Chapitre 2 part 2

Sergueï Bonal

Monsieur Ernest lui serra délicatement la main en prenant soin de ne pas lui faire mal. Yvan entra dans la cuisine qui sentait une multitude d'arômes : le chocolat, la cannelle, les amandes... Yvan, comme à chaque fois, était aux anges, il aimait se retrouver là à regarder tous les gâteaux et sentir ces odeurs délicieuses.

— Monsieur Ernest vous pouvez mettre la musique ? demanda Yvan le regard brillant.

— Bien-sûr bonhomme, pour toi je suis prêt à tout.

Ernest voyait Yvan comme un fils ; ayant perdu le sien quelques années plus tôt, il avait décidé de le prendre sous son aile quand il errait seul dans les rues de Paris. Ernest le surveillait et l'hébergeait quand il était dans le besoin. Les parents d'Yvan peu présent pour lui, celui-ci devait apprendre à se débrouiller par lui-même. Par chance il avait des amis sur qui il pouvait compter : Paul, aussi débrouillard qu'Yvan, lui apprenait quelques astuces pour vivre seul dans la rue et surtout comment éviter les ennuis. Ernest alluma son tourne-disque ; une douce mélodie monta dans la cuisine.

— Toujours la même chanson n'est-ce pas Yvan. Je croyais que tu ne ressentais rien ?

— En effet, mais c'est la seule que je connaisse ! Et elle ne me dérange pas, mais je ne ressens toujours rien. Je ne suis pas normal !

— Allons mon grand ! Tu es différent voilà tout, un jour tu trouveras peut être quelque chose qui te fera ressentir quelque chose de fort. Comment décrirais-tu ce que tu vis ?

— Et bien je comprends en écoutant ou regardant autour de moi  qu'il faut ressentir quelque chose de bien ou pas, mais je ne sais pas quoi. Je vois mes amis et je les observe, je tente de faire comme eux, mais je n'y arrive pas. Quand nous étions au sommet de la tour, l'autre jour, ils étaient étranges, figés, les yeux grands ouverts.

— Pour te répondre, ils étaient tout simplement en admiration, devant le paysage. Car il faut le reconnaître, il est magnifique ! Comme en écoutant cette chanson, je repense à ma femme et j'ai envie de danser.

Yvan fixait Ernest et tentait avec sincérité de le comprendre, mais certains mots lui étaient totalement étrangers, comme bonheur, admiration. Il voulait plus que tout au monde ressentir des émotions, aussi simples soient-elles. En partant de chez monsieur Ernest, Yvan termina son gâteau en fixant la tour Eiffel au loin.

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