Chapitre 3 La voix d'un autre monde

Sergueï Bonal

Même s'il ne ressentait rien, voir la tour, fière, majestueuse, l'intriguait au plus haut point. Il cherchait au tréfonds de son âme cette émotion, cette chose qui lui manquait pour comprendre. Mais en avait-il seulement besoin pour l'observer, la regarder, nue, droite, bravant le temps ? À cet instant il regretta un peu de ne pas être avec Paul et Chloé pour leur expliquer ce qu'il avait entendu en haut de la tour. Qui plus est, s'il avait un problème, il serait soutenu, alors que tout seul il ne pouvait compter que sur lui-même. Du haut d'un poteau de bois, un énorme haut-parleur duquel s'extirpait une voix puissante et terrible. La voix avait un accent étrange, Yvan l'avait déjà entendue à mainte reprise, tous les soldats avaient la même, sinistre, terrible. Il avait l'impression qu'ils écorchaient les mots, qu'ils insistaient sur chaque lettre volontairement. La tour n'était plus qu'à quelques mètres de lui. Comme à chaque fois, elle était très bien gardée. Non loin de la tour, deux miradors d'où deux hommes observaient l'horizon. Il prit soin de ne pas se faire remarquer en passant dans les petites ruelles mal éclairées. Alors qu'il était là sous la tour, il entendit de nouveau cette musique étrange comme si elle venait de nulle part. Il grimpa avec prudence, ce jour-là, les soldats tournaient plus régulièrement. Y avait-il un événement particulier ? se demanda Yvan en voyant autant de gardes. Assez haut pour ne plus attirer l'attention, il grimpa avec sérénité jusqu'au moment où il arriva près de la partie restaurant. Il s'arrêta pour observer discrètement. Il y avait au moins une trentaine de personnes élégamment vêtues qui semblait faire la fête. De la musique hurlait des haut-parleurs, tout le monde semblait heureux. Les hommes étaient en uniformes, sombres, semblables à ceux des soldats, mais en plus élégants et raffinés. Quant aux dames elles avaient de longues robes légères aux couleurs sobres. Sur le mur du fond, le même symbole que sur la tour : une croix blanche sur un fond rouge. Il y avait également un aigle qui tenait dans ses serres la même croix, mais en plus petit. Il y avait quelque chose d'incongru dans ce tableau. Yvan le fixait comme hypnotisé. Afin de ne pas se faire remarquer, il poursuivit son ascension. Il arriva enfin au sommet. La même musique que celle de l'autre jour résonnait autour de lui. Un rai de lumière apparu près du vide. Rêvait-il ?se demanda-t-il en ouvrant grand les yeux. Le rai de lumière se transforma en trou, lumineux, brillant. La musique était alors de plus en plus forte, comme si elle venait de cette fente surnaturelle.

— Salut, Yvan, comment vas-tu mon ami ? dit la voix d'un ton joyeux.

— Qui êtes-vous ? Montrez-vous ? lança Yvan en cherchant d'où provenait la voix.


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