-disant inspecteur qu'on est des ferventes Croyantes de la Communauté et que le Guide est notre salut. '' expliqué-je à mon amie avec le reflet de la folie dans les yeux.

Serena fronce les sourcils, retire ses mains des miennes,s'écarte et étouffe un rire. Elle se moque de moi. Tout en prenant son visage dans ses mains, elle hurle '' Mais merde t'es cinglée Rose ! Tu t'entends parler ?! Rester aussi longtemps dans la Communauté t'auras rendu folle et paranoïaque ! Il n'y a jamais eu de test ! Jamais '' Elle insiste sur les derniers mots et me lance un regard rempli de colère '' Toi et moi on est sortie de cet Enfer ! Et si on veut que tout ça cesse, tu vas devoir témoigner ! ''

Elle me prend subitement la main qui tenait plus tôt le couteau et m'emmène immédiatement voir l'homme de la dernière fois. Elle me sert si fort la main que le sang ne circule plus à travers la mienne '' Lâche moi Serena...tu me fais mal ! '' lui dis-je en essayant de me libérer de son emprise. Elle ne prend en compte aucune de mes paroles et continue sa route.


Je n'ai plus le temps de retenir notre parcours, nous arrivons rapidement devant une porte. Elle l'ouvre et comme la première fois, je retrouve la même pièce sombre avec la table au centre, les deux chaises de chaque côté, les néons au plafond et cette fichue caméra. Serena me force à m'asseoir sur la première chaise et me lâche enfin la main. Je la regarde ensuite s'éloigner et se caler contre un des murs de la pièce. Je lui lance un regard noir.

'' Tu vas quand même pas m'en vouloir de t'avoir emmené ici ? Tu vas pouvoir sauver des vies alors joue un les héroïnes pour une fois et fais tous ce que les inspecteurs te diront de faire '' s'exclame t-elle avec un petit rire.

Je veux répondre '' oui maman '' mais l'arrivée de deux hommes m'en empêche. Ils s'avancent tout deux et passent devant moi. Il y a toujours le vieil homme de mon premier entretien et avec lui se trouve un petit nouveau, très attrayant d'ailleurs. Des cheveux blonds, des yeux marrons à faire tomber toutes les jeunes femmes et une barbe de trois jours. Il ressemble beaucoup aux jeunes inspecteurs que l'on peut voir dans les séries et films policiers. L'homme aux cheveux poivre et sel s'assit en face de moi et pose sur la table un dossier à la pochette transparente. Je ne veux pas lire ce qu'il a dessus mais ma curiosité est si grande que je redresse mon dos pour mieux me pencher sur les écritures. Bien sûr, la police est trop petite et je n'arrive qu'à déchiffrer le symbole en haut de la première feuille : un drapeau américain et le sceau du département de la Défense.

'' Qu'est ce que c'est ? '' demandé-je sans quitter le document des yeux.

'' Ta liberté '' répond simplement le vieil homme.

C'est amusant de voir qu'un si petit mot peut signifier beaucoup pour une personne. Pour lui c'est l'ordinaire. Mais pour moi c'est l'utopie. Liberté. Sept lettres qui ont toute leur importance à mes oreilles. On ne peut pas employer ce mot à la légère. On nous avait promis la liberté dans la Communauté mais tout ce que nous avons reçu, c'est la servilité. Beaucoup n'ont connu la miséricorde qu'après avoir connu la souffrance. C'était leur sort. C'était un choix. Une décision consciente. Ils se sont aventurés dans un abîme et les ténèbres les ont engloutis. Seule leur foi leur permit de trouver le salut et d'émerger intacts de l'abîme. Je relève les yeux vers lui et le questionne du regard.

'' Tu as très bien entendu. Ce document t'accorde la liberté et une nouvelle vie. Si tu le signes, le gouvernement oubliera tout ce que tu as fait pour la Communauté, tu n'auras qu'une peine de deux ans. Et il s'accorde à t'offrir un nouveau départ avec une nouvelle identité et bien sûr, tu seras sous protection. '' explique l'inspecteur assis en face de moi.

Je reporte de nouveau mon attention sur le document et joue avec mes mains et mes ongles sous la table. Une promesse du gouvernement ? Je n'y crois pas un mot, ce n'est que du vent. Et que faisait le gouvernement pendant que le Guide convertissait de force les habitants du comté à sa Communauté ? Et où étaient les agents fédéraux ? Eh bien dans tous les cas, pas dans le comté. Comme je reste silencieuse, le jeune inspecteur prend mon silence pour une approbation et sort de sa poche un stylo. Il le pose près de ma main et fait glisser le dossier pour le rapprocher de moi. Il ouvre ensuite la pochette transparente, sort la feuille et la met sous mes yeux. Je le regarde faire et attends patiemment. Croit-il vraiment que je vais signer si facilement ? Il y a une semaine à peine j'étais considérée comme dangereuse pour ces inspecteurs et le gouvernement et maintenant il m'offre ma liberté sur un plateau doré. Impensable. Je scrute la réaction de Serena du coin de l'œil mais celle-ci semble encore contrariée par l'épisode du couteau. Je lève alors les yeux vers la caméra et défie l'Ange invisible. Je pourrais accepter oui, mais ce n'est que mon arrêt de mort que je signerais, pas ma liberté.

