La Prophétie du Lion Sorcier - Chapitre 6 : Le Médecin

Lynn Rénier

Anya & le Magicien - Tome 1 : La Prophétie du Lion Sorcier

Laissés seuls, les deux collègues attendent impatiemment devant la porte de la chambre. Le jeune homme tortille ses doigts autour de sa cravate, anxieux. Jamais la jeune femme-de-chambre ne l'a vu comme ça. Lui qui d'ordinaire semble si calme, si tranquille. En d'autres circonstances, ça l'aurait presque faite rire.

Le majordome ne tarde pas à revenir, un homme avec lui. Ils marchent d'un pas long et pressé. Il n'y a pas de minute à perdre. Dame Inarah ne tient plus. Ce n'est qu'une question de temps. Et Joseph presse le médecin d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard.

- Ne vous inquiétez pas, lui répond le praticien. Je suis là pour ça.

Joseph semble rassuré que ses appels désespérés aient été entendu. Et Anya entend Sébastien soupirer de soulagement à la seule vue du médecin qui arrive vers eux.

Vêtu d'un manteau long trempé par la pluie qui claque à chacun de ses pas, une petite mallette à la main, un haut de forme sur la tête sur le rebord duquel il a posé une paire de lunettes au verre rond et noir, sa silhouette est celle du Docteur Fitsh, le médecin de la cité. Le mécanisme qu'il porte sous sa manche, qui l'aide dans son travail comme une troisième main et dont la jeune femme voit les mécanismes dorés, conforte cette idée.

L'homme d'âge mûr, la cinquantaine passée, a de courts cheveux poivre et sel, et une fine moustache grisonnante. Il sait que l'heure est grave et n'est pas enclin à la perte de temps. Ce que les domestiques du domaine partagent. Joseph et lui arrivent à hauteur d'Anya et de Sébastien. Le médecin ne prend pas la peine de se présenter. À Félinin, tout le monde le connait.

En revanche, il prend des nouvelles de la maîtresse de maison. Le majordome s'exécute aussitôt, la voix presque tremblante. Il lui apprend que le travail a commencé, mais le bébé ne veut pas sortir.

- Bien, répond simplement le médecin. Je vois.

L'état de la Dame l'inquiète au plus haut point. Oui, il était temps qu'il arrive !

Puis, il pousse la porte de la chambre et entre. Anya s'apprête à le suivre, mais il insiste pour être seule avec la Dame et congédie tout le monde.

- Amenez seulement une bassine d'eau chaude et du linge propre, s'il vous plait mademoiselle, lui demande-t-il.

Après avoir récupéré la bassine qu'elle a apporté plus tôt, la jeune femme y file sur le champ, intrigué que Fidèle n'ait pas renvoyé l'intrus. Il doit sentir que l'homme est là pour venir en aide à la future mère.

Le chien reste tranquille, couché au pied du lit de sa maîtresse qu'il ne veut pas quitter. Le médecin cherche à le faire sortir, pour être au calme. Mais rien n'y fait. L'animal ne bouge pas, quoi qu'il fasse. Et même les domestiques n'arrivent pas à décider le chien à sortir.

- Il n'est pas méchant, lui assure Joseph, tant que vous ne voulez pas de mal à Dame Inarah. Mais il ne la quittera pas, soyez en certain.

Alors, le médecin décide de laisser Fidèle au chevet de sa maîtresse.

- Je ferais avec, dit-il avant que les domestiques ne le laissent enfin seul, fermant la porte sur eux.

 

Dans la laverie où elle est venue chercher du linge, Anya croise Évelyn. Cette dernière cherche à occuper ses pensées en pliant le linge avec soin. Aussi inquiète que les autres domestiques de la maison, elle ne peut s'empêcher de questionner la jeune femme-de-chambre dès qu'elle la remarque à ses côtés.

- Le médecin est-il enfin là ?

- Oui, lui répond Anya en vidant sa bassine pour la remplir d'eau chaude. Tu veux bien m'apporter du linge, s'il te plait, Évy.

- Je t'amène ça tout de suite.

- Merci.

- … Dis-moi, ose demander Évelyn, comment se porte Dame Inarah ?

- Je ne sais pas trop. Elle semble beaucoup souffrir.

- Le bébé serait mal positionné ?

- Je ne sais pas, Évy. J'espère que non. D'après le médecin, ça risque d'être compliqué, avoue la jeune femme-de-chambre.

- Le bébé peut-il être sauvé ? questionne son amie en lui apportant du linge propre et des serviettes en coton.

- On l'ignore encore.

Elle aimerait pouvoir prendre le temps de lui répondre mais ce n'est pas le moment, Anya doit se dépêcher. Le médecin attend après elle.

- Je dois me hâter. Je te raconterais plus tard, Évy, promet-elle avec un sourire qui se veut rassurant.

- Je comprends. File donc dans ce cas. Dame Inarah va avoir besoin de toi.

Anya lui offre un sourire forcé, mais sincère tout de même. Puis, elle presse le pas dans le couloir, veillant à ne pas renverser la bassine. Elle doit faire vite.

 

Anya revient près de la chambre, devant laquelle Joseph et Sébastien angoissent. Toquant doucement à la porte avant d'entrer, elle attend que le médecin l'autorise à entrer. Ce qu'il fait. Timidement, elle vient poser la bassine près du lit, comme le lui demande le praticien.

Elle l'observe une seconde. Il a posé son manteau sur une chaise, son chapeau avec. Sa mallette est pleine de fioles, de petits tubes, d'ustensiles étranges dont elle ne connait l'utilité. Il a glissé des lunettes de vue sur son nez, un petit verre loupe venant s'ajouter aux verres plus grands grâce à une branche mobile, dans le but de lui accorder une meilleure vue du détail.

En bandoulière, il porte une ceinture pleine de matériel médical : seringues et aiguilles, fioles et tubes divers, compresses et bandes de gaz... Pour avoir tout à portée de main. Fixée à sa manche par des boucles de métal, une prothèse de cuir à laquelle sont intégrés tous les mécanismes de ses outils, prêts à être utilisés : pinces, ciseaux et autres. Il se prépare méticuleusement.

Elle veut rester, mais il la congédie avec politesse. Il a besoin de calme, et elle ne dit rien pour le contredire.

- Le travail a commencé depuis trop longtemps, dit-il avant qu'elle ne s'en aille. Le bébé n'est pas bien positionné et il ne peut pas sortir. Je vais devoir opérer.

- Opérer ? s'affole la jeune femme.

- Pas le choix, souffle le médecin. Sortez s'il vous plait. Et quoi qu'il se passe, quoi que vous entendiez, n'entrez pas avant que je ne vous y autorise.

- Entendu… Fidèle, viens, appelle Anya.

Mais le chien ne bouge pas d'un poil. Il reste au pied du lit, à surveille tous les faits et gestes du médecin. Il ne grogne pas, c'est déjà ça. S'il avait jugé que l'inconnu eut été dangereux, il aurait attaqué sans hésiter.

- Fidèle, appelle-t-elle de nouveau.

Toujours aucune réaction de l'animal. Il n'est pas décidé à quitter sa maîtresse dans un tel moment. Et la jeune femme ne peut que le comprendre.

- Il ne me dérange pas, l'informe le médecin en désignant le chien d'un bref signe de tête. Tant qu'il reste sage.

Puis, devant la mine anxieuse de la demoiselle, il ajoute :

- Ne vous inquiétez pas. Tout se passera bien. Vous pouvez me laisser.

C'est sans réelle conviction qu'Anya quitte donc la chambre, laissant la Dame aux soins de son médecin. Heureusement, Fidèle est resté pour veiller sur sa maitresse. Auquel cas, la jeune femme aurait bien eu du mal à laisser le praticien seul avec la Marquise.


© Lynn RÉNIER
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