La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 23 : A la Recherche d'Indices
Lynn Rénier
Les écuries sont vides et silencieuses. De nouveau. Depuis le drame, les chevaux, au box proche de l'endroit où a été retrouvé le garçon, ont été déplacés vers l'autre partie de l'écurie du domaine. Le personnel est tenu à l'écart. Seule la Brigade du Lynx a l'autorisation de rester sur place et peut avoir accès au lieu jusqu'à ce que l'enquête soit bouclée. L'Inspecteur Hotch a passé des heures à arpenter l'endroit, à chercher le moindre indice. Pourtant, à part le corps sans vie du jeune palefrenier trois jours plus tôt et de nombreuses traces de sang, il n'a absolument rien trouvé d'autre.
Il gamberge sur les circonstances de la mort de Gautier Jorly. Il a émis tant d'hypothèses qui ont été vite abandonnées La plus probable qu'ils aient trouvé avec son assistant eut été celle d'un vol qui aurait mal tourné. Seulement, il a également fini par éliminer cette option. Dans les écuries, tout est encore là. Le plus bel étalon du Comte est toujours présent. Sa plus importante génisse aussi.
Mis à part ces magnifiques animaux, rien ne mérite vraiment d'être volé dans les écuries. Et comme les bêtes sont toujours dans leur box respectif, pourquoi est-on venu s'en prendre au jeune homme ? Il n'a pas d'ennemi connu, c'était un garçon sans histoire qui faisait son travail, même ingrat, sans rechigner.
Il n'y a aucune trace d'un quelconque agresseur, pas de trace d'effraction non plus. Mais les écuries devaient être ouvertes puisque le jeune palefrenier y travaillait à ce moment-là. Alors qui aurait pu être susceptible de venir s'en prendre à lui ? A-t-il découvert un quelconque secret qui aurait mis sa vie en danger sans qu'il ne le sache ? Ça aurait été surprenant, mais c'est sans doute la meilleure piste à suivre. Toutefois, tout ceci est bien étrange.
Frank Hotch médite devant la scène du crime, explorant toutes les hypothèses dans son esprit. Son équipe a déjà récolté tout ce qui peut faire lieu de preuves et il les a examinés avec Matt pendant des heures sans grand résultat. Il en aurait souhaité d'avantage. C'est si mince pour construire son enquête. Mais c'est mieux que rien.
- Ce n'est pas logique, souffle-t-il après un silence pesant. Pourquoi s'en prendre à ce gamin ?
Il n'a pas prononcé la moindre parole depuis leur départ du poste et Matt met quelques secondes à réaliser que l'Inspecteur parle tout haut. Une habitude pendant ses réflexions que le jeune homme a vite remarquée. Au début, il ne savait que lui répondre. Avec le temps, il sait que s'il le suit dans ses questionnements, une discussion s'engage.
- Il n'était peut-être pas si innocent que cela, suppose-t-il.
- Les autres domestiques nous l'auraient dit. Ils sont bien plus liés qu'on ne peut le supposer. Ils n'ont pas vraiment de secret les uns pour les autres. Ils sont tous dans la même situation, traités de la même façon. Ça rapproche, ça soude. Et devant la réaction des domestiques du domaine de Monsieur De Olstin, comme ceux du domaine voisin, il n'était coupable de rien. Ce garçon a été assassiné sans réelle raison. Il était là au mauvais endroit au mauvais moment et aurait sans doute surpris quelqu'un qui l'aurait fait taire définitivement. Ça me semble bien plus probable.
- Mais nous n'avons aucune preuve de présence d'un tiers, Inspecteur.
- Je sais, Matt. Et c'est ce qui m'ennuie. Ce n'est pas logique, répète Frank. Il manque quelque chose. Je suis certain que c'est là, quelque part, sous notre nez. Mais impossible de le voir…
Il arpente l'allée des écuries de long en large, les méninges en surchauffe. Jamais il n'avait autant pédalé dans la semoule sur une enquête. Il doit y avoir une raison logique à tout ceci. Pourtant, pas moyen de mettre la main dessus. Encore moins de comprendre ce qui s'est réellement passé.
Frank se remémore en boucle le peu d'éléments qu'il possède. Rien chez ce garçon ne laisse supposer qu'il se serait attiré des ennuis. C'est tout de même étrange. On n'assassine pas quelqu'un pour rien. Il existe toujours une raison. Et c'est la première fois que l'Inspecteur bute sur un problème comme celui-ci.
Plus il rumine, plus il s'aperçoit que son enquête se base sur du vide. Il n'a qu'un cadavre à la morgue pour lui fournir des réponses. C'est maigre. Trop maigre pour élucider toute cette affaire. Ce pauvre garçon d'écurie a été sauvagement attaqué. N'importe qui saurait le voir, compétent ou non. Les morsures sur son corps sont celle d'un gros chien. C'est indéniable. Ce n'est pas le médecin-légiste qui lui a dit. D'ailleurs, il ne lui a rien appris là-dessus. En voyant le corps, Frank l'a tout de suite compris. La bête a laissé des marques évidentes, et l'animal doit être sacrément gros. Un chien à la mâchoire puissante sans aucun doute. Et c'est là la seule piste qu'il ait. C'est maigre…
Il lui faut plus de matière pour réfléchir. Pour l'instant, il n'a rien de concrètement exploitable. Le médecin-légiste aurait-il terminé son autopsie plus approfondie ? Peut-être aura-t-il de quoi le renseigner sur la façon dont Gautier est réellement mort. Ça serait déjà ça. Et puis, il arrêterait de tourner en rond comme un lion en cage.
Frank a beau arpenter les écuries de long en large, il sent qu'il n'y a plus rien ici qui puisse l'aider dans son enquête. Ce qu'il cherche désespérément n'est pas là. Et devant son impatience, il finit par céder. Gagnant la demeure luxueuse du Comte, il demande à passer un coup de téléphone. Le sombre majordome le guide jusqu'au bureau. Demandant à être seul, il y décroche le téléphone, tourne le cadran de chiffres pour composer le numéro de la morgue et patiente. On ne tarde pas à lui répondre.
- Xévo ? dit-il d'une voix forte.
- Oui, Inspecteur. Que puis-je pour toi ?
- As-tu terminé ?
- À l'instant. Rejoins-moi dans mon bureau.
- Ne peux-tu pas m'en faire part au téléphone ?
- Non, ce que j'ai découvert est bien trop grave pour que je puisse vous en parler comme ça. Viens sans tarder au poste de la Brigade, je t'y attends.
- Très bien.
Aussitôt, il retrouve son assistant devant la voiture.
- Nous rentrons. Le Docteur Richards nous attend.
- L'autopsie est-elle finie ?
- Oui. En route, mon garçon. Nous aurons peut-être des réponses.
La voiture démarre, le moteur vrombissant, et file à travers la ville tandis que le soleil descend à l'Ouest.
© Lynn RÉNIER