'' Ça ne sert à rien de fixer la caméra, elle est éteinte '' explique le vieil inspecteur.

'' Surtout ne me remercie pas... '' marmonne Serena dans un murmure presque inaudible. Je regarde tour à tour l'inspecteur et mon amie.

'' Je ne sais pas ce que vous pensez de nous ni même ce à quoi vous croyez, mais faîtes nous confiance sur ce coup. Signez ce document, témoignez et vous serez libre. '' réplique avec beaucoup d'assurance le nouvel inspecteur. Il est toujours debout à côté de son collègue mais me voyant hésiter à signer, il se dirige vers moi. Je sens mon rythme cardiaque s'accélérer et mon stress monter d'un cran. Il se tient derrière moi et me souffle '' Réfléchissez, si nous faisions parti de la Communauté, il y a longtemps que vous seriez morte, le corps battant le vide sur le Pont des Pendus avec un sac sur la tête et une pancarte autour du cou sur laquelle on aurait écrit; traître. '' Comment est-il au courant pour le Pont des Pendus ? Je me tourne vers Serena et lui fait comprendre mon appréhension.

'' Je t'ai dit que j'ai déjà témoigné. Ils sont déjà au courant pour pas mal de chose mais tu dois apporter des précisions et ta version des faits. " m'apprend t-elle.

Le jeune blond saisi le stylo et d'un mouvement audacieux me l'insère dans la main. Je le regarde surprise et tout en me tenant la main, il tente de me forcer à signer le document. Je lâche subitement le stylo et me recule d'un bond '' je dois y réfléchir '' soufflé-je. Je me soulève de la chaise et essaye de partir mais l'inspecteur me retient par l'épaule et me force à me rasseoir.

'' Désolé mais vous ne partirez pas tant que ce document ne sera pas signé '' me révèle t-il aussitôt.

Je regarde le vieil inspecteur en face de moi, furieuse et m'indigne '' Vous n'avez pas le droit de me retenir ici contre mon gré. C'est de la séquestration ! ''

'' Tout comme le fait la Communauté '' argumente le jeune inspecteur.

'' Ne me forcez pas à vous menotter comme la première fois.... '' souffle l'homme aux cheveux poivre et sel. '' Signez, c'est pour votre bien. ''

C'est marrant, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu une phrase similaire mais c'était le Guide qui parlait. Tout ce que je fais, je le fais pour vous mes enfants. C'est pour votre bien.

'' Je vous ai dit que j'y réfléchirais ! '' m'écrié-je.

Serena décolle son dos du mur et écarte le jeune inspecteur de moi. Elle se place à mes côtés et me regarde avec réconfort.

'' Je ne peux Serena...'' chuchoté-je avec une voix chagrinée '' J'ai trop peur... ''

Serena dépose un doux baiser protecteur sur mon front et prend ma main droite dans la sienne. Elle y insère le stylo et déclare solennellement en me regardant dans les yeux '' Ensemble. ''

J'acquiesce et souffle avec un léger sourire '' Toujours. ''

Serena sourit à son tour et laisse glisser ma main sur la table. C'est main dans la main que ma meilleure amie m'aide à apposer ma signature sur le document. La pointe du stylo touche le papier et l'encre noir s'y déverse à chaque lettre formée. C'est difficile et chaque boucle est dure à boucler d'autant que ma main tremble. Une fois le document signé, je lâche le stylo comme s'il était brûlant et le laisse rouler sur la table. C'est fini. J'ai signé mon arrêt de mort avec mon nom; mon véritable nom. Ainsi, je suis redevenue Rose Lloyd pour une minute, celle de ma mise à mort.

Le jeune inspecteur retourne près de son collègue qui affiche un sourire satisfait en voyant sa mission accomplie.

'' Bien. '' commence t-il en récupérant le document signé avant d'enchaîner aussitôt '' Maintenant que la partie administrative est finie si je puis dire, nous pouvons attaquer le témoignage. Pour t'encourager à parler, nous avons eu l'idée de t'offrir un petit quelque chose à chaque fin d'entretien : un livre, de l'argent... ''

Une récompense ? Comme on offre une friandise à un animal une fois son numéro de cirque terminé, on va me récompenser de ma docilité ? J'ai vraiment l'impression d'être un animal en cage. Dans la Communauté, on récompensait les Croyants avec des avantages sur les autres, des privilèges voir l'indemnité sur les prochaines éliminations. Ici, on me récompense avec des cadeaux de mon choix. Quelle différence y a t-il ? Aucune. Le gouvernement a beau vouloir mettre fin à la Communauté, il faut avouer que les deux partis possèdent quelques point communs.

'' Il y a quelque chose que tu souhaiterais avoir pour commencer ? '' demande le vieil inspecteur d'une douce voix.

Effectivement, Il y a bien une chose en particulier que j'aimerais avoir. Alors je lui demande '' je pourrais avoir un miroir ? '' Pour créer la peur, prenez un miroir.

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