Chasseur un jour, chasseur toujours
Jean Claude Blanc
Chasseur un jour, Chasseur toujours
Février 74, à peine 20 ans sonnés
Jeune homme apte pour servir, de suite incorporé
Dans le 13ème Bataillon des Chasseurs Alpins
Volontaire d'en être, biffin et galonné
Mes 3 jours accomplis, afin qu'on étudie
Aptitude, handicap et autres maladies
Etant fort comme un turc, au plus haut mon QI
Alors invité rejoindre les EOR
Le rang des officiers, ces nouveaux mousquetaires
Pour être Chasse bitte, que n'aurais-je pas fait
Mis le marché en main, je n'ai pas hésité
St Cyr Coëtquidan, réputé, légendaire
Apprendre à commander, les jeunes appelés
Pas du genre dur à cuire, facho militariste
Seulement passer ce temps utile et nécessaire
Me voyant pas cantiner et prendre de bonnes cuites
Avec mes compères à m'enfiler des bières
Pour ma part quel honneur, défendre le territoire
Uniforme de boy-scout, tricolore le drapeau
N'y avait aucun risque, me faire trouer la peau
Seulement satisfait, d'avoir fait mon devoir
Que simple citoyen, n'en tire aucune gloire
Les objecteurs de conscience, les plains, n'ont pas de mémoire
Retour à Chambéry dans une caserne austère
Comme Chef de Section, à l'allure sévère
Le béret sur la tête, qu'on appelait galette
Aux ordres mes troufions, pas l'humeur guillerette
D'aller au pas de tir, avec leur mitraillette
(Ça ne s'invente pas), au lieu-dit Les Charmettes
Là où Jean Jacques Rousseau, s'insurgeait contre Voltaire
Objectif les sommets mais pas aux sports d'hiver
Ainsi gazer la neige, coucher dans des igloos
Se chauffant à la glace, se peler la nuit entière
Toujours obéir, se mettre au garde à vous
Pour les revues de paquetage, les gamelles, les cuillères
12 mois à ce régime, supporter la misère
Crapahuter sans cesse, pas même enrhumé
Se lever à point d'heure, faire son lit au carré
Descendre sur la place d'armes, le fanion le hisser
Aux couleurs de la France, avec la fourragère
Qu'il pleuve ou qu'il vente, apprendre marcher au pas
Chantant la Marseillaise et le chant du Départ
En cadence les bras, et le buste bien droit
Pensant à nos anciens, pour qui se fut la gloire
De libérer le pays, et rester dans l'Histoire
Muni de skis métalliques ou d'une paire de raquette
D'un pesant sac à dos pour grimper sur les crêtes
Le visage mâchuré, à la façon FOMEC
(Se déplacer sans bruit, d'une manière discrète)
Vocabulaire à nous, sachant que l'ignorent les traitres
A leur Patrie ennemis, même qui battent en retraite
En venait de partout, de ces conscrits de France
Blancs, noirs ou bronzés, aucune différence
Partager quelques mois ensemble un brin de souffrance
Quelle chance pour plus tard, encore s'en raconter
Ces souvenirs d'armée, qu'on n'oubliera jamais
Je sais ça fait vieux jeu, m'en honore désormais
Les reverrai toujours, ces gosses couverts d'acné
Avec leur longue crinière, débarquant désolés
Quitter leurs frusques de ville, enfilant un treillis
Vite fait la coupe au bol, sans demander leur avis
Devenus chevronnés à force d'entrainements
Se faire la piste du risque, parcours du combattant
Chemin semé d'embûches, mais vraiment salutaire
Pour aider le copain qui s'est fichu par terre
Solidaire, ça s'appelle, même qu'on l'est plus guère
A en baver ainsi, ensemble dans le froid
Bouffer à même gamelle, altruistes camarades
Sachant qu'en ce temps-là, bien au-delà des droits
Logique faire son devoir, pour plus tard la parade
Fais pas l'apologie des meurtrières tueries
Qu'on lit dans les journaux, évoquant la Syrie
Mais il faut être fin prêt, et expérimenté
Pour se frotter aux barbares, qu'eux-mêmes se font sauter
Même armé jusqu'aux dents, pas sûr de triompher
Aspirant lieutenant, pas même engagé
Petit français de province, j'ai quitté mon clocher
Déjà mûr patriote, souverainiste entêté
République de Valmy sans cesse proclamée
Hélas plus d'amateurs, l'armée c'est un métier
Ainsi petit à petit, se délitent nos valeurs
Les mômes d'aujourd'hui, ne jouent qu'à se faire peur
Car le sang coule à flot, seulement sur internet
Pour dégommer l'ennemi, suffit d'une manette
Mais le charme est rompu, ce n'est pas pour de vrai
Les plus dévergondés, se procurent des fusées
Grenades, dynamites, c'est du meilleur effet
Se tuent à inventer ce qui sera le plus horrible
Alors comme faits d'armes, eux-mêmes bonne cible
Nous manquent ces symboles mais à jamais sacrés
Bizutage pour les bleus, la quille pour libérés
Comme le défilé sur les Champs Elysées
Peux dire « j'y étais », avec deux pays
Deux Michel qui comme moi, en gardent la nostalgie
En ces temps de combines, se débinent les lois
Y'a plus de patriotes mais que des cocardiers
Qui se rendent les honneurs, en chiant dans la soie
Pour eux pas de service, bandes de pistonnés
Tandis que des mercenaires, dont la peau vaut pas cher
Pourchassent les terroristes, en leur lointain désert
Car il faut protéger régions pétrolifères…
Y'a plus de régiments, sûrement par manque d'argent
Représentant le peuple de races amalgamées
Ne faut pas s'étonner, avance en reculant
L'Union dite sacrée, elle est foulée aux pieds
S'approfondit l'abime entre nous citoyens
Français par intérim et souvent clandestins
Supprimer ce service, que de soucis en moins
Défense Nationale vouée aux spécialistes
Tout part à la dérive, plus que des fonctionnaires
Outrage à la Nation, Marianne est bien triste
Un seul porte-avion, qui ne tient pas la mer
Nous reste le feu de dieu, la bombe nucléaire
N'en déplaise à De Gaulle, Général distingué
Qui avant l'an 40, plaidait, armée de métier
En ce monde de réacs, il faut s'en méfier
S'ils prennent le pouvoir, vont nous en faire baver
Alors revenons presto, aux troupes d'appelés
Moi-même comme mes potes, du même bataillon
Après avoir passé conseil de révision
Résultat j'étais bon, pour être fantassin
Pas même réformé comme ces petits malins
Etudiants beau prétexte, pour leur propre confort
Alors que nos anciens, partis comme en 14
Morts sur les champs de bataille, les Dames… pas bon chemin…
Mon Père simple 2ème classe, lui-même s'y est soumis
Dans le 92ème régiment d'infanterie
A évité de peu, la guerre d'Algérie
Pupilles de la Nation, mon oncle et ma mère
Prisonnier disparu, mon inconnu grand-père
Famille éprouvée, et des prés en jachère
Alors au regard de leur passé meurtri
N'allais pas faire le V du « peace and love hippie »
Naturellement, m'est venue ma foi pour ma patrie
Rêvais depuis tout petit, devenir aviateur
Piloter un Mirage, pas avion d'amateur
Hélas pas fort en math, j'ai dû me retourner
Vers St Ex ce poète, qui planait dans les airs
Avec son Petit Prince, perdu dans le désert
Egalement soldat, la guerre déclarée
Tenace pourtant ce goût, toujours me dépasser
Ce que ma vie durant, je ne l'ai qu'exaucé
Qu'auprès de ces bidasses, à la solde, pas héros
Qui me dénommaient « rampouille » bien sûr dans mon dos
Traduisez infidèle, faux derche, pas loyal
Etant comme eux appelé, mais type peu fréquentable
Alors philosophe, pourquoi me justifier
Ce qui comptait pour moi, au-delà des galons
C'était donner l'exemple, de ce qu'on peut endurer
Toujours marcher devant, afin donner le ton
A ces gosses choyés, qu'il fallait cuirasser
Trimballer un fusil, un sac chargé de pierres
(Dix kilomètres à pieds, ampoules sous les pieds)
Personne n'allait se plaindre, dans le giron d'une mère
Fallait prévoir le pire, pour pas se faire flinguer
(Qu'anticiper l'avenir, en ce monde précaire)
Adepte de Péguy, libertaire au début
Et puis nationaliste, pour sauver la France
Engagé volontaire, car il y avait urgence
Sont rares les commentaires désignant ses vertus
D'aller monter au front, là où on s'entretue
Lui-même combattant, poète, qui l'eut cru
Estourbi comme les autres, pour lui aucun salut
N'y a pas de guerres propres, que d'ignobles tueries
Et cela pour longtemps, s'agit pas se mentir
En faut de ces téméraires, les mains dans le cambouis
Est belle la République, mais grâce à ses martyrs
Dans mon rôle de témoin, ce n'est pas la galère
Une année me dévouer, à côté ne pèse guère
De ces braves poilus, inscrits aux monuments
Même si j'ai pris du grade, m'en vante en rigolant
« Ce que c'était le bon temps », regrettent les vieux soudards
Le corps en bonne santé, dans le froid, le brouillard
Etant de leur compagnie, en détresse, on se presse
De faire réfléchir notre peinarde jeunesse
Donner un peu de son temps, c'est pas l'amer à boire
Même j'en suis pas mort, faisant pas à moitié
Ce service à l'usage de ceux qui prêchent la paix
Retraité réserviste, sans doute arriéré
Par contre Chasseur un jour, Chasseur pour toujours
La montagne me gagne, d'un éternel amour JC Blanc mars 2017(mon temps sous les armes